En adoptant le principe d’une double attribution des Jeux d’hiver de 2030 et 2034, les membres du Comité International Olympique (CIO) offrent un boulevard à Salt Lake City (Utah, États-Unis) dans sa quête d’obtenir une nouvelle fois les Jeux, plus de vingt ans après l’édition 2002.

La ligne d’arrivée est proche pour Salt Lake City et l’Utah.
Après plus de dix ans d’efforts depuis l’intention exprimée de soumettre une nouvelle candidature à l’organisation des Jeux d’hiver, les étapes franchies les unes après les autres ont conduit la Ville Hôte des JO 2002 à se retrouver aujourd’hui dans une position plus que confortable.
Il faut dire que les signaux sont rapidement passés au vert pour la candidature américaine et ce, tant au regard des atouts indiscutables du projet façonné au fil des ans qu’à l’aune des faiblesses constatées autour de potentielles rivales.
De fait, Salt Lake City a parfaitement su tirer son épingle du jeu dès le milieu des années 2010, restant d’abord à l’écart de la lumière pour ne pas interférer avec la candidature estivale de Los Angeles 2028 (Californie), avant de s’affirmer sur le devant de la scène dans le courant de l’année 2018. A cette époque-là, et bien qu’une candidature concurrente ait pu s’exprimer sous les traits de Denver (Colorado), le Comité Olympique et Paralympique des États-Unis (USOPC) fit le choix logique de Salt Lake City pour conduire l’ambition américaine dans la quête d’une édition future des Jeux d’hiver.
Sans déterminer alors d’échéance préférentielle, Salt Lake City a pu avancer selon son propre calendrier, regardant avec attention les développements à l’échelle mondiale, notamment en ce qui concerne la course aux JO 2026 qui s’acheva par un simple duel entre deux concurrentes européennes, Stockholm-Are pour la Suède et Milan-Cortina pour l’Italie.
Dès l’attribution de cette édition, la candidature américaine est ainsi allée de l’avant, recueillant les soutiens institutionnels les uns après les autres, et engrangeant une approbation plus que massive au sein de l’opinion publique.

Longtemps considérée comme favorite dans la course aux Jeux de 2030, Salt Lake City avait par la suite ralenti le rythme, se laissant alors surprendre par Sapporo (Japon) qui marqua un temps une détermination à toute épreuve. Néanmoins, les révélations de corruption derrière les Jeux de Tokyo 2020 ont peu à peu conduit à un affaiblissement durable de la candidature nippone et à un retour en force de Salt Lake City qui se montra tout autant disponible pour 2030 ou pour 2034.
En adoptant une telle stratégie, la candidature de l’Utah a prouvé au CIO qu’elle pouvait être un partenaire fiable en apportant une sécurité dans une période incertaine où moult candidatures se sont fracassées face aux contraintes budgétaires, à un manque de soutien institutionnel, ou encore face à une opinion publique récalcitrante.
Les processus menés par le CIO pour la sélection des Hôtes pour 2022 et 2026 en ont été des exemples, avec un nombre historiquement bas de candidatures. Pour 2030, les déboires ont aussi émaillé les projets portés ces dernières années par Vancouver (Colombie-Britannique, Canada), Barcelone-Pyrénées (Espagne) et plus récemment Sapporo.
La Ville Hôte des JO 2010 aurait pu offrir une proposition intéressante pour l’institution olympique, avec de surcroît la volonté affichée de mieux associer les Premières Nations autochtones dans l’élaboration et la construction d’un concept reposant largement sur une utilisation privilégiée de sites existants ou temporaires. Néanmoins, le manque d’engouement des autorités locales n’a pas permis de faire émerger durablement une candidature par la suite condamnée en raison du refus du gouvernement provincial d’apporter sa pierre financière à l’édifice.
Du côté de l’Espagne, la candidature barcelonaise – déjà évoquée pour 2022, puis un temps pour 2026 – a certes réussi à travailler un projet incluant les sites hérités des Jeux d’été de 1992 avec des infrastructures de sports d’hiver présentes dans le massif pyrénéen, mais sans parvenir à mettre en accord les autorités de Catalogne et d’Aragon quant à la juste répartition des sites et des efforts à fournir de part et d’autre.
Pour le Japon, en dépit de la réussite des Jeux d’été de Tokyo 2020 et du tremplin offert par cette édition pourtant organisée dans un contexte singulier en raison de la crise sanitaire du Covid-19, la Ville Hôte des JO 1972 s’est retrouvée paralysée par une population soucieuse de ne pas revivre l’inflation budgétaire qui fut liée aux préparatifs de la capitale, indépendamment d’ailleurs des répercussions dues à la pandémie mondiale.

Aussi, le positionnement de Salt Lake City entre 2030 et 2034 a permis de garantir aux yeux du CIO un Futur Hôte, le temps nécessaire pour l’institution olympique de voir émerger de nouvelles candidatures au cours des mois passés.
De fait, l’arrivée de Stockholm, puis l’intérêt mentionné par la Suisse en direction d’une édition à venir des Jeux d’hiver, et enfin l’expression des Alpes françaises affirmée durant l’été écoulé ont certainement rassuré le CIO qui, fin 2022, avait fait le choix de renverser la table d’un processus clairement dans l’impasse.
Pour la candidature américaine, ces intérêts exprimés en provenance du “Vieux Continent” ont dès lors sécurisé une attribution des Jeux rendue désormais inévitable pour 2034 – sauf improbable retournement de situation – tout en permettant à ladite candidature de s’assurer une marge de manœuvre plus confortable dans l’optique de la mise en œuvre de la campagne de marketing liée aux Jeux.
Car la seule faiblesse de taille qui pouvait contraindre Salt Lake City résidait finalement dans le fait que 2030 aurait été une édition des Jeux trop proche de celle de Los Angeles 2028. En filigrane, les porteurs de la candidature et les dirigeants de l’USOPC voyaient alors le risque de revenus moins conséquents quant à l’activation des partenariats.
Cet idéal alignement des planètes en direction de 2034, conjugué au soutien institutionnel transpartisan, à l’appui populaire caracolant au-dessus des 80%, et à la promesse d’une réutilisation optimale des infrastructures héritées des JO 2002, portent aujourd’hui Salt Lake City devant la porte grande ouverte du CIO.
D’ici fin octobre, Salt Lake City soumettra son projet à la Commission de Futur Hôte des Jeux d’hiver. Il en sera de même pour les candidates déclarées pour 2030.
Ladite Commission devrait ensuite recommander un ou plusieurs candidats à la Commission Exécutive du CIO pour activer la phase dite de dialogue ciblé. L’organe exécutif du CIO se réunira pour sa part du 28 novembre au 1er décembre 2023 inclus à Paris.
Sauf si une candidature venait à se positionner sur 2034 dans cet intervalle resserré, Salt Lake City devrait en conséquence être seule en piste, laissant la Suède, la Suisse et la France se faire concurrence pour 2030 avant une élection formelle de la Session du CIO attendue dans le courant de l’année 2024.
Cette répartition est renforcée par le fait que le retrait engagé cette semaine par Sapporo amène à considérer que le temps sera compté pour espérer la formulation concrète d’une offre pour 2034 de la part de Sapporo qui se dirige par conséquent davantage vers 2038.