Élu en 2013, puis réélu en 2021, Thomas Bach doit quitter le fauteuil de Président du Comité International Olympique (CIO) en 2025. Or, des membres de l’institution ont publiquement exprimé leur souhait de voir l’actuel locataire du Château de Vidy (Suisse) être prolongé dans ses fonctions. Le débat est ouvert.

Au cours de la dernière décennie, le CIO a connu moult bouleversements.
Sur le plan de la gouvernance, l’institution a notamment vu l’adoption de plusieurs réformes d’ampleur, de l’Agenda 2020 à l’Agenda 2020+5 en passant par la Nouvelle Norme. Le processus des candidatures a été profondément remanié, amenant un dialogue plus soutenu avec les prétendantes et une scénographie plus souple dans le déroulé des étapes jusqu’à l’élection de l’Hôte des Jeux.
Sur le plan des Jeux justement, le CIO a vu déferler une série de crises qui n’ont pour autant pas perturbé le fonctionnement du mastodonte de Lausanne (Suisse).
De fait, après le scandale du dopage organisé russe révélé à la suite des Jeux d’hiver de Sotchi 2014, le CIO a été confronté à la question du report des Jeux d’été de Tokyo 2020 face à la pandémie mondiale de Covid-19, avant que les Jeux d’hiver de Pékin 2022 ne soit le théâtre d’une mise en garde de l’institution à l’égard des officiels russes peu avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Toujours en ce qui concerne l’événement-phare du CIO, l’institution a su habilement manœuvrer pour sécuriser ses ressources et la pérennité du modèle olympique, en attribuant avec onze ans d’avance les éditions des Jeux de l’Olympiade de 2028 à Los Angeles (Californie, États-Unis) et de 2032 à Brisbane (Australie). A présent, le CIO est en passe de procéder à l’attribution des Jeux d’hiver de 2030 et de 2034 de façon simultanée, comme ce fut le cas pour les éditions 2024-2028 à l’été 2017.
Au milieu des réformes et des soubresauts de l’actualité, un homme est parvenu à tenir la barre du navire olympique.
Dans l’ombre de Jacques Rogge des années durant, Thomas Bach s’est révélé aux yeux du monde en septembre 2013 au moment de son élection à la présidence de la vénérable institution fondée par le Baron Pierre de Coubertin.

Face aux tempêtes, le pragmatisme du dirigeant allemand – Champion olympique de fleuret par équipes aux Jeux de Montréal 1976 – a convaincu, que ce soit au sein de l’institution comme au niveau des partenaires de celle-ci, conscient que le CIO demeure une sphère d’influence majeure et une aubaine économique au travers des Jeux.
Aussi, après un premier mandat de huit ans, Thomas Bach fut plébiscité en mars 2021 pour un second mandat de quatre ans et ce, conformément aux dispositions de la Charte Olympique.
Aujourd’hui, cette capacité à rassembler pourrait encore profiter au Président en exercice. De fait, certains membres du CIO se sont publiquement prononcés en cette fin de semaine pour une prolongation du bail de Thomas Bach à la tête de l’institution.
Fer de lance de cette manifestation, Mustapha Berraf, Président de l’Association des Comités Nationaux Olympiques Africains (ACNOA). Ce dernier a notamment affirmé au premier jour des travaux de la 141e Session réunie à Bombay (Inde) jusqu’au 17 octobre :
Dans ces temps difficiles, nous avons besoin d’un capitaine de bateau qui ait l’expérience nécessaire.
Le Mouvement olympique a besoin de stabilité.
Au nom de l’ACNOA et de ses membres, je propose que Thomas Bach prolonge son mandat pour quatre années supplémentaires.
Cette idée – reprise au cours de la même journée par trois autres personnalités olympiques, à savoir Luis Meija Oviedo (République Dominicaine), Camilo Perez Lopez Moreira (Paraguay) et Aïcha Garad Ali (Djibouti) – était dans les tiroirs depuis quelques semaines à en croire son auteur.
Ainsi que l’a reconnu Mustapha Berraf :
Cette proposition n’est pas une idée personnelle.
Elle vient de l’ACNOA et des membres africains du CIO. Nous en avons discuté lors d’une réunion à Paris, puis j’en ai parlé à Thomas Bach lors des Jeux Asiatiques à Hangzhou.
Il ne m’a pas répondu, mais je sais que la majorité des membres avec qui j’en ai discuté y sont favorables, surtout au sein des Fédérations Internationales.
Nous avons besoin de stabilité.
L’idée amène en tout cas à s’interroger sur la perspective d’une modification de la Charte Olympique, car pour permettre de déterminer un hypothétique troisième mandat présidentiel, encore faut-il que le texte fondamental de l’Olympisme soit adapté en conséquence.
Aussi, il faudrait au préalable qu’une motion en ce sens soit déposée au moins 30 jours avant le début d’une Session du CIO, renvoyant à 2024 un possible examen.
Une fois déposée, la proposition de modification devrait franchir le cap de la Commission des Affaires Juridiques du CIO, puis de la Commission Exécutive, organe habilité à soumettre ensuite la proposition à l’approbation de la Session. Cette dernière devrait alors entériner par deux tiers de ses membres ladite proposition afin que la Charte Olympique soit amendée pour assurer un nouveau mandat au Président en place.

L’expression de confiance d’une partie de ses collègues a bien sûr été appréciée par Thomas Bach. Mais le principal intéressé s’est bien gardé cependant de faire connaître ses intentions sur le sujet, gardant la réserve qui est la sienne et le langage olympique qui le caractérise.
Comme l’a ainsi déclaré Thomas Bach :
Ces mots de soutien ne s’adressent pas seulement à moi. Ils s’adressent à nous tous.
Je ne cacherai pas qu’ils me sont allés droit au cœur. Vous savez à quel point j’insiste toujours sur notre unité. J’apprécie ce soutien, cette amitié et cet amour.
[…] Vous savez que je suis très loyal à la Charte Olympique. Avoir été l’un des auteurs de cette Charte me conduit à être encore plus loyal à cette Charte.
Par ce propos, le Président du CIO remercie évidemment ses – nombreux – soutiens, tout en ne fermant pas la porte à un potentiel mandat supplémentaire qui le conduirait à assister à l’ouverture des Jeux d’hiver de Milan-Cortina 2026 et d’été de Los Angeles 2028.
Pour autant, face à l’enthousiasme de certains, d’autres membres du CIO ont fait preuve de davantage de mesure, à l’image du Président de la Fédération Internationale de Gymnastique (FIG) et membre du CIO depuis 2018, Morinari Watanabe.
S’exprimant face à Thomas Bach, celui qui fait figure de potentiel prétendant au fauteuil de Président a notamment déclaré :
En ce qui concerne l’extension de votre mandat, je fais attention au type d’image que l’on peut donner autour du monde […] parce que vous avez su nous enseigner l’importance qu’il y a à suivre ces règles dans l’intérêt de tous.
L’idée d’une prolongation du mandat présidentiel devrait en tout cas nourrir les prochaines discussions du CIO, même si l’institution aura aussi d’autres sujets sur lesquels elle devra statuer.
Quoiqu’il en soit, si aucune opposition franche ne s’exprime à l’égard de Thomas Bach et si aucune candidature solide n’émerge au cours des mois à venir, il n’est pas impossible d’imaginer qu’une motion déposée puisse in fine être adoptée, à condition bien entendu que le Président en exercice soit au bout du compte favorable à sa propre reconduction.