Face au refus du gouvernement de la Province de Colombie-Britannique de soutenir le projet porté par les quatre Premières Nations, la candidature olympique et paralympique de Vancouver (Canada) devient aujourd’hui caduque, laissant seules en pistes, les candidatures proposées par Sapporo (Japon) et Salt Lake City (Utah, États-Unis).

Dans la perspective d’accueillir une partie des matchs de la prochaine Coupe du Monde de football en 2026, mais aussi les compétitions des Invictus Games un an auparavant, la Province de Colombie-Britannique ne souhaite pas s’engager sur un troisième événement majeur.
De fait, en refusant d’apporter l’appui institutionnel – et surtout financier – indispensable à la poursuite de la candidature de Vancouver aux Jeux de 2030, le gouvernement provincial entend démontrer qu’il préfère à ce stade se recentrer sur d’autres priorités, notamment économiques et sociales, et qu’il n’a pas aujourd’hui la capacité de soutenir l’organisation du plus grand rendez-vous des sports d’hiver au monde.
Un challenge que peu de territoires semblent désormais en passe de pouvoir relever et un nouvel avertissement adressé en filigrane au Comité International Olympique (CIO).
Pour la candidature, le coup est évidemment rude, mais l’annonce survenue ce vendredi ne constitue pas pour autant une réelle surprise à l’aune des développements successifs de ladite candidature.
Depuis le début du processus de sélection du futur hôte des JO 2030 – et encore davantage depuis l’entrée en course de Vancouver – l’appui institutionnel des divers échelons gouvernementaux canadiens a en effet représenté une problématique essentielle, la Ville ayant longtemps émis des réserves quant à l’opportunité de s’engager dans une telle entreprise et ce, en dépit de l’expérience acquise lors des JO 2010 et de l’héritage obtenu au niveau des infrastructures.
En plus de cette problématique, Vancouver 2030 a également dû affronter une opinion publique particulièrement fragmentée, même si ces derniers mois ont permis de constater un rehaussement dans le soutien à la candidature et à un projet largement incarné par les quatre Premières Nations, comme un symbole de réconciliation avec les peuples autochtones de l’Ouest du Canada.
Désireux de faire fructifier cet engouement naissant, les équipes derrière la candidature avaient eu l’opportunité de présenter durant l’été écoulé le concept des Jeux, reposant bien sûr sur les sites des JO 2010, ainsi que sur la recherche de solutions durables et économes pour conformer le projet aux nouvelles exigences et normes olympiques véhiculées par l’Agenda 2020 et sa version améliorée, l’Agenda 2020+5.
Plus tôt ce mois-ci, le Maire élu de Vancouver avait pour sa part exprimé son intérêt et celui de la nouvelle majorité municipale pour la candidature.

Ces efforts n’auront toutefois pas été suffisants pour convaincre le gouvernement de Colombie-Britannique d’afficher officiellement un soutien qui aurait pu – dans la foulée mais sans aucune garantie cependant – conduire à un appui décisif de la part de l’État Fédéral. Ce défaut de soutien provincial entraîne en conséquence un retrait contraint de la candidature de Vancouver 2030.
Dans un communiqué publié ce vendredi, le Comité Olympique du Canada (COC) évoque en ces termes la situation actuelle, ne laissant pas de place au doute quant au devenir de la candidature.
Ainsi que l’expose l’institution présidée par Tricia Smith :
Nous sommes déçus d’entendre que le gouvernement de Colombie-Britannique a refusé d’appuyer les efforts menés par les peuples autochtones visant le retour des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver au Canada.
Dès le départ, quand le COC et le Comité Paralympique Canadien ont été invités par les quatre Premières Nations afin de participer à une étude de faisabilité, nous avions dit que tous les partenaires devaient être à bord pour que le projet puisse se poursuivre, et cela comprenait les différents ordres gouvernementaux.

Avec ce retrait annoncé – qui demeure à officialiser par les autorités compétentes – Vancouver ouvre un véritable boulevard à Sapporo (Japon), auréolée du statut de favorite de la course.
Néanmoins, les déboires judiciaires et les révélations médiatiques récurrentes autour de Tokyo 2020 et de dirigeants de sponsors des Jeux d’été organisés l’an passé dans l’archipel, pourraient durablement venir impacter la candidature de la Ville Hôte des Jeux d’hiver de 1972.
Plusieurs signes permettent en tout cas de le penser.
Au-delà des conséquences potentiellement dévastatrices sur l’opinion publique soucieuse de ne pas revivre des préparatifs coûteux et chaotiques, les relations “olympico-diplomatiques” entre le CIO et le Japon paraissent souffrir du contexte pesant sur Tokyo 2020 et, peut-être aussi, d’une certaine forme d’inconfort.
Il faut dire que deux rendez-vous ont successivement été rayés des agendas, posant la question d’une gêne évidente entre les deux parties.
Le premier devait conduire le Maire de Sapporo en visite à Lausanne (Suisse), “Capitale Olympique”, pour y rencontrer les responsables de l’institution courant septembre. Le second devait installer un entretien entre le Président du CIO et l’élu local en marge d’un déplacement au Japon de Thomas Bach pour l’anniversaire de Tokyo 2020 annoncé pour la mi-octobre et finalement annulé.
Dans ce contexte, Sapporo n’est plus assurée de pouvoir emporter la mise en 2023, année au cours de laquelle la 140ème Session doit se prononcer et élire l’hôte des JO 2030. Mais surtout, la situation tant du côté canadien que nippon, remet au centre du jeu la candidature de Salt Lake City.

Cette dernière – Ville Hôte des JO 2002 toujours associée au scandale de corruption qui avait provoqué une puissante secousse des deux côtés de l’Atlantique et l’adoption des réformes de la Commission CIO 2000 – pourrait de facto apparaître comme un recours incontournable pour l’institution de Lausanne.
Engagée depuis plus de dix ans dans la quête d’une nouvelle édition des Jeux d’hiver, Salt Lake City a régulièrement affiché sa détermination et son envie, réitérant à maintes reprises des arguments susceptibles de faire pencher la balance : un héritage reconnu des JO 2002 avec des infrastructures réutilisées toute l’année, un soutien populaire au zénith, et un appui institutionnel probant, incluant en outre les encouragements de Mitt Romney, ancien Président de Salt Lake City 2002, Sénateur de l’Utah, et ancien candidat Républicain à l’élection présidentielle américaine de 2012.
Comme pour toute candidature en provenance du Pays de l’Oncle Sam, la question financière a toutefois pris le dessus si l’on considère les mois passés.
Concrètement, dans l’optique des Jeux d’été de Los Angeles, pour lesquels un objectif de 5 milliards de dollars de revenus de sponsoring est espéré – à partager pour moitié entre l’organisation de l’événement et le Comité Olympique et Paralympique des États-Unis (USOPC) – la candidature hivernale a pris conscience des défis de la concurrence marketing posée par l’accueil des deux plus grands événements planétaires dans un espace temps aussi restreint (2028-2030).
Dès lors, l’USOPC n’a eu de cesse que de montrer sa volonté de postuler pour une édition préférentielle (2034), tout en préservant un intérêt et une ouverture stratégique sur 2030.
En agissant de la sorte, l’USOPC a clairement su lancer un appel du pied au CIO, comme pour rappeler la place des États-Unis en tant que recours dans les situations périlleuses de l’histoire olympique, que ce soit durant la Guerre Froide avec Los Angeles 1984 alors seule en piste, ou, plus récemment, avec la candidature de LA 2028, d’abord repêchée en interne après le désistement prématurée de Boston (Massachusetts), puis ayant scellé un accord tripartite avec Paris 2024 pour mener à la double attribution historique des Jeux.

Dans une course à présent réduite à deux postulantes – après avoir affiché jusqu’à quatre parties avant le retrait de la candidature pyrénéenne espagnole portée un temps par l’Aragon et la Catalogne – le CIO se retrouve à nouveau dans une situation complexe, mais pas sans issue pour autant.
Le nouveau processus décisionnel étant basé sur un dialogue plus poussé qu’auparavant avec les prétendantes aux Jeux, l’institution pourrait en effet être amenée à proposer un candidat privilégié avant la fin de l’année 2022 ou choisir de se laisser encore un peu de temps avant de se prononcer. Le CIO pourrait aussi décider de soumettre aux deux candidates restantes un deal similaire à celui orchestré à l’été 2017 avec Paris et Los Angeles, et consistant à convenir d’une double attribution 2030-2034.
Cette option garantirait ainsi au CIO de futurs hôtes pour son événement-phare sur la saison hivernale.
De surcroît, cela lui offrirait une confortable marge de manœuvre pour poursuivre la mutation du modèle olympique, en tâchant de convaincre, à l’avenir, des villes et des territoires de se présenter sur la ligne de départ en évitant les sorties de route, la prochaine attribution revenant in fine à se projeter sur l’échéance de 2038.