D’une étape de réflexions et d’échanges informels avec le Comité International Olympique (CIO), la Suède entend désormais conduire un dialogue continu avec l’institution de Lausanne (Suisse) dans la quête des Jeux de 2030. Pour convaincre, le pays – déjà maintes fois candidat – entend s’appuyer sur son expérience et sa passion des sports d’hiver.

En février 2023, le Comité Olympique de Suède (SOK) avait officialisé le lancement d’une étude préliminaire – conjointement avec le Comité Paralympique suédois (SPK) et la Confédération Nationale des Sports (RF) – visant à établir les conditions d’un projet et, le cas échéant, les chances de succès pour l’organisation des Jeux d’hiver de 2030.
La semaine dernière, le Rapport final issue de ladite étude a été dévoilé et parallèlement remis aux pouvoirs publics, préfigurant les développements à venir.
Sur plus de 86 pages – sans compter deux annexes – le SOK et ses partenaires institutionnels ont ainsi tâché de retenir les leçons des nombreux échecs passés tout en traçant les perspectives de mise en œuvre d’un projet concurrentiel susceptible de convaincre in fine le CIO.
Aussi, en profitant de la marge de manœuvre accordée par l’institution olympique depuis décembre 2022 et le bouleversement opéré autour du processus de sélection du futur hôte, les autorités sportives du pays ont proposé d’entrer dans une nouvelle phase d’échanges avec le CIO, passant de fait d’une étape informelle à une discussion continue.
En faisant ainsi son entrée dans cette phase capitale – qui, conformément à la réforme de la Nouvelle Norme, précède celle du dialogue ciblé qui consacre l’identité du futur hôte avant la désignation officielle par la Session quelques mois plus tard – la Suède confirme son envie des Jeux, elle qui reste sur une succession de déconvenues entre Stockholm, Åre, Östersund, ou encore Falun.
Dès les premières pages du Rapport, les autorités sportives suédoises évoquent l’adhésion populaire retrouvée, alors que ce point capital avait fait défaut à la précédente candidature développée pour les Jeux de 2026.
Elles relèvent en outre l’ambition de faire des Jeux de 2030 les Jeux les plus durables de l’histoire, avec aussi le souci de maîtriser les dépenses avec l’installation des épreuves dans des sites et équipements existants ou temporaires, et la volonté d’incarner un nouveau modèle tourné vers les idéaux démocratiques.
Ainsi que l’expose en ce sens les porteurs de l’étude préliminaire :
La Suède offrira un voyage et un festival sportif modernes et attrayants qui inspirera les rêves et repoussera les limites des générations actuelles et futures. […]
La Suède doit utiliser la scène internationale pour exprimer des valeurs telles que la démocratie, l’inclusion, l’accessibilité, l’égalité et la solidarité, en diffusant aussi l’image de la culture, de la nature et de l’innovation.

Pour garantir la mise en place d’une telle ambition, le SOK et ses alliés préconisent de bâtir un concept sportif fondé sur l’expérience des sports d’hiver, à la fois à l’échelle nationale et internationale.
Si la passion des suédois pour les sports de neige et de glace n’est plus à démontrer, la Suède entend ici rappeler ses faits d’armes, ayant participé à toutes les éditions des Jeux Olympiques d’hiver depuis celle de Chamonix 1924, en décrochant à chaque fois au moins une médaille. Elle a aussi pris part à toutes les éditions des Jeux Paralympiques d’hiver, dont la première édition fut d’ailleurs organisée en Suède, en 1976, là-encore, en obtenant à chaque fois au moins une breloque.
Au-delà de l’expérience, il est aussi question de construire un projet basé sur l’utilisation d’installations sportives qui ont d’ores et déjà été mobilisées dans le cadre de grands événements internationaux, le but étant de ne pas aménager le moindre équipement sportif de façon pérenne.
Sur ce point – et en imaginant qu’elle puisse y parvenir – la Suède marquerait de son empreinte une nouvelle ère pour les Jeux d’hiver, de nouvelles structures ayant systématiquement été bâties au cours des dernières éditions, en incluant de surcroît celle à venir de Milan-Cortina 2026.
Les conclusions de l’étude préliminaire évoquent également l’importance d’associer la venue des Jeux d’hiver avec la préservation de l’environnement, d’autant plus à l’heure où le CIO s’engage dans la réduction des gaz à effet de serre à horizon 2030 et au moment où la problématique interroge fortement l’opinion publique.
La prise en compte de cet élément est ainsi abordée tant sur la partie consacrée à l’aménagement de structures temporaires le temps des Jeux, avec l’utilisation envisagée de matériaux recyclés et bas carbone, que pour les transports, avec la priorité donnée aux modes de déplacement doux et aux véhicules électriques, ou encore pour la production de ressources énergétiques propres pour les arènes sportives et l’espace urbain. Le rapport entre environnement et santé est en outre développé et valorisé comme un possible héritage d’une organisation des Jeux en Suède.

Pour mener à bien l’étude préliminaire, le SOK, le SPK et le RF ont tenu à s’inspirer des éditions olympiques et paralympiques passées, citant particulièrement les bénéfices du projet voisin de Lillehammer 1994 qui, encore aujourd’hui, est reconnu comme un modèle du genre pour les Jeux d’hiver.
Bien sûr, le projet de Stockholm-Åre 2026 jalonne également la réflexion conduite au cours des derniers mois, certains éléments structurants dudit projet étant de facto repris dans l’optique d’une nouvelle candidature.
Comme le mentionne d’ailleurs le Rapport final, pas moins de 13 points-clés constituaient l’ambition olympique et paralympique suédoise pour l’échéance de 2026, à savoir la promotion d’une meilleure santé publique grâce à des initiatives portant sur le sport, la diffusion des connaissances sur l’importance de la pratique sportive et l’accompagnement du sport de haut-niveau, le renforcement de l’accessibilité des enceintes sportives, le développement d’arènes polyvalentes pour les sports de glace, le renforcement des partenariats entre le secteur public et le secteur privé autour des enjeux sportifs, mais encore le développement à long terme de l’économie sportive avec à la clé la création de milliers d’emplois supplémentaires.
La cohésion autour des valeurs olympiques et paralympiques pour accroître la dimension multiculturelle de la Suède était aussi un point essentiel de la précédente candidature, tout comme la mise en lumière du Mouvement paralympique et des para-sports, l’ambition de durabilité du concept alors développé, la jonction recherchée entre les organisateurs passés et futurs des Jeux pour apprendre et partager l’expérience de l’événement, sans oublier le renforcement de l’image de marque du pays à travers le monde, la montée en puissance de la place de Stockholm sur la scène sportive mondiale, et enfin l’adaptation du projet des Jeux avec les stratégies de développement pensées à l’échelle locale ou nationale.
En résumé, et ainsi que le consacre l’étude préliminaire :
La Suède peut et doit organiser les Jeux Olympiques les plus durables de tous les temps. Nous voulons créer un modèle international d’événement inclusif et durable, tant sur le plan économique, social qu’environnemental et climatique. […]
Le sport peut et veut jouer un rôle important au regard des objectifs de développement durable contenus dans l’Agenda 2030 [des Nations Unies].
En cela, les Jeux Olympiques et Paralympiques sur le sol suédois peuvent constituer un catalyseur qui peut contribuer à assurer un développement durable pour la Suède et pour le monde.

Concernant le sujet des enceintes sportives disponibles ou, plus globalement, la cartographie des sites proposés par une candidature suédoise pour les Jeux d’hiver de 2030, le Rapport évoque la possibilité de mettre en avant quatre régions du pays, avec en outre la contribution d’au moins un pays voisin, là-encore dans un souci de durabilité et de maîtrise des coûts.
Concrètement, quatre villes et leurs périphéries sont énoncées, à savoir bien sûr Stockholm, mais aussi Falun – comme indiqué récemment par “Sport & Société” -, Östersund et enfin Åre.
Dans la capitale suédoise et ses abords, quatre arènes existantes ont d’ores et déjà été identifiées : la Friends Arena à Solna avec ses 50 à 55 000 places idéales pour les Cérémonies d’ouverture et de clôture, la Tele2 Arena de 30 000 places, l’Avicii Arena – le Globe – d’une capacité avoisinant les 14 000 sièges, et enfin la patinoire Scaniarinken de Södertälje offrant une jauge de 6 200 places.
Sur ces quatre sites existants, les épreuves olympiques de hockey-sur-glace, de patinage artistique, de patinage de vitesse sur piste courte (short-track) et de curling, et les compétitions paralympiques de para-hockey et de curling-fauteuil pourraient dès lors aisément prendre place, même si d’autres options peuvent être envisagées.
Du côté de Falun, le Skistadion – hôte des Championnats du Monde de ski nordique en 2015 et prochainement en 2027 – apporterait une solution adéquate pour les rendez-vous olympiques de saut à ski, ainsi que de ski de fond et de combiné nordique.
Pour ce qui est d’Östersund et de ses environs, les conclusions de l’étude préliminaire estiment que les infrastructures existantes sont de nature à permettre l’organisation des épreuves olympiques de biathlon, puis les épreuves paralympiques de para-ski de fond et de para-biathlon.
Concernant Åre – déjà alliée de Stockholm pour 2026 – l’expérience locale et les installations montagneuses présentes sur place offrent la possibilité d’héberger les épreuves de ski alpin, de freestyle – incluant les bosses – ainsi que le snowboard durant les Jeux Olympiques, avant que les compétitions de para-ski alpin et de para-snowboard ne puissent s’y dérouler.

La cartographie prévisionnelle – car des ajustements devront immanquablement être apportés à mesure que les discussions avec le CIO et les Fédérations Internationales concernées vont monter crescendo – prévoit par ailleurs la mobilisation de sites annexes ne dépendant pas d’un cluster prédéterminé.
De fait, s’agissant du patinage de vitesse – qui a récemment posé de sérieux problèmes à Milan-Cortina 2026 – les autorités sportives suédoises comptent pleinement respecter le principe fixé de durabilité, et ne souhaitent pas en conséquence bâtir une patinoire dédiée comme cela fut envisagé pour 2026 du côté de la communauté urbaine de Barkarby, près de Stockholm.
A ce stade, aucune alternative n’a été établie, mais deux options sont néanmoins présentées.
Pour la première, la Suède pourrait compter sur la participation éventuelle de la Norvège, avec la Hamar Olympiahall à Hamar qui fut utilisée dans le cadre des JO 1994 et qui n’est autre que l’une des plus grandes patinoires au monde, avec une capacité de plus de 10 500 places pour les rendez-vous sportifs.
Pour la seconde, le potentiel futur hôte des Jeux pourrait s’appuyer sur les Pays-Bas, avec le Thialf situé à Heerenveen et qui a longtemps eu la réputation d’être la glace la plus rapide du monde, accueillant régulièrement des Championnats du Monde et des épreuves de Coupes du Monde.
Outre la question du patinage de vitesse, l’autre problématique à résoudre pour la Suède sera celle des compétitions de bobsleigh, de luge et de skeleton, le pays ne disposant pas d’une enceinte dimensionnée pour les Jeux.
Aussi, et comme pour le projet développé pour 2026, la Suède pourrait renouveler la confiance accordée à la Lettonie avec la piste existante de Sigulda. Des échanges ont d’ailleurs déjà été menés ces derniers mois entre les autorités sportives des deux pays pour aboutir à un partenariat en vue des JO 2030.
Si d’aventure l’option lettone ne convenait pas, la Norvège pourrait être associée au projet suédois au travers de la piste olympique de Lillehammer. Une façon de tirer profit d’une enceinte existante et de faire un trait d’union entre l’héritage des Jeux de 1994 et le rêve des Jeux de la Suède.
Dans les deux cas cependant, des aménagements plus ou moins importants devront être réalisés afin de mettre à niveau les équipements à l’aune des critères techniques en vigueur.

En travaillant un concept pour partie basé de la précédente candidature suédoise, et en examinant avec rigueur les points d’amélioration possibles, avec à la clé près de 150 réunions organisées au cours du printemps avec les pouvoirs publics, les associations et Fédérations sportives, les entreprises et des structures de la société civile, le SOK et ses alliés espèrent désormais être en capacité de convaincre les autorités du pays.
A l’annonce du lancement de l’étude préliminaire, le Premier Ministre, Ulf Kristersson, avait en ce sens affirmé qu’il se positionnerait au regard des conclusions de l’étude préliminaire.
Des échanges plus fournis devront dès lors être opérés entre les différentes parties, notamment sur la question hautement sensible du budget d’organisation et ce, même si la feuille de route pour 2026 représente un fondement pour la réflexion, sachant que le budget prévisionnel de l’époque tablait sur des dépenses de l’ordre de 13,14 milliards de couronnes suédoises, soit 1,26 milliard d’euros.
De la même manière – et dans l’optique de sécuriser le concept et son financement – les porteurs d’une candidature devront poursuivre leur effort de conviction auprès du secteur privé qui, le cas échéant, sera susceptible de mettre la main au portefeuille.
Les discussions avec les pays voisins devront également être engagées ou poursuivies pour résoudre la question des sites périphériques.
Bien entendu, le développement d’une candidature suédoise ne devra pas négliger la perception de celle-ci dans l’opinion publique et ce, afin de maintenir une adhésion élevée qui sera aussi un élément-clé dans l’appréciation que le CIO formulera à l’égard du projet.
Plus que jamais, la Suède a les cartes en main.