Paris 2024 : Le CIO entre encouragements et vigilance

En visite à Paris et en Seine-Saint-Denis, la Commission de Coordination du Comité International Olympique (CIO) a achevé ce mercredi sa cinquième session de réunions avec les équipes du Comité d’Organisation des Jeux de Paris 2024. L’occasion de faire un point d’étape sur les préparatifs, à désormais moins de deux ans de l’ouverture de l’événement planétaire.

Nicolas Ferrand, Directeur Général de la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques, exposant le concept du Village des Athlètes de Paris 2024, face aux membres de la Commission de Coordination du CIO, mardi 30 août 2022 (Crédits – Frederic Bukajlo / Capa Pictures)

A la veille de l’achèvement de sa visite en France, la Commission de Coordination du CIO chargée de superviser les Jeux de 2024 a pu profiter hier soir d’une balade fluviale sur la Seine.

Pour Pierre-Olivier Beckers-Vieujant et ses collègues de la Commission, ce moment privilégié a été perçu comme un clin d’œil à ce que pourront vivre les milliers d’athlètes qui embarqueront sur le fleuve parisien pour une traversée de Paris, le 26 juillet 2024 au soir d’une Cérémonie d’ouverture conçue pour marquer les esprits.

Avant cette étape nocturne, les membres de la Commission de Coordination ont eu l’occasion de se rendre sur quelques sites-phares du dispositif olympique et paralympique, que sont le Stade de France, le chantier du Centre Aquatique Olympique à Saint-Denis et, bien évidemment, la colossale entreprise du Village des Athlètes en cours de construction sur plus de 51 hectares à cheval sur trois communes de Seine-Saint-Denis, avec en bordure – et autre clin d’œil – la Seine comme trait d’union en direction de la « Ville Lumière ».

Outre ces visites sur le terrain – appréciées de la Commission qui n’avait pas été en mesure de se rendre à Paris ces deux dernières années en raison des restrictions imposées par l’épidémie de Covid-19 – une batterie de réunions s’est tenue entre le Comité d’Organisation (COJO) et les représentants de l’institution olympique. Des groupes de travail thématiques ont également été installés pour diversifier les échanges et sectoriser les problématiques à étudier.

Aussi, à l’issue de ces trois journées intensives, le CIO a affiché sa confiance dans la capacité de Paris 2024 à répondre aux défis à venir d’ici l’ouverture des Jeux, tout en montrant des signes de vigilance alors que des questionnements perdurent, notamment en ce qui concerne le site du tournoi préliminaire de basketball et, bien sûr, le budget d’organisation face aux conséquences d’une inflation galopante.

Comme l’a en tout cas affirmé en guise d’introduction, le Président de la Commission de Coordination, lors de la conférence de presse de clôture organisée ce mercredi en milieu d’après-midi :

Nous avons été impressionnés par le niveau de précision et l’état de préparation de ces Jeux à moins de deux ans.

Nous partons de Paris avec quelques observations.

Vue du chantier du Centre Aquatique Olympique à Saint-Denis en août 2022 (Crédits – Bouygues Bâtiment Île-de-France / Yves Chanoit)

Détaillant au fil de son propos lesdites observations, Pierre-Olivier Beckers-Vieujant a d’abord évoqué l’ambition de Paris 2024 que la Commission de Coordination considère comme ayant été préservée.

Dans un satisfecit certain, le dirigeant olympique a ainsi affirmé :

Nous avons été rassurés et nous gardons notre enthousiasme avec Paris 2024 sur le maintien entier de l’ambition de ces Jeux.

La vision qui était au départ, et qui a enthousiasmé les membres du CIO en 2017 est intacte et s’est même renforcée.

Les choses évoluent au fil des années, mais au fur et à mesure des adaptations, le projet s’est renforcé à de nombreux niveaux, et la vision de faire de ces Jeux, des Jeux spectaculaires, des Jeux emblématiques du fait de l’utilisation aussi des sites que Paris peut offrir, des Jeux responsables, des Jeux durables, et des Jeux utiles à la société française pour le monde de demain : ces éléments sont intacts.

Les dernières années n’ont pourtant pas été de tout repos pour les organisateurs des Jeux et l’ensemble des parties prenantes de l’événement, avec l’établissement d’une série de revues de projet.

Si celles-ci sont habituelles dans le cadre des préparatifs, et chaque édition des Jeux en témoigne, Paris 2024 a tout de même dû composer avec les répercussions de la crise sanitaire, mais également avec ce qui pourrait s’apparenter à une confrontation à la réalité du terrain.

De fait, après avoir exposé un concept de sites devant le CIO entre 2015 et 2017, lors de sa candidature, Paris 2024 a dû ensuite composer avec les contraintes logistiques, et parfois environnementales, avec par ailleurs des menaces régulières portées sur la Seine-Saint-Denis. La problématique budgétaire a également eu son importance dans les différentes étapes de ce jeu de chaises musicales orchestré depuis l’automne 2020 et encore en cours en cette année 2022, comme le montre notamment la sectorisation voulue pour le Village des Médias.

Ces derniers mois, deux sites ont en tout cas été au cœur des préoccupations : le Hall 6 du Parc des Expositions de la Porte de Versailles (15ème arrondissement de Paris) pour le tournoi préliminaire de basketball, et le « Terrain des Essences » au sein du cluster de Dugny – Le Bourget pour l’établissement des épreuves de tir sportif. In fine, le basketball devrait – sauf retournement de situation – poser ses valises en première semaine à Lille (Nord) avant de regagner la capitale et l’écrin adéquat de l’AccorArena de Bercy (12ème), tandis que le tir devrait selon toute vraisemblance migrer en direction du Centre national de tir à Châteauroux (Indre).

Deux délocalisations pour le moins forcées qui illustrent en fin de compte la difficulté de tenir un projet compact dans un périmètre urbain dense et avec un cahier des charges imposé tant par le CIO que par les Fédérations Internationales, ces dernières étant légitimement soucieuses de disposer d’enceintes adaptées, mais surtout d’une exposition médiatique de qualité à l’aune de la vitrine exceptionnelle que représente l’événement olympique.

Les mois à venir ne devraient pas faire retomber la pression sur les épaules des organisateurs français, certains aspects du concept des Jeux étant encore sujets à interrogation, voire à adaptation à l’image de la Cérémonie d’ouverture pensée sur la Seine.

Sur ce point précis d’ailleurs, la Commission de Coordination n’a semble-t-il pas été inquiète malgré les défis posés par une telle entreprise, inédite à cette échelle.

Ainsi que l’a déclaré le Président de l’instance :

Nous sommes à 200% en soutien de faire ces Cérémonies le long de la Seine [pour les Jeux Olympiques] et dans le centre de Paris [pour les Jeux Paralympiques], et nous sommes totalement rassurés par les propos que nous ont tenu à cet égard, le Délégué Interministériel en charge des Jeux et le Préfet de Police avec qui nous nous sommes longuement entretenus.

A aucun moment nous n’avons entendu ces trois derniers jours l’idée d’une réduction de la jauge.

A défaut d’inquiéter le CIO – encore que – l’idée de la Cérémonie d’ouverture de Paris 2024 devrait continuer de donner des sueurs froides aux autorités tricolores, et en particulier aux forces de l’ordre qui devront assurer la sécurité des athlètes, des officiels et des centaines de milliers de spectateurs annoncés sur un linéaire imposant de plusieurs kilomètres sur les deux rives de la Seine au cœur de Paris.

Bien que ce ne soit sans doute pas le moment opportun pour le déclamer, il n’est de toute évidence pas à exclure qu’une baisse de la capacité d’accueil soit envisagée voire même sanctuarisée, écartant dès lors l’ambition affichée de recevoir jusqu’à 600 000 spectateurs le 26 juillet 2024.

Visuel illustrant le concept de la Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’été de Paris 2024 (Crédits – Paris 2024 / Florian Hulleu)

La satisfaction olympique a en outre été abordée concernant les préparatifs des Jeux, et plus spécifiquement le respect du calendrier imposé.

Là-encore, le contexte multiformes des derniers mois a forcé les parties au projet à s’adapter. Cela devrait encore être de mise jusqu’à l’ouverture des Jeux, le COJO entrant progressivement dans le « money time ».

Comme l’a indiqué Pierre-Olivier Beckers-Vieujant à l’adresse des journalistes présents, ainsi que des représentants de Paris 2024 :

Dans sa préparation, Paris 2024 est dans les temps de passage, dans les clous. C’est évidemment un point fondamental, parce qu’un petit dérapage à six ans des Jeux, ce n’est rien.

Aujourd’hui, nous sommes à moins de deux ans des Jeux, nous entrons pleinement dans une phase opérationnelle qui va amener à la livraison des Jeux, et donc être dans les clous, aujourd’hui, à moins de deux ans des Jeux, en dépit de toutes les contraintes – la pandémie de Covid-19 et la crise économique et géopolitique de ces derniers mois – c’est remarquable.

Toutes les parties prenantes de Paris 2024 l’ont souligné lors de ces trois derniers jours. Nous repartons avec une confiance renforcée dans le leadership de Paris 2024 et en particulier le leadership incarné par Tony Estanguet et Étienne Thobois.

Pour le CIO, le fait de respecter les délais sur les chantiers est par ailleurs lié de manière étroite avec l’engagement massif des pouvoirs publics, de l’échelon local à l’échelle nationale.

Élément-clé de Paris 2024 en phase de candidature – qui avait alors sans nul doute retenu les leçons du passé malgré quelques bisbilles régulières entre les équipes de la Maire de Paris, Anne Hidalgo, et celles du Président de la République, Emmanuel Macron – le soutien institutionnel a une nouvelle fois convaincu l’instance olympique.

Ainsi que l’a salué le patron de la Commission de Coordination, insistant aussi sur le rôle crucial de la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO) :

Nous avons eu une excellence dynamique de travail, avec notamment un alignement de l’ensemble des parties prenantes.

En dehors du Mouvement olympique et paralympique, l’ensemble des niveaux de pouvoirs en France ont montré un immense support pour le projet, et un alignement sur les propositions faites par Paris 2024.

Nous en ressortons avec la certitude – pas le sentiment, mais bien la certitude – qu’il y a une volonté de coopération, un respect mutuel qui va être totalement au bénéfice de la livraison des Jeux.

Thomas Bach, Président du Comité International Olympique, et Emmanuel Macron, Président de la République française, lundi 25 juillet 2022 (Crédits – IOC / Greg Martin)

En dépit des encouragements formulés ces jours-ci, la Commission de Coordination a également souhaité regarder l’avenir avec lucidité, consciente que des perturbations peuvent toujours survenir, le souvenir de Tokyo 2020 étant ici particulièrement présent.

De fait, Paris 2024 devra poursuivre ses efforts – et même les accroître – pour assurer une optimisation du concept des Jeux et une maîtrise des dépenses, dans un contexte relativement défavorable, entre une inflation forte et une crise géopolitique aux conséquences multiples.

En ce sens, et comme l’a rappelé la Commission de Coordination, le CIO a souhaité insuffler une nouvelle étape dans ses réformes institutionnelles conduites sous l’impulsion de Thomas Bach depuis 2013. Dans un souci d’efficacité, et afin de contribuer à la mutation du modèle olympique vers davantage de sobriété et une meilleure considération de la durabilité sous toutes ses formes, l’institution a profité de l’après-Tokyo 2020 pour installer un groupe d’optimisation.

Celui-ci est d’ores et déjà chargé d’accompagner et de coordonner les actions des futurs organisateurs des Jeux, dont ceux de Paris 2024. La première réunion de ce groupe avec les équipes parisiennes interviendra d’ailleurs – hasard du calendrier – dès ce jeudi 1er septembre.

Pour le COJO et ses alliés institutionnels, les mois qui viennent ne seront certainement pas épargnés de turbulences.

Aussi, comme l’a résumé la Commission par l’intermédiaire de son Président :

Nous voulons d’une part soutenir Paris 2024 à délivrer sa vision et maintenir son ambition jusqu’au bout.

Nous voulons aussi nous assurer de pouvoir aider Paris 2024 à présenter la troisième version de son budget à la fin de l’année 2022, et que ce soit un budget comme promis, et réalisé jusqu’à présent, un budget en équilibre. L’exercice est complexe, mais il faut savoir que dans la préparation des Jeux, il y a plus de 2 500 initiatives.

Aucune pierre ne sera laissée en place, nous retournerons toutes les pierres pour être plus performant, et c’est à coup de nouvelles créativités et de nouvelles flexibilités que nous pourrons aller de l’avant et assurer ce travail d’optimisation.

Si le CIO entend soutenir Paris 2024 – et plus globalement les futurs hôtes olympiques – il montre également en filigrane qu’il conserve la maîtrise de ses propres actions et que l’effort doit avant tout venir des organisateurs, l’appui olympique intervenant en accompagnement, bien que des synergies puissent être dégagées de part et d’autre.

A ce sujet, Pierre-Olivier Beckers-Vieujant a précisé qu’une rallonge de la contribution du CIO au budget d’organisation de Paris 2024 n’était pas – à ce stade – à l’ordre du jour.

Comme il l’a indiqué avec conviction :

Le CIO a apporté une contribution significative, qui a d’ailleurs été augmentée de l’ordre de 150 millions il y a un an et demi.

Aujourd’hui, nous pensons avec Paris 2024, que le travail doit se faire au niveau d’un nouveau regard sur une série d’éléments du cahier des charges.

Visuel du Village des Athlètes de Paris 2024 (Crédits – SOLIDEO, Antonin Ziegler, Dominique Perrault / Ingérop / Une Fabrique de la Ville / VITEC / Agence TER / UrbanEco / Jean-Paul Lamoureux, PHILIPPON – KALT / INDDIGO / AEU / INUITS)

Avec souplesse mais fermeté, l’institution olympique veille de près aux préparatifs de Paris 2024 et continuera de le faire jusqu’à la livraison des Jeux.

Du côté du COJO, la montée en puissance va s’illustrer sur la poursuite des chantiers d’infrastructures, mais aussi dans le recrutement continu pour densifier les équipes en prévision d’une année 2023 capitale.

D’ici-là, quelques étapes importantes vont venir ponctuer les mois qui viennent, avec en particulier l’apport de précisions quant au programme des volontaires en octobre 2022, puis la révélation de la mascotte des Jeux prévue au plus tard pour le mois de novembre et ce, avant que les ultimes détails entourant la billetterie ne soient précisés en décembre de cette année.

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