Au-delà du report des Jeux de Tokyo 2020, le Mouvement Olympique cherche aujourd’hui à se réinventer avec un modèle qui devra immanquablement s’adapter au monde de l’après crise. Cela passera, notamment, par les territoires hôtes des Jeux et par un renforcement de la coopération entre ces derniers.

A l’aune du report des Jeux d’été de 2020, annoncé le mois dernier, les organisateurs de Tokyo 2020 ont d’ores et déjà enclenché un travail de fond qui doit permettre de gérer cette situation sans précédent dans l’histoire des Jeux modernes.
En lien étroit avec le Comité International Olympique (CIO) et l’ensemble des composantes du Mouvement Olympique, parmi lesquelles les Fédérations Internationales, les organisateurs vont ainsi tâcher de planifier au mieux un événement qui rassemble traditionnellement plus de 10 500 athlètes lors des Jeux Olympiques, plus de 4 200 athlètes durant les Jeux Paralympiques, plusieurs centaines de milliers de spectateurs dans les arènes et les stades, sans oublier bien sûr, les milliards de téléspectateurs massés devant leur poste de télévision tous les quatre ans.
Le report des Jeux aura des répercussions financières, en particulier pour le territoire nippon qui se prépare à payer une part importante du surcoût, bien que le CIO ait fait savoir qu’il consentirait à un effort de plusieurs centaines de millions de dollars.
Pour autant, Tokyo 2020 ne pourra se résumer à un report de dates à dates. Il s’agira davantage d’une édition des Jeux marquant le début d’une ère nouvelle.
Si le CIO a engagé de profondes réformes depuis 2013, avec successivement l’Agenda 2020 puis la Nouvelle Norme, les leçons qui seront tirées de la gestion de la crise et de la tenue en décalé des Jeux d’été 2020 imposeront une approche renouvelée pour les futurs hôtes de l’événement planétaire.

D’ores et déjà, sous l’impulsion de l’institution de Lausanne (Suisse), des discussions sont menées entre les différents acteurs pour faire émerger des solutions afin de repenser collectivement le modèle organisationnel entourant les Jeux.
A ce titre, interrogé ce mercredi par “Sport & Société”, Michaël Aloïsio, Directeur de Cabinet de Tony Estanguet, Président du Comité d’Organisation des Jeux (COJO) de Paris 2024, a d’ailleurs précisé :
Le CIO a initié depuis quelques semaines maintenant, des réunions entre les organisateurs des Jeux. Nous avons donc des rendez-vous communs pour mettre un certain nombre de sujets sur la table, et ce travail est fait car il s’agit d’affronter une crise mondiale qui nous impacte tous et il est important dès lors de mutualiser, de réfléchir ensemble à des solutions pour un nouveau modèle d’organisation des Jeux.
Aujourd’hui, il y a plusieurs niveaux. Il y a un niveau national, avec des réunions internes au COJO et des échanges avec des acteurs concernés par la livraison des Jeux, on a aussi un niveau bilatéral avec le CIO où on se penche spécifiquement sur notre projet et où on échange sur les différentes orientations, et puis il y a un niveau collectif où le CIO fédère cette communauté d’organisateurs des Jeux pour qu’ensemble nous trouvions des solutions.
Ces échanges réguliers – plusieurs réunions se sont déroulées au cours des mois passés – confortent finalement le CIO dans une stratégie qu’il a souhaité développer avec l’instauration des réformes précitées.
Une stratégie basée sur un haut degré de discussions, que ce soit à l’égard des candidatures aux Jeux, avec notamment l’apport de recommandations, et, par la suite, vis-à-vis des structures engagées dans la préparation de l’événement, avec des points d’étapes et, là-encore, des conseils au regard des expériences antérieures.
Pour Paris 2024 – dont la situation diffère de celle de Tokyo 2020 du fait qu’il s’agit encore d’un projet en construction – cette stratégie se double d’une coopération étroite avec Los Angeles. Dès l’été 2017, les deux parties avaient en effet acté un partenariat inédit dans le cadre d’un accord tripartite avec le CIO, accord ayant amené à l’attribution simultanée des Jeux de 2024 et de 2028.
Si cet accord porte sur les actions des deux Comités présidés par Tony Estanguet (Paris) et par Casey Wasserman (Los Angeles), il a également ouvert la voie à une coopération bilatérale entre les deux Villes, comme en témoigne l’accord signé à l’automne 2017 entre Anne Hidalgo, Maire de Paris, et Eric Garcetti, son homologue de Los Angeles.
Les structures organisationnelles des Jeux de 2024 et de 2028 ont en outre engagé des opérations de partenariats avec les autorités nippones au cours des dernières années pour apprendre des préparatifs des Jeux de Tokyo 2020, et des visites auprès d’anciens rivaux de même que la venue de potentiels futurs partenaires ont également été menées pour, là-encore, garantir l’échange.
Aussi, sachant que les deux projets – Paris 2024 et LA 2028 – reposent sur 95% de sites existants ou temporaires, les efforts des deux parties devraient finalement porter sur une révision du modèle de livraison des Jeux, avec la préservation de l’essence des projets respectifs, mais avec toutefois une adaptation des services apportés pendant la tenue des compétitions et ce, dans le but de dégager une marge de manœuvre et donc d’éventuelles sources d’économies.
Cela pourrait par exemple passer par une refonte du système des transports que le CIO et les Villes Hôtes sectorisent habituellement en fonction des publics présents aux Jeux, à savoir les athlètes, les officiels et membres de la Famille Olympique, les médias, et bien sûr les spectateurs.

Faisant un point de la situation en présence de plusieurs médias, Michaël Aloïsio a insisté ce mercredi 06 mai sur le travail en cours du côté des équipes du COJO :
Aujourd’hui, personne n’est capable de définir avec précision les conséquences de la crise à un an, deux ans, trois ans, ou à quatre ans. Par contre, on peut d’ores et déjà initier des réflexions sans attendre pour se donner des marges de manœuvre afin d’avoir plus de flexibilité au moment où l’on devra peut-être s’adapter. C’est la réflexion que nous menons depuis plusieurs semaines.
L’idée est de se dire comment nous pouvons conserver ce qui fait la force des Jeux – la diversité des sports, le côté inspirant de l’événement – tout en se redonnant des marges, notamment financières pour être capable de s’adapter.
Dans le cadre des préparatifs de Paris 2024, un groupe de travail a en ce sens été instauré par le COJO pour à la fois reprogrammer les actions et initiatives de mobilisation populaire qui devaient être établies en parallèle des Jeux de Tokyo 2020 cet été, et pour réfléchir à une révision du modèle de livraison des Jeux, concernant notamment le domaine financier.
De fait, si le Comité d’Organisation entend à ce stade maintenir ses objectifs pour ce qui est du Programme des Sponsors – 1,2 milliard d’euros – avec des discussions qui se poursuivent, il est aussi conscient que la crise et ses répercussions conduiront certains secteurs économiques à se recentrer sur leurs activités avant, peut-être, de se tourner vers le projet de Paris 2024.
Quoiqu’il en soit, l’année qui vient s’annonce déterminante avec l’accélération des chantiers comme celui du Village des Athlètes sur les bords de Seine, celui de l’Aréna de la Porte de la Chapelle (18e arrondissement de Paris), mais encore celui du Centre Aquatique à Saint-Denis. Contraints à l’arrêt en raison des mesures de confinement décidées par le Gouvernement, les deux premiers chantiers reprennent progressivement, avant une montée en puissance espérée dans le courant 2021 avec l’obtention des permis de construire pour édifier les futurs équipements.
Au regard de la mise en œuvre de ces travaux, avec l’apport plus ou moins conséquent du secteur privé et face à un surcoût redouté, le budget des Jeux devra nécessairement tenir compte des revenus générés pour ne pas, in fine, subir un dérapage qui devrait alors être absorbé par la puissance publique.
Autrement dit, pour Paris 2024, du niveau de recettes attendues dépendra le niveau de dépenses, d’où la réflexion actuellement menée pour essayer d’identifier des marges de manœuvre en conservant un concept de Jeux pensés sur la notion du partage.
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