JO 2030 : Le coup de poker de David Lappartient

En actant la présentation de la candidature des Alpes françaises en vue de l’organisation des Jeux d’hiver de 2030, le Président du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), David Lappartient, s’est engagé dans un challenge risqué, lui à qui certains prédisent un destin au sommet du Comité International Olympique (CIO).

David Lappartient, Président du CNOSF, mardi 07 novembre 2023 (Crédits – CNOSF / KMSP)

Ce mercredi 29 novembre 2023 à 19h00, les regards seront tournés en direction de la conférence de presse du CIO qui interviendra peu après la fin de la réunion entre la Commission Exécutive et la Commission de Futur Hôte.

A Paris, les deux instances étudieront les forces et faiblesses des candidatures déclarées à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 et de 2034.

Tandis que la seconde échéance est promise depuis plusieurs mois maintenant à Salt Lake City (Utah, États-Unis), la première se joue entre trois prétendantes et non des moindres, à savoir la France, la Suède et la Suisse.

Toutes trois expérimentées dans le domaine des sports d’hiver, avec la tenue régulière de compétitions internationales et, pour deux d’entre elles, l’organisation passée d’éditions hivernales de l’événement olympique, elles se sont pleinement engagées cette année dans une course bouleversée à la fin 2022 par la Commission Exécutive.

Alors soucieuse de se donner du souffle et de permettre le retour sur le devant de la scène de candidatures en difficulté à cette époque – Vancouver (Canada), Sapporo (Japon), voire même Pyrénées-Barcelone (Espagne) – ou l’entrée sur la piste de nouvelles propositions, ladite Commission avait en effet choisi de rallonger le délai d’examen des candidatures et, de facto, l’ouverture de la phase de dialogue ciblé.

En cette fin d’année 2023, la cartographie des forces en présence a évolué, les trois candidatures en difficulté l’an passé n’ayant pas pu revenir, remplacées d’une certaine manière par les trois concurrentes désormais dans l’attente d’une décision de l’institution olympique.

Les anneaux olympiques devant la Maison Olympique à Lausanne (Crédits – IOC / Christophe Moratal)

Pour la candidature française, le timing choisi s’avère risqué à plus d’un titre.

En dévoilant leurs pions, à la mi-juillet 2023, le CNOSF et les parties prenantes ont sans nul doute pris la mesure du défi qui s’annonce, alors même que Paris et la France préparent activement la réception de la grand-messe olympique et paralympique – dans sa configuration estivale – à l’été 2024.

Pour la première fois depuis les Jeux d’Albertville 1992, la France pourrait ainsi être amenée à accueillir les Jeux d’hiver, effaçant au passage le fiasco de la candidature d’Annecy 2018 qui constitua en juillet 2011 la plus cuisante déconvenue de l’Hexagone face au CIO.

Mais au moment où les tensions institutionnelles s’accentuent à l’approche de Paris 2024 – en particulier entre l’État et la Ville de Paris avec les élections municipales de 2026 en toile de fond – la perspective de confier une fois de plus l’organisation des Jeux à la France pourrait freiner le CIO qui peut parallèlement compter sur les projets rivaux et peut-être mieux armés de la Suède et de la Suisse.

En effet, en misant sur l’édition 2030, six ans seulement après Paris 2024, les autorités françaises se sont peut-être précipitées, d’autant plus si l’on considère que la candidature tricolore est, à la base, une initiative politique soutenue par la suite par le CNOSF et son allié paralympique, le CPSF.

Comme un air de déjà vu. En 2008-2009, l’émergence d’une candidature pour l’organisation des JO 2018 avait été orchestrée par des exécutifs locaux avant d’être propulsée dans des conditions tumultueuses par l’instance olympique française sans le succès final escompté. Loin de là.

La structuration du dossier interroge en ce sens.

Ces dernières années, Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, Présidents des deux Régions concernées, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, ont développé une ambition pour l’accueil de futurs Jeux, chacun au bénéfice de son propre périmètre territorial.

Il aura fallu attendre l’intervention de Guy Drut, membre français du CIO depuis 1996, pour que les deux élus régionaux s’entendent, en cours d’année, autour d’un projet commun qui, plutôt que 2034 ou 2038, s’est finalement constitué autour de l’échéance de 2030, les parties en présence considérant qu’une fenêtre de tir – même petite – pouvait suffire pour convaincre l’institution de Lausanne (Suisse).

Or, à l’inverse du projet français reposant sur quatre clusters et deux entités régionales aux spécificités variées, les candidatures rivales se sont chacune structurées à l’initiative de leur Mouvement sportif respectif, avec le souci de retenir les leçons des échecs passés ainsi que les fondements des nouvelles conditions de sélection et d’attribution des Jeux établies par le CIO.

Cette distinction a encore été perceptible au moment de la présentation des dossiers, la France consacrant l’omniprésence des deux Présidents de Régions qui ont en grande partie monopolisé la conférence du 07 novembre dernier avec, ponctuellement, une pointe d’arrogance dans le propos, la Suède et la Suisse ayant quant à elles communiquées sur les projets par le seul intermédiaire des Comités Nationaux Olympiques, les institutions politiques intervenant en appui.

Conférence de presse de présentation de la candidatures des Alpes françaises à l’organisation des Jeux d’hiver de 2030, mardi 07 novembre 2023 (Crédits – CNOSF / KMSP)

Plus encore que ce constat, il ne faudrait pas négliger le fait que l’annonce de la candidature française est survenue dans un contexte pour le moins troublé concernant le CNOSF dont le psychodrame et les tourments ont été vécus et perçus par le CIO.

Ainsi, après le départ chaotique de la Présidente, Brigitte Henriques, le CNOSF a trouvé en David Lappartient un nouvel homme fort et une occasion de s’extirper des polémiques, en accompagnant une candidature aux Jeux et ce, malgré pourtant une place délicate dans le schéma organisationnel entourant Paris 2024, le fameux mille-feuille administratif franco-français ayant in fine étouffé l’instance olympique.

Acteur politique classé à la droite de l’échiquier comme les deux Présidents de Régions précités – Maire (2008-2021), Conseiller général (2011-2015) puis départemental, avant de prendre la tête du Morbihan en 2021 – David Lappartient a gravi les échelons sportifs, ce qui lui confère à ce stade une certaine expérience et connaissance des rouages.

Président de la Fédération Française de Cyclisme de 2009 à 2017, de l’Union Européenne de Cyclisme entre 2013 et 2017, puis Président de l’Union Cycliste Internationale (UCI) depuis 2017, avant d’intégrer le CIO en 2022 et d’accéder à la présidence d’un Comité National Olympique en 2023, il pourrait désormais profiter de la candidature tricolore et, le cas échéant, du succès de cette dernière pour, un jour, prétendre à de nouvelles responsabilités.

Certains observateurs identifient d’ailleurs David Lappartient comme l’une des figures montantes du Mouvement olympique susceptibles de candidater à l’avenir au poste suprême de Président du CIO.

Le chemin reste toutefois des plus sinueux, l’accès à ce poste-clé nécessitant, outre la connaissance de l’institution, une parfaite appréciation et maîtrise des réseaux d’influence au sein de cette vénérable maison.

Il n’empêche, en cas de réussite de la candidature française, le nom de David Lappartient pourrait gagner en crédibilité et apparaître comme un éventuel recours pour les années qui viennent, sachant que Thomas Bach doit quitter son fauteuil en 2025, sauf à envisager une prolongation exceptionnelle de sa présidence, hypothèse ayant pris corps en marge de la dernière Session du CIO, mi-octobre.

En cas de déconvenue en revanche, un sérieux coup de frein serait donné au dirigeant aujourd’hui âgé de 50 ans.

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