Si le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) ne s’est pas encore officiellement prononcé sur l’éventualité d’une candidature tricolore à une prochaine édition des Jeux d’hiver, Guy Drut invite en tout cas à un rapprochement des Alpes du Nord et du Sud pour concevoir, le cas échéant, un projet compétitif susceptible de convaincre le Comité International Olympique (CIO).

Le bouleversement du processus de désignation du futur hôte des Jeux d’hiver de 2030 et la concurrence internationale plus ou moins affirmée pourraient être des éléments déclencheurs à une candidature française qui succéderait dès lors à celle d’Annecy 2018.
Depuis plusieurs mois, l’idée d’une telle entreprise a d’ailleurs émergé dans les Alpes, notamment à l’aune des déclarations émises par le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, mais également au travers des propos formulés par le Président de la Région Sud – Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier.
Si le premier rêve d’un retour des Jeux d’hiver sur le territoire alpin après la venue de l’édition 1992 à Albertville (Savoie) et ses environs, le second travaille sur un projet pouvant reposer pour partie sur Nice (Alpes-Maritimes), rappelant de facto le concept un temps envisagé pour les JO 2018 dans le cadre de la sélection nationale orchestrée par le CNOSF.
Néanmoins, ce même CNOSF – actuellement mobilisé autour des Jeux d’été de Paris 2024 et de surcroît englué dans des affaires internes – ne semble pas être sur la même longueur d’onde. Tout du moins, en apparence et de façon officielle.
Il n’empêche, une fenêtre de tir pourrait se présenter pour le dépôt d’une éventuelle candidature, si bien sûr le Mouvement sportif et les autorités institutionnelles venaient à se réunir pour convenir à la fois de la meilleure option quant à l’échéance visée et du concept territorial le plus approprié.

Rarement au cours des dernières décennies la situation n’a en effet été aussi ouverte sur la scène olympique, entre doutes et incertitudes.
Certes, Salt Lake City (Utah, États-Unis) est en pôle position pour rafler ou l’édition 2030 ou la suivante. La désignation de la Ville Hôte des JO 2002 ne fait guère de doute, le projet américain étant sur les rails depuis plus de dix ans, avec un appui institutionnel confirmé dès 2018 et un soutien populaire frôlant ou dépassant la barre des 80%.
Derrière, la concurrence est en revanche plus clairsemée.
Sapporo (Japon) a longtemps été une rivale de taille pour la candidature américaine, mais les révélations de corruption autour de Tokyo 2020 ont in fine conduit à la mise en pause précipité du projet nippon, sans certitude aujourd’hui d’un nouvel élan en direction de l’édition 2030.
Vancouver (Colombie-Britannique, Canada) a également eu l’opportunité de porter un projet intéressant en se basant sur l’héritage des JO 2010 et sur une volonté plus forte d’associer les quatre Premières Nations. Or, l’appui indispensable du gouvernement provincial a jusqu’à présent fait défaut à la candidature et, à l’instar de Sapporo, la perspective d’une reprise à court terme n’est pas garantie.
Outre ces projets, la Suède est récemment entrée dans la danse, avec l’établissement d’une étude préliminaire qui devra encore recueillir le soutien du gouvernement qui attend les conclusions techniques pour se prononcer. Du côté de la population, l’adhésion semble aujourd’hui être au rendez-vous, quelques années après le soutien relatif exprimé dans le cadre de la candidature aux JO 2026.
La Suisse pour sa part a engagé une réflexion sur les conditions d’une possible nouvelle candidature mais sans annoncer à ce stade une quelconque échéance et ce, après plusieurs échecs cuisants pour partie consécutifs à des votations citoyennes.
Aussi, face à une situation peu favorable, la Commission Exécutive du CIO avait, en décembre dernier, fait le choix de renverser la table et de revoir le calendrier prévisionnel pour une désignation du futur hôte initialement programmée pour 2023 et désormais prévue en marge des Jeux de Paris 2024.
Une manière pour l’institution de Lausanne (Suisse) de poursuivre la mise en œuvre des réformes structurelles bénéficiant aux candidatures, et une façon de se donner du souffle et une marge de manœuvre dans l’optique de recueillir l’intérêt d’autres prétendants à travers le monde.

Dès lors, l’idée d’une candidature tricolore pourrait faire son chemin même si la fenêtre est étroite. En ce sens, Guy Drut a estimé ce mardi 16 mai 2023 qu’une possibilité s’offrait à la France.
Comme l’a affirmé le Champion Olympique du 110 mètres haies aux JO 1976, ancien Ministre des Sports, et surtout membre du CIO depuis 1996, dans un propos cité par le quotidien “L’Équipe” en marge d’une réunion du Conseil d’administration du CNOSF :
Si on y parvient, on a une petite chance, une chance, de les obtenir.
Si la demande est faite seulement par les Alpes du Sud, cela ne marchera pas. Il faut une candidature réunissant les Alpes du Sud et les Alpes du Nord.
Reste à savoir à présent si la volonté d’une candidature est réelle et suffisamment solide au sein du Mouvement sportif hexagonal, au niveau régional et à l’échelle nationale.
Les projecteurs sont actuellement braqués en direction de Paris 2024 qui, cent ans après, constituera le retour des Jeux d’été en France et une manifestation internationale sans commune mesure pour le pays.
La réussite de la candidature parisienne – qui avait su tirer les leçons des échecs des projets pour 1992, 2004 (Lille), 2008 et surtout 2012, avec également des enseignements après la déroute historique d’Annecy 2018 – pourrait être prise en considération et en exemple.
Devant les pouvoirs publics, qui doivent demeurer un appui logistique au risque sinon de retomber dans des travers passés, une figure sportive pourrait ainsi porter l’ambition tricolore pour l’obtention des Jeux d’hiver de 2030 ou d’une édition suivante (2034-2038).
Membre du CIO depuis l’an dernier et sportif reconnu au palmarès hors-normes, Martin Fourcade pourrait être l’incarnation de cette nouvelle ambition.

Si l’histoire olympique de la France est intrinsèquement liée au Baron Pierre de Coubertin, rénovateur des Jeux dans une configuration estivale, elle est aussi liée à la création des Jeux d’hiver.
Prétendante à l’organisation d’une “Semaine internationale des sports d’hiver” en 1924, après avoir obtenu l’accueil des Jeux d’été cette même année avec Paris, la France avait alors vu Chamonix (Haute-Savoie) recevoir l’événement qui fut reconnu sous un statut olympique deux ans plus tard.
Après cette première édition des Jeux d’hiver, l’Hexagone a par la suite accueilli skieurs et patineurs à Grenoble (Isère) en 1968 et à Albertville en 1992.
Entre temps, une candidature fut brièvement envisagée pour les Jeux de 1984, sans pour autant se concrétiser. A l’époque, deux projets avaient été travaillés, l’un portant sur “Le Pays du Mont-Blanc” avec Chamonix, Les Contamines, Megève, Saint-Gervais et Sallanches, l’autre sur “Les Trois Vallées” avec Courchevel, Méribel et Saint-Martin-de-Belleville.
Bien des années après, en 2009, le CNOSF avait sélectionné Annecy à l’issue d’un processus de sélection interne qui avait également vu la participation de Grenoble, Nice, et Pelvoux-Les Écrins (Hautes-Alpes), dans la quête des JO 2018.
Les conditions d’installation de la candidature, avec notamment la démission du poste de Président du Champion Olympique de bosses en 1992, Edgar Grospiron, les doutes du CIO dès le stade de la requérance – soit à mi-parcours – et encore davantage la concurrence internationale formée par Munich (Allemagne) et surtout PyeongChang (Corée du Sud), avaient cependant réduit à néant les chances de succès.
Le 06 juillet 2011, les membres du CIO réunis à Durban (Afrique du Sud) avaient d’ailleurs désigné la grandissime favorite sud-coréenne – pour sa troisième tentative après 2010 et 2014 – par 63 voix, contre 25 pour Munich et seulement 7 pour Annecy.