Durablement confrontée aux répercussions du scandale entourant les Jeux de Tokyo 2020, avec une désaffection notable dans l’opinion publique, la candidature nippone de Sapporo pour l’organisation des Jeux d’hiver de 2030 pourrait être contrainte de réviser ses plans pour davantage cibler l’échéance de 2034.

Afin de renverser la tendance actuelle d’une opinion publique majoritairement défavorable à l’idée d’un nouveau projet olympique et paralympique qui serait porté par la Ville Hôte des JO 1972, le Comité Olympique du Japon (JOC) pourrait négocier avec les autorités locales un report de la candidature.
En effet, malgré la réélection du Maire de la principale ville de la Préfecture d’Hokkaidō, ce dimanche 09 avril, les habitants de Sapporo demeurent opposés à la perspective de voir se développer une candidature et, le cas échéant, l’organisation des Jeux d’hiver in situ, d’autant plus à l’aune du scandale financier entourant les Jeux de Tokyo 2020.
Comme l’a notamment exposé un sondage réalisé par l’agence de presse Jiji Press à la sortie des urnes, pas moins de 53% des électeurs interrogés se sont déclarés opposés à une candidature, contre 27% d’un avis contraire, et 20% d’électeurs se déclarant indécis à ce stade.
Or, cette tendance d’une fragmentation de l’opinion perdure depuis plusieurs mois, et se révèle même au sein de l’électorat de Katsuhiro Akimoto, pourtant partisan affiché de la candidature olympique et paralympique.
Dans ces conditions, les autorités locales et le JOC avaient déjà pris la décision de mettre la candidature sur pause en fin d’année 2022 et ce, afin de repenser d’une part la stratégie globale, notamment sur le plan de la communication vis-à-vis de la population, et de contribuer d’autre part à la mise en œuvre effective d’une réforme de la gouvernance des candidatures et des structures appelées à piloter l’organisation des grands événements sportifs dans le pays. Sur ce dernier point, le JOC espère en particulier redéfinir les liens et les rapports à convenir avec les prestataires extérieurs, comme les agences de communication et les partenaires commerciaux.
Conscient des enjeux de cette large refonte du modèle nippon, le Maire de Sapporo avait alors affirmé :
Nous n’avons pas abandonné.
Notre première priorité est de travailler pour dissiper les doutes et la méfiance du public plutôt que de nous précipiter aveuglément. Nous devons continuer sur la base du soutien populaire.

Aujourd’hui, une nouvelle étape pourrait néanmoins être franchie par les parties au projet de Sapporo 2030.
Ainsi, plutôt que de rester focalisées sur l’édition des Jeux d’hiver qui succédera à celle de Milan-Cortina 2026, lesdites parties pourraient faire le choix de se tourner en direction de l’échéance 2034. Une manière de se donner du souffle et surtout une marge de manœuvre appréciable pour tenter de regagner la confiance populaire, sans aucune garantie de succès cependant.
Cette option devrait en tout cas être évoquée par le Président du JOC, Yasuhiro Yamashita, qui doit prochainement s’entretenir avec les autorités locales.
Pour l’ancien judoka, membre du Comité International Olympique (CIO) depuis 2020, cité par “Kyodo News” :
[La réélection du Maire de Sapporo] a clairement montré que de nombreux résidents locaux sont inquiets.
Il est difficile d’aller de l’avant avec le plan de candidature initial sans obtenir la compréhension des gens.
Nous devons faire les choses avec précaution, sinon nous ne pourrons pas avancer.
Dans l’hypothèse d’un report, Sapporo se retrouverait dans une position qu’elle a déjà connu, même si le contexte était résolument différent.
Alors engagée dans la course aux JO 2026, la cité nippone avait décidé de se retirer du processus en septembre 2018, peu après un séisme qui avait durement frappé la Préfecture.
Le projet développé avait par la suite été retravaillé – tout en conservant les fondamentaux – dans la perspective de présenter une candidature pour 2030.

Face au possible nouveau pas de côté de Sapporo, le CIO pourrait se retrouver dans une situation de fragilité, la concurrence internationale étant relativement déséquilibrée en ce qui concerne les projets dévoilés publiquement.
Au fil des mois passés, Sapporo a ainsi perdu son statut de favorite, au profit de Salt Lake City (Utah, États-Unis) qui, bien que privilégiant l’option 2034, se montre tout autant disponible pour palier à un manque d’alternative et répondre le cas échéant à l’appel de l’institution de Lausanne (Suisse) pour porter le flamme des JO 2030.
La candidature de Vancouver (Colombie-Britannique, Canada) est pour sa part en stand-by depuis le refus du gouvernement provincial d’assurer un financement du projet.
Du côté européen, deux candidatures ont récemment émergé mais sont pour l’heure à des stades de développement encore précoces.
La Suède conduit de fait une étude préliminaire dont les conclusions prochaines seront déterminantes quant au soutien ou non des autorités nationales, sans compter un morcellement déjà affirmé de l’opinion publique concernant l’opportunité d’une nouvelle candidature du pays après l’échec du projet présenté pour 2026 et le retrait anticipé pour 2022.
Dans une configuration proche, la Suisse a dernièrement fait savoir, par l’intermédiaire du Comité National Olympique, Swiss Olympic, que des discussions plus poussées pouvaient être engagées avec le CIO, sans préciser toutefois l’échéance hivernale visée, par crainte certainement de susciter une possible fronde populaire.
Il faut dire que le pays helvète a, à maintes reprises, été confronté à des votations citoyennes à l’issue défavorable pour les artisans de l’ambition olympique et paralympique, 2026 étant le dernier exemple en date.

A l’aune de ce constat, le CIO pourrait dès lors être tenté de se rapprocher plus encore de Salt Lake City où le soutien populaire, sportif, et institutionnel est au zénith depuis plusieurs années.
Bien que la question du marketing – avec le calendrier serré entre Los Angeles 2028 et les JO 2030 – soit une véritable problématique pour le Comité Olympique et Paralympique des États-Unis (USOPC) et pour les porteurs de la candidature de la Ville Hôte des Jeux de 2002, des négociations avec l’institution maîtresse des anneaux pourraient in fine conduire à une solution susceptible de convenir à chacune des parties.
Il n’est pas impossible en effet d’imaginer d’éventuels avantages accordés par le CIO à Salt Lake City en contrepartie d’un accord pour l’attribution des Jeux dès l’édition 2030.
En 2017, le CIO avait bien consenti à un apport financier complémentaire à l’issue de discussions brillamment menées avec Los Angeles (Californie, États-Unis) qui accepta le principe d’une organisation des Jeux d’été en 2028, alors même que la candidature était initialement formulée pour les JO 2024.
Le CIO se laisse en tout cas le temps pour décider de la meilleure option, comme l’a démontré le bouleversement du processus de sélection du futur hôte acté en fin d’année 2022. Une façon aussi d’attendre la venue de potentielles nouvelles candidatures et d’assister au développement continu – ou à la reprise – de candidatures déjà sur la piste.
Quoiqu’il en soit, l’institution ne devrait pas désigner l’hôte des JO 2030 avant la Session du CIO qui se tiendra à l’été 2024 en marge de la prochaine édition des Jeux d’été programmée à Paris (France).