JO 2030 : Muselier-Wauquiez, un tandem politique à la tête de la candidature française

Alors que la candidature des Alpes françaises se structure et dévoilera ses plans au Comité International Olympique (CIO), le 07 novembre prochain, force est de constater que le développement actuel du projet se fait avec l’omniprésence de la sphère politique régionale. Si l’appui institutionnel est une force pour un projet de cette envergure, la dimension sportive et le soutien populaire sont aussi des paramètres à considérer avec attention.

De gauche à droite, Christophe de Kepper, Directeur Général du Comité International Olympique ; Renaud Muselier, Président de la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur ; Thomas Bach, Président du CIO ; Laurent Wauquiez, Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ; et David Lappartient, Président du Comité National Olympique et Sportif Français, jeudi 07 septembre 2023 à la Maison Olympique à Lausanne, Suisse (Crédits – IOC / Greg Martin)

Dès 2021, l’hypothèse d’une candidature française à l’organisation d’une prochaine édition des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver fut avancée.

De Laurent Wauquiez à Renaud Muselier, les Présidents des Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur avaient ainsi à tour de rôle évoqué la possibilité de présenter un projet dans la dynamique des préparatifs de Paris 2024.

Puis la simple hypothèse s’est peu à peu transformée en réflexion concrète, avec de surcroît les encouragements exprimés par Guy Drut, ancien Ministre des Sports et membre du CIO, pour fusionner les intentions et bâtir les fondements d’une candidature englobant les deux territoires régionaux.

Le point de bascule est ensuite survenu à l’été 2023, au travers d’une réunion de travail au Palais de l’Élysée, en présence du Chef de l’État, Emmanuel Macron, de la Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, ainsi que du Président du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), David Lappartient. Les deux édiles régionaux précités étaient également de la partie pour ce rendez-vous marquant le lancement officiel de la candidature.

Aujourd’hui, le projet reposant sur les Alpes françaises se prépare à franchir – ou pas – les prochaines étapes fixées par l’institution olympique. Cela passera d’abord par le dépôt du projet technique et de la cartographie des sites, le 07 novembre 2023, puis par un grand oral orchestré le 21 novembre.

Si la Commission de Futur Hôte du CIO est in fine séduite par la proposition tricolore, elle pourrait recommander de poursuivre l’aventure dans le cadre de la phase de “dialogue ciblé”. La Commission Exécutive du CIO se prononcera en ce sens à l’occasion de sa prochaine réunion attendue à Paris du 28 novembre au 1er décembre.

Dans le cas où le dossier français serait retenu, la désignation officielle de l’Hôte des JO 2030 n’interviendra pas avant le courant de l’année 2024, lors d’une Session dont le lieu devra être déterminé par l’institution de Lausanne (Suisse).

Karl Stoss, Président de la Commission de Futur Hôte, à la tribune de la 141e Session du CIO, à Bombay, Inde, dimanche 15 octobre 2023 (Crédits – IOC / Greg Martin)

Bien que le processus des candidatures ait été profondément remanié au cours des dernières années, avec en particulier la suppression des phases de requérance et de candidature, l’introduction en lieu et place d’un dialogue continu puis d’un dialogue ciblé, et l’absence de théâtralisation pour le dévoilement du Futur Hôte, le CIO est attentif à certains aspects.

De fait, l’institution encourage les prétendantes à soumettre des projets répondant aux exigences de durabilité et de sobriété désormais davantage considérées. Si par le passé, les territoires devaient s’adapter aux Jeux, le paradigme a aujourd’hui changé, au moins en apparence.

Aussi, les projets doivent maximiser l’utilisation de sites déjà existants ou temporaires, et a contrario minimiser le recours à de nouvelles installations.

Parfois complexe, ce changement est notamment à l’œuvre du côté de Milan-Cortina 2026, avec la suppression récente du projet de reconstruction de la piste de bobsleigh, de luge et de skeleton à Cortina d’Ampezzo et l’utilisation promise d’un site existant en dehors des frontières italiennes. De même, les épreuves de patinage de vitesse se dérouleront à la Fiera Milano autour d’un anneau temporaire, tandis qu’une part des compétitions de hockey-sur-glace se déroulera également au sein du Parc des Expositions de la cité lombarde.

Au niveau des candidatures, le recours à des sites existants est aussi remarqué, à l’image de la candidature helvète qui promeut la mobilisation de sites sur l’ensemble de la Suisse dans un concept inédit de “Pays Hôte”, avec par ailleurs la participation probable de sites en Allemagne ou au Pays-Bas, ou du projet suédois qui devrait sanctuariser l’intégration de la Lettonie, notamment pour les épreuves de bobsleigh, de luge et de skeleton.

Du côté français, l’association avec un partenaire européen n’est pas exclue, la question du patinage de vitesse étant en effet à régler.

Vue de la vasque olympique de 1992 et de la patinoire olympique d’Albertville (Crédits – CoRAL)

Au-delà de la problématique du concept et de la cartographie, le CIO est aussi attentif à la construction des candidatures et à l’appui dont peuvent bénéficier les prétendantes.

Sur ce point, ces dernières doivent à la fois recueillir le soutien du Mouvement sportif national, l’engagement des autorités institutionnelles, de l’échelon local à l’échelle nationale, sans oublier bien sûr l’adhésion de la population.

Or, pour la France, la structuration de la candidature semble davantage s’appuyer sur la sphère politique que sur la dimension sportive. Au moins à ce stade.

Un exemple illustre ce constat : l’officialisation de la candidature a été orchestrée durant l’été à l’issue de la réunion au Palais présidentiel, avec certes le concours des instances sportives nationales. En juin 2015, le dévoilement officiel de la candidature de Paris 2024 s’était à l’inverse déroulé au siège-même du CNOSF, avec la participation de plusieurs dizaines de sportifs, dont certaines gloires tricolores ayant marqué de leur empreinte le sport français.

A l’époque, l’élaboration de la candidature avait été mûrement réfléchie et avait été le fruit d’une symbiose entre la sphère sportive et la sphère politique, le tout sous l’égide de Bernard Lapasset et de Tony Estanguet. Une figure pour parler aux politiques, une autre pour parler aux sportifs. Ensemble surtout pour porter un seul et même message.

Aujourd’hui, la mise sur orbite de la candidature des Alpes françaises s’apparente plus à la poursuite d’un dessein politique visant à accélérer l’aménagement du territoire alpin, notamment sur les questions du désenclavement des vallées par les transports.

Une ambition captée au vol par le CNOSF qui tente depuis cet été de se frayer un chemin pour assurer le pilotage. Un étrange sentiment de déjà-vu. Comme en 2010-2011 lorsque la candidature hivernale pour 2018 avait été précipitée par des ambitions territoriales avant d’être portée tant bien que mal par un CNOSF rapidement dépassé.

A l’heure actuelle, les quelques interventions relatives à la candidature aux JO 2030 ces dernières semaines ont surtout été l’œuvre des deux Présidents des Régions concernées, chacun martelant d’ailleurs ou laissant transparaître le message d’un projet politique.

Pour preuve, la récente interview de Renaud Muselier pour le quotidien régional “La Provence”.

Ainsi que l’a affirmé le Président de la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur :

La moitié des compétitions se déroulera dans notre région, l’autre là-bas. C’est le deal. La moitié des médailles en haut, la moitié ici. C’est un accord politique.

On s’est déjà fâchés par le passé, à d’autres occasions, avec Laurent Wauquiez, mais là, il y a un intérêt supérieur. On travaille ensemble, il n’y a pas une feuille de papier entre nous.

[…] Nous avons le soutien du Président de la République, au moment où nous sommes en train de signer les Contrats de Plan État-Région. Et avec Laurent Wauquiez, nous nous sommes entendus”.

Pour sa part, le Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a profité de l’inscription d’une délibération au sujet de la candidature pour les JO 2030 à l’ordre du jour de l’Assemblée plénière, vendredi 20 octobre 2023, pour avancer ses pions, sans jamais citer son homologue.

Martin Fourcade officiellement intronisé membre du CIO par le Président Thomas Bach, lors de la 139e Session du CIO organisée à Pékin, Chine, le 19 février 2022 (Crédits – IOC / Greg Martin)

La répartition à venir des sites entre le nord et le sud des Alpes françaises s’annonce comme un parfait numéro d’équilibriste. Pour maintenir l’unité de la candidature, des concessions devront être posées sur la table et la moindre suspicion de tensions devra être réglée sans délai.

Dans la course aux JO 2030 – et toute proportion gardée – cette rivalité des territoires et des responsables politiques a dernièrement conduit à la chute de la candidature espagnole qui devait mettre en lumière l’héritage des Jeux de Barcelone 1992 avec la beauté des paysages pyrénéens entre la Catalogne et l’Aragon.

Or, les deux entités n’ont jamais réussi à s’entendre quant au rôle de chacun et au partage des responsabilités et ce, en dépit de l’investissement du Comité Olympique Espagnol (COE) et de son Président, Alejandro Blanco, pour parvenir à une union sacrée dans l’intérêt de l’ambition olympique et paralympique.

Concernant la candidature française, l’enchaînement des prochaines échéances devra amener à un dépassement des égos et à l’affirmation plus prononcée du Mouvement sportif.

Même si le contexte a évolué au sein du CIO, l’incarnation d’une candidature et d’un projet demeure un point d’ancrage certain, en particulier vis-à-vis de l’opinion publique qui sera toujours plus attachée sur pareil projet à une figure sportive plutôt qu’à un leader politique.

A ce jeu-là, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a bien commencé à préparer un organigramme directionnel, avec la nomination au poste de Directeur de projet de la candidature de Vincent Jay, Champion Olympique en sprint et médaillé de bronze en poursuite lors des Jeux de Vancouver 2010.

Pour la suite, il est possible d’imaginer que la candidature des Alpes françaises puisse être incarnée par un leader comme Martin Fourcade qui, du haut de ses cinq médailles d’or olympiques, est le sportif tricolore le plus titré de l’Histoire des Jeux d’hiver et d’été confondus.

Reste à savoir si le tout jeune retraité des pistes de biathlon – membre du CIO depuis 2022 – sera intéressé par un tel challenge. Reste à savoir aussi si le monde politique laissera aussi facilement le devant de la scène à un sportif aussi populaire soit-il.

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