Contraint par le calendrier et par un appel d’offres infructueux, le Comité d’Organisation des Jeux d’hiver de Milan-Cortina 2026 a annoncé cette semaine une remise à plat du projet entourant les épreuves de bobsleigh, luge et skeleton. Initialement évoquées à Cortina d’Ampezzo, ces compétitions vont in fine être délocalisées en dehors de l’Italie.

Décidément, les organisateurs des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2026 enchaînent les déboires et les déconvenues en cette année 2023.
Tandis que le site des épreuves de patinage de vitesse a donné lieu à un feuilleton à rebondissements des mois durant, avant que la localisation du hockey-sur-glace ne soit à son tour débattue en raison de la hausse des coûts prévisionnels et de retards sur les chantiers, la problématique des compétitions de bobsleigh, luge et skeleton semblait avoir été réglée.
De fait, un projet de rénovation de la piste historique héritée des Jeux de Cortina d’Ampezzo 1956 avait été validée par le Comité d’Organisation avec l’appui des autorités publiques. Des travaux préparatoires avaient ensuite été enclenchés en février 2023, avant que la phase de mise en place du chantier de requalification du site ne soit actée.
Or, en plus de la virulente opposition de riverains et d’associations locales au printemps dernier, le projet – estimé à 85 millions d’euros, dont 61 millions pour le seul réaménagement de la piste et des éléments techniques – n’a pas recueilli le succès escompté de la part de Milan-Cortina 2026 et de la Società Infrastrutture Milano Cortina 2026 S.p.A. (SIMICO) auprès des entreprises susceptibles de réaliser l’aménagement requis.
Publié au début de l’été 2023, l’appel d’offres portant sur la construction de l’ouvrage s’est en effet révélé infructueux, précipitant dès lors une réflexion interne pour revoir la copie jusqu’alors établie. Ces dernières semaines, les réunions se sont ainsi multipliées pour sortir de l’impasse, éviter de nouvelles tensions et un énième couac préjudiciable à moins de trois ans de l’ouverture des Jeux.

Aussi, sous la pression du gouvernement italien plus attentif que jamais au dossier olympique et paralympique, les organisateurs ont fini par reconnaître que le site de Cortina d’Ampezzo – malgré sa riche histoire – ne représentait pas en l’état une option viable.
Ce lundi 16 octobre 2023 l’abandon pur et simple du projet de requalification de la piste Eugenio Monti dans l’optique des JO 2026 a donc été officialisé par Giovanni Malago, Président du Comité d’Organisation.
Ainsi que l’a exposé celui qui est aussi Président du Comité National Olympique Italien (CONI) et membre du Comité International Olympique (CIO) :
Nous avons été informés il y a à peine deux jours par le gouvernement que nous devions trouver une meilleure solution, plus durable, en utilisant un équipement déjà existant et fonctionnel.
En conséquence, Milan-Cortina 2026 doit identifier un autre lieu en dehors de l’Italie.
Nous travaillons déjà pour explorer toutes les solutions et alternatives possibles avec le CIO et les Fédérations Internationales, avant de soumettre le choix à notre Conseil d’administration pour approbation finale. A cet égard, il est important de souligner qu’une décision comme celle-ci aura un impact sur l’opération et aura des conséquences sur le budget du Comité d’Organisation.
En adoptant une telle position, les organisateurs semblent enfin prendre conscience que le temps est désormais compté et qu’un projet in situ représenterait un risque démesuré sur le plan calendaire et au niveau budgétaire.
L’idée de sortir des frontières transalpines sonne aujourd’hui comme un désaveu sévère pour Giovanni Malago qui avait fait de la piste de Cortina d’Ampezzo un symbole du concept italien, martelant au printemps 2021 son souhait de mobiliser l’historique enceinte fermée depuis 2008.
Face aux critiques déjà vives, le leader italien avait fait preuve d’un entêtement certain, balayant d’un revers de la main les recommandations formulées dès 2019 par la Commission d’Évaluation du CIO alors présidée par Octavian Morariu.
Comme l’avait pourtant soulevé le rapport d’experts :
Conformément aux objectifs de durabilité et d’héritage de l’Agenda 2020, la Commission d’Évaluation a soigneusement examiné la proposition de rénovation de la piste Eugenio Monti de Cortina.
La Commission craint que le projet ne nécessite des investissements et des travaux importants, dépassant les estimations établies sur la base des chiffres de référence.
La Commission estime que les plans de financement et d’héritage doivent encore être précisés.
Il y a la possibilité d’utiliser une piste existante ailleurs en Europe.

Quatre ans après cette mise en garde, force est de constater que Milan-Cortina 2026 revient à la case départ.
Parmi les options à l’étude, le cas de la piste d’Innsbruck (Autriche) apparaît comme une alternative probable à l’aune de l’expérience acquise au fil des décennies par la structure qui a vu défiler les Jeux de 1964 et ceux de 1976.
Évoquée à l’été 2022, la proposition fut formulée dans le cadre de deux missives adressées par les gestionnaires de la piste située à Igls.
Ces derniers proposèrent alors leur appui dans ces termes :
Nous sommes disponibles pour accueillir – sur demande – les épreuves de bobsleigh, de luge et de skeleton sur notre piste qui est en cours de rénovation et qui sera prête pour la saison d’hiver 2024-2025.
A ce jour, nous n’avons reçu aucune demande concernant l’organisation des épreuves dans le cadre des JO 2026. En conséquence, nous n’avons pas soumis d’offre ou un aperçu des frais. […] Une rénovation générale de la piste et de tous les bâtiments est en cours, les travaux seront réalisés en 2023-2024, et la livraison est attendue avant le début de la saison 2024-2025. La piste sera homologuée pour toutes les compétitions internationales de luge, de bobsleigh et de skeleton. Toutes les épreuves pré-olympiques pourraient donc avoir lieu sur place à partir de 2024-2025. Sur le principe, nous sommes disposés à discuter à tout moment de l’organisation des compétitions et d’une participation aux frais de rénovation de la piste.
Avant qu’une décision formelle ne soit prise par le Comité d’Organisation des JO 2026 en partenariat avec l’ensemble des parties prenantes, une chose est d’ores et déjà établie.
Pour la première fois dans l’Histoire des Jeux Olympiques d’hiver, des épreuves vont être organisées en dehors du pays hôte.
Cette configuration – proposée par les candidatures de Cracovie 2022 et par Stockholm-Are 2022 – a en revanche déjà été avancée à l’occasion des Jeux d’été.
Il faut néanmoins remonter à l’édition de Melbourne 1956 pour retrouver une telle situation, avec à l’époque la tenue des épreuves équestres à Stockholm (Suède) en raison des restrictions sanitaires imposées par la législation australienne.
Plus avant, le premier exemple de Jeux scindés en deux pays demeure attaché à l’Olympiade d’Anvers 1920 où des épreuves de voile furent orchestrées à Amsterdam (Pays-Bas) en lieu et place d’Ostende (Belgique).
Concernant le cas italien, la Présidente de la Commission de Coordination des Jeux d’hiver de 2026 a souligné l’importance de la nouvelle position adoptée par les organisateurs milanais.
Pour Kristin Kloster Aasen :
Cet engagement responsable renforce la position du CIO selon laquelle ce lieu devait être reconsidéré car l’héritage permanent n’était pas clair.
Nous saluons donc cette décision qui s’appuie sur l’orientation de l’Agenda 2020 selon laquelle aucun site permanent ne devrait être construit s’il n’existe pas un plan d’héritage démontré pour cela.