Par un communiqué publié en fin d’après-midi, ce mardi 18 juillet 2023, le Mouvement olympique et paralympique français a clairement mis en avant la perspective d’une candidature tricolore pour l’organisation des Jeux d’hiver de 2030. Face à la concurrence internationale et à l’aune du calendrier du Comité International Olympique (CIO), les prochaines semaines s’annoncent d’ores et déjà décisives pour formaliser un projet.

Évoquée depuis plusieurs années, l’idée d’une nouvelle candidature française à l’organisation d’une édition des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver est peut-être en passe de se concrétiser.
Dans un premier temps souhaitée par les Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur dans une configuration distincte par l’intermédiaire de leur Président respectif, à savoir Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, une telle entreprise a dans un second temps été encouragée dans un schéma commun par Guy Drut, membre français du CIO.
En mai dernier, l’ancien Ministre des Sports déclarait ainsi :
Si on y parvient, on a une petite chance, une chance, de les obtenir.
Si la demande est faite seulement par les Alpes du Sud, cela ne marchera pas. Il faut une candidature réunissant les Alpes du Sud et les Alpes du Nord.
Aujourd’hui, cette ambition a atteint un tournant capital, avec une reprise directe au sommet du Mouvement sportif hexagonal, marquant de fait l’intérêt du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF).
Conscients du coup de projecteur sur le pays offert par la venue l’an prochain des Jeux d’été de Paris 2024, et en misant sur ce tremplin indéniable, les deux instances ne sont pas sans oublier la tenue des Jeux d’hiver à trois reprises en France avec Chamonix 1924, Grenoble 1968 et Albertville 1992.
Aussi, en planchant désormais sur une nouvelle candidature aux Jeux d’hiver, le CNOSF et le CPSF pourraient être soucieuses de construire un nouveau modèle pour l’événement hivernal, tout en s’efforçant d’effacer le souvenir de la candidature d’Annecy 2018 dont la mise en œuvre et l’issue furent particulièrement chaotiques entre 2009 et 2011.

Les temps ont évidemment changé.
De la phase de candidature à aujourd’hui, Paris 2024 a su rehausser l’image de marque de la France auprès du CIO, alors même que ce dernier était resté sur la cuisante déroute annécienne – 7 voix obtenus lors du scrutin olympique contre 63 pour PyeongChang (Corée du Sud) et 25 pour Munich (Allemagne) – mais plus encore sur les propos parfois tenus suite à l’échec de la candidature de Paris 2012, ainsi que sur le traitement infligé à la flamme olympique de Pékin 2008 lors de son passage dans la capitale.
La France peut en outre compter sur l’appui au sein de l’institution de Lausanne (Suisse) de quatre membres, de Guy Drut, présent depuis 1996, à Martin Fourcade, en passant par Jean-Christophe Rolland et David Lappartient, celui-ci ayant par ailleurs récemment pris les commandes du CNOSF.
Au-delà de la question française, le Mouvement olympique a aussi évolué au fil des ans, avec des réformes majeures orchestrées sous l’égide du Président du CIO, Thomas Bach, depuis son élection en 2013.
Au travers de l’Agenda 2020, l’Agenda 2020+5, et la Nouvelle Norme, le CIO est engagé dans une profonde mutation destinée à mieux accompagner les organisateurs des Jeux et, au préalable, à revaloriser le dialogue avec les candidatures, via une refonte du processus de sélection des futurs hôtes.
De fait, en lieu et place d’une procédure de deux ans, matérialisée par une phase de requérance puis une phase de candidature, le nouveau modèle adopté depuis un peu plus de deux ans se fonde sur une phase de dialogue continu et une phase de dialogue ciblé.
Avec ce schéma, et en permettant de surcroît aux prétendants aux Jeux de pouvoir librement choisir de s’exposer publiquement ou non, le CIO espère sur le long terme regagner la confiance parfois perdue des candidatures.
En sus, en lieu et place du traditionnel calendrier prévisionnel qui prévalait jusqu’alors, avec au-delà des deux ans de requérance / candidature, sept années supplémentaires entre l’élection et l’accueil effectif des Jeux, le CIO s’autorise à présent de pouvoir désigner un futur hôte sur une échéance jugée la plus appropriée à l’aune des discussions engagées avec les parties. Brisbane et le Queensland (Australie) ont par exemple obtenu les JO 2032 avec 11 années d’avance. Aujourd’hui, sur le créneau des Jeux d’été, certains candidats visent 2036 voire 2040.
Pour les Jeux d’hiver de 2030 et les éditions suivantes, l’application de ce processus nouvelle génération a d’ores et déjà permis de sanctuariser des discussions avec six Comités Nationaux Olympiques (CNO) à travers le monde, avec notamment la participation plus ou moins active des villes et territoires de Salt Lake City (Utah, États-Unis), Sapporo (Japon), Stockholm (Suède), Vancouver (Canada) et, l’intérêt exprimé par la Suisse, sans échéance définie cependant.
Mais malgré les changements opérés, le calendrier apparaît tout de même relativement serré pour envisager sereinement une candidature française.
En effet, le CIO devrait s’engager sur un dialogue ciblé avec une ou plusieurs candidatures d’ici la fin de l’année 2023, avant de désigner le futur hôte des JO 2030 – voire même celui de 2034 – lors de la Session planifiée en marge des Jeux de Paris 2024. Selon l’état actuel des candidatures, Stockholm pourrait rafler 2030 alors que Salt Lake City semble être en mesure d’obtenir sans grande difficulté l’édition suivante qui récompenserait une fidélité et une détermination sans équivalent depuis plus de dix ans.

Conscients de cet agenda contraint et de l’étroitesse de la fenêtre de tir, le CNOSF et le CPSF ont d’ailleurs évoqué les étapes à venir pour, le cas échéant, acter officiellement une candidature de la France.
Ainsi, au cours des prochaines semaines, un travail commun doit être conduit, en associant l’État, mais également les acteurs du sport français et de la montagne, les territoires susceptibles d’intégrer une possible cartographie des Jeux, sans oublier évidemment les athlètes.
En parallèle, après la transmission par le CNOSF du souhait d’ouvrir un dialogue formel avec le CIO et la Commission de Futur Hôte en ce mois de juillet 2023, la soumission d’un projet de candidature auprès des instances françaises devra intervenir en septembre.
En cas d’adoption par les organes délibérants du CNOSF et du CPSF, un projet formalisé pourrait dès lors être présenté devant la Commission de Futur Hôte à la mi-septembre 2023.
Avant cela, les dirigeants sportifs tricolores évoqueront la question d’une candidature aux Jeux d’hiver avec le Président de la République, Emmanuel Macron, dès ce mercredi 19 juillet au Palais de l’Élysée.
Particulièrement impliqué dans le suivi des préparatifs de Paris 2024, le Chef de l’État pourrait ainsi exprimé sa volonté d’accompagner le développement d’une candidature pensée à l’échelle de deux régions majeures du territoire français pour répondre aux exigences olympiques de durabilité et de sobriété, avec une utilisation maximisée des infrastructures existantes ou à vocation temporaire.
Si l’implication du Mouvement sportif français est indispensable pour mener à bien une candidature aux Jeux, l’engagement des autorités nationales est également essentiel.
Emmanuel Macron pourrait à cet égard faire figure d’ambassadeur de choix pour exposer les qualités d’un dossier français devant Thomas Bach qu’il a encore récemment reçu au Palais présidentiel, et avec qui il entretient une relation de parfaite confiance depuis leurs premiers échanges opérés durant la candidature de Paris 2024.
Dans le communiqué publié ce mardi, les quatre acteurs actuellement mobilisés, soit le CNOSF et le CPSF, ainsi que les Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, affichent en tout cas un désir commun d’approfondir les conditions d’une candidature.
Trois points-clés sont à ce titre évoqués.
D’une part, la réflexion engagée devra prendre en compte les enjeux liés à la préservation de la biodiversité et à l’accélération du réchauffement climatique dont les effets sont particulièrement visibles dans les zones montagneuses.
Sur cet aspect, le communiqué énonce notamment :
Les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 devront marquer une inflexion majeure dans le modèle d’organisation des Jeux d’hiver, comme Paris 2024 l’est pour les Jeux Olympiques et Paralympiques d’été.
La France peut, là-encore, montrer la voie. Ils devront également s’inscrire dans une stratégie plus large au niveau national sur les sports d’hiver de demain, dans un contexte de réchauffement climatique, et dans laquelle les deux Régions sont d’ores et déjà pleinement engagées aux côtés de l’État.
D’autre part, et suivant cette déclaration-programme, les parties entendent utiliser les infrastructures existantes, dont certaines furent mobilisées dans le cadre des Jeux d’Albertville 1992. De même, le développement d’une candidature et d’un projet devra se faire en coordination avec les territoires, les acteurs sportifs et les athlètes français, ainsi qu’avec la population, et notamment la jeunesse.
Enfin, la réduction des coûts d’organisation des Jeux d’hiver est jugée indispensable pour permettre la mise en œuvre d’un projet tricolore pour lequel un financement essentiellement sur fonds privés serait recherché.
Sur ce dernier point, le modèle de Paris 2024 pourrait servir de source d’inspiration aux porteurs d’une candidature hivernale, le budget d’organisation des Jeux de 2024 reposant ainsi sur 96% de ressources issues du secteur privé.

Comme l’a exprimé David Lappartient, Président du CNOSF :
Les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver en France en 2030 constituent une formidable opportunité de poursuivre l’élan des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et offrent de fabuleuses perspectives au sport français et à nos athlètes.
Ensemble, nous devons imaginer les Jeux Olympiques et Paralympiques du futur dans le contexte du réchauffement climatique, des Jeux respectueux des équilibres, des Jeux qui favorisent les transitions dans le monde de la montagne, des Jeux économes et des Jeux populaires.
C’est ce défi que nous sommes prêts à relever.
De son côté, la Présidente du CPSF, Marie-Amélie Le Fur a tenu à souligner les performances des para-athlètes français pour justifier l’idée d’une candidature pour des Jeux à domicile :
Après deux éditions des Jeux Paralympiques d’hiver où la France s’est hissée à la 3e et à la 4e place au rang des nations et dans la poursuite de la dynamique des Jeux Paralympiques de Paris 2024, le CPSF est heureux de réfléchir à des perspectives enthousiasmantes pour le sport français.
Nous contribuerons activement aux travaux qui s’engagent afin de réfléchir à un concept innovant et durable pour une nouvelle édition des Jeux Paralympiques en France.
Les deux Présidents des Régions concernées par l’hypothèse d’une candidature ont également exprimé leur envie d’aller de l’avant et de travailler à l’émergence d’un projet susceptible de convaincre le CIO, en proposant un modèle apparaissant en complète opposition avec les Jeux d’hiver dernièrement organisés (Sotchi 2014, PyeongChang 2018, Pékin 2022).
Ainsi que l’a affirmé Laurent Wauquiez :
Grande région de la montagne abritant le premier domaine skiable du monde, Auvergne-Rhône-Alpes a écrit parmi les plus belles pages de l’histoire des sports d’hiver en accueillant sur son territoire, au cœur des Alpes, les trois éditions françaises des Jeux Olympiques.
Dans la continuité de cet héritage, nous sommes aujourd’hui prêts à porter cette ambition de faire des Jeux de 2030 une vitrine de l’excellence sportive de notre région, du développement durable de nos massifs alpins et ainsi d’amorcer un nouvel élan pour l’Olympisme français.
Pour sa part, Renaud Muselier a déclaré :
Fort de notre expérience et de notre Plan climat “Une Cop d’Avance”, la Région SUD a voté le premier budget 100% vert d’Europe en 2022.
Nous pouvons proposer un nouveau modèle des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver neutre en carbone dès 2030. Le développement de notre territoire reste en harmonie avec notre environnement et de la qualité de vie de ses habitants. A taille humaine, il est respectueux d’un cadre naturel unique et préservé.
Les Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver et les athlètes du monde entier sont donc les bienvenus pour se mesurer avec plaisir dans les montagnes et vallées des Alpes du Sud.

Face à cet engouement général – de la sphère sportive à la sphère politique – difficile d’imaginer aujourd’hui qu’une candidature ne puisse pas se concrétiser d’ici l’automne.
Il n’empêche, dans le cas où les discussions avec le CIO aboutiraient à la conclusion que 2030 serait une échéance prématurée – notamment en considérant le développement à un stade avancé des rivales internationales et de la nécessité de bâtir un concept dans des délais restreints – il est à penser qu’un projet pourrait davantage se fondre sur une édition ultérieure.
Ailleurs en Europe, l’Allemagne a engagé une réflexion pour une future candidature, le pays restant sur plusieurs échecs consécutifs depuis le début des années 1990, tant pour les Jeux d’été que pour les Jeux d’hiver.
Aussi, le Comité Olympique Allemand (DOSB) a récemment exposé une méthodologie visant à permettre, le cas échéant, le déploiement d’un projet pour les Jeux d’été de 2036 ou 2040 ou, concernant spécifiquement les Jeux d’hiver, les échéances de 2038 ou 2042. Avec une telle projection, l’instance allemande semble parfaitement consciente que 2030 et 2034 apparaissent à ce jour hors-de-portée pour elle, sauf à imaginer un coup de théâtre avec les chutes de Stockholm et de Salt Lake City.
Si pour la première citée, l’optique d’une candidature reste à affiner, avec le nécessaire appui gouvernemental et populaire, pour la seconde, tous les voyants sont au vert et ce, depuis de longues années, la Ville Hôte des JO 2002 ayant évoqué son intérêt pour une nouvelle organisation des Jeux d’hiver dès 2012, avant ensuite une désignation formelle comme candidate américaine à la fin de l’année 2018.
De mon point de vue, un projet autour de Briancon/Serre Chevalier (Alpes du Sud) avec en appui les infrastructures toutes proches de Turin 2006 (Piste de luge, tremplins) et plus largement Grenoble et Nice serait le plus à même de gagner les appuis politiques et populaires sur ls base d’un budget économiquement maîtrisé et viable.