La perspective d’une double attribution des Jeux de 2030 et 2034 se précise. Réunie cette semaine à Bombay (Inde), la Commission Exécutive du Comité International Olympique (CIO) a en effet abordé cette question étroitement liée à la problématique de la viabilité des Jeux d’hiver à l’aune du changement climatique.

En réflexion depuis plusieurs mois, l’idée de procéder à une double attribution des Jeux d’hiver de 2030 et 2034 semble prendre de l’épaisseur et devrait même se concrétiser à l’occasion de la 141e Session du CIO actuellement réunie en Inde.
L’institution de Lausanne (Suisse) s’engagera dès lors dans un processus similaire à celui adopté en juillet 2017 dans l’optique d’attribuer les Jeux d’été de 2024 et 2028 de manière simultanée, avec alors les candidatures de Paris (France) et de Los Angeles (Californie, États-Unis), seules en lice.
Aujourd’hui, et bien que des changements ont été apportés concernant les modalités d’évaluation et de suivi des candidatures – avec non plus les deux phases de requérance et de candidature, mais désormais une phase de dialogue continu et une phase de dialogue ciblé – le CIO se dirige vers une décision qui pourrait se renouveler dans les années à venir.
De fait, moins théâtrale que l’ancienne procédure de sélection, notamment symbolisée par la fameuse séquence de l’enveloppe décachetée par le Président du CIO à la tribune de la Session, la procédure actuelle offre une opportunité intéressante à la fois pour le CIO et pour ses partenaires.
En désignant possiblement deux Futurs Hôtes pour deux éditions successives de son événement planétaire, l’institution olympique s’assure deux organisateurs, mais surtout, sécurise le modèle olympique en permettant de surcroît une activation anticipée des partenariats et donc des revenus commerciaux.
A ce jeu-là, Los Angeles 2028 avait habilement su profiter de l’adoption du principe de double attribution, la candidature de la “Cité des Anges” obtenant de la part du CIO une enveloppe financière plus conséquente, avec également un volet Héritage loin d’être négligeable.
Si ce principe de double attribution pourrait prévaloir dans le futur, il apparaît d’autant plus essentiel pour les candidatures aux Jeux d’hiver qui, contrairement à celles portées sur la saisonnalité estivale, se raréfient de façon plus soutenue, le changement climatique entrant ici pleinement en ligne de compte.

D’ailleurs, l’institution olympique a approuvé en décembre 2022 – par l’intermédiaire de la Commission Exécutive – l’introduction de deux nouveaux critères pour l’accueil des futures éditions des Jeux d’hiver.
Pour le premier, les Futurs Hôtes doivent dorénavant se fixer pour objectif primordial de ne solliciter que des sites déjà existants ou tout du moins temporaires, tandis que pour le second, les conditions sur les sites proposés pour les épreuves de neige doivent être considérées comme fiables sur le plan climatique jusqu’au milieu du siècle.
Avec ces deux indicateurs, le CIO écarte sans doute certains candidats qui auraient pu être tentés par la formulation d’un projet qui se serait révélé en opposition avec la promesse de durabilité des Jeux portée haut par l’institution au travers des réformes successives, en particulier l’Agenda 2020, puis l’Agenda 2020+5.
Au-delà de ces éléments d’évaluation – et de sélection – et dans un même état d’esprit, deux études avaient été diligentées par la Commission Exécutive pour, d’une part, recenser les Comités Nationaux Olympiques (CNO) disposant du plus grand nombre de sites existants capables de répondre aux exigences des Fédérations Internationales des sports olympiques d’hiver, et, d’autre part, s’assurer que les conditions desdits sites soient fiables sur le plan climatique jusqu’à l’horizon 2050 au moins.
Aussi, les résultats préliminaires de ces études laissent entrevoir le fait que seuls 15 CNO répartis sur trois continents à travers le monde disposent d’au moins 80% des sites nécessaires, sachant que 10 de ces 15 CNO ont récemment été Hôtes des Jeux d’hiver ou sont intéressés par l’organisation d’une édition future.
En outre, il ressort que d’ici 2040, seuls 2 des 15 CNO – dont l’identité n’a pas été divulguée – seront en mesure d’accueillir les Jeux d’hiver en février, alors que seulement 5 CNO pourront recevoir les Jeux Paralympiques d’hiver en mars.
A la lecture de ces résultats préliminaires, le Président du CIO n’a pas manqué de souligner que l’institution olympique devait entreprendre une nécessaire adaptation de la manifestation sportive et de facto l’instauration d’un modèle repensée.
Comme l’a ainsi affirmé Thomas Bach :
La Commission de Futur Hôte a indiqué que les études étaient en cours et que les conclusions finales seraient présentées en temps voulu.
Toutefois, les résultats préliminaires montrent déjà que nous devons adapter les Jeux Olympiques d’hiver compte-tenu de l’impact du changement climatique.
En coopération avec la communauté des sports d’hiver, nous devons chercher des solutions pour l’avenir.
Parmi les pistes à l’étude, le CIO pourrait choisir d’attribuer les Jeux d’hiver sur la base d’une rotation entre des Futurs Hôtes déjà identifiés. Il pourrait aussi revoir la composition du programme, peut-être pour réduire la place des sports de neige ou pour faire entrer des sports plus adaptés au contexte climatique.
A l’aune de ce constat intermédiaire et des éléments précités, l’idée d’une double attribution des JO 2030-2034 se révèle particulièrement pertinente pour le CIO.
Sur ce double créneau, Salt Lake City (Utah, États-Unis) est d’ores et déjà assurée d’obtenir une nouvelle fois les Jeux d’hiver, plus de vingt ans après l’édition de 2002.
Bien que se montrant disponible pour 2030, la candidature américaine a aussi à maintes reprises fait savoir sa préférence pour l’échéance 2034, en particulier pour des raisons de proximité avec les Jeux d’été de LA 2028 et de préservation de son potentiel commercial.

Reste le cas des autres candidatures officiellement déclarées jusqu’alors.
Car même si le processus de sélection donne un poids plus important que par le passé au dialogue entre les parties, il permet également de maintenir une certaine confidentialité pour des candidatures qui ne souhaiteraient pas se révéler au grand jour.
Si l’on s’en tient par conséquent aux seules prétendantes qui se sont avancées jusqu’à aujourd’hui à visage découvert, la Suède apparaît dans une position plutôt confortable pour espérer décrocher l’édition 2030.
La persévérance d’un pays candidat malheureux à plusieurs reprises et le positionnement comme l’un des berceaux des sports d’hiver en Europe plaident en faveur de Stockholm. La candidature actuellement à l’étude semble par ailleurs avoir tenu compte des leçons du passé, avec la volonté d’accroître les échanges avec les pouvoirs publics et d’apporter plus de transparence dans la constitution du projet vis-à-vis de l’opinion publique.
La Suisse s’est elle-aussi engagée dans un cheminement reposant sur une meilleure compréhension de l’ambition olympique et paralympique, avec une structuration étape par étape, et l’envie de convaincre les décideurs institutionnels tout en dissipant les doutes des citoyens qui, au cours des dernières décennies, ont infligé de sérieux revers aux candidatures helvètes.
Du côté de la France, la délimitation géographique d’un projet pensé autour des Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur sera déterminant pour la suite à donner à une candidature qui entend surfer sur la dynamique offerte par les préparatifs en cours des Jeux d’été de Paris 2024 et sur la confiance retrouvée ces dernières années entre le Mouvement olympique et l’Hexagone.
Pour la candidature des Alpes françaises, il conviendra en outre de monter en gamme sur l’investissement des sportifs, alors que l’émergence du projet a davantage été incarnée par la sphère politique des deux entités régionales précitées.
Concernant enfin les candidatures qui se sont éclipsées au cours des mois passés, la remise à plat du processus décisionnel orchestrée en décembre 2022 et les résultats préliminaires des deux études diligentées par le CIO pourraient amener à reconsidérer les projets de Vancouver (Colombie-Britannique, Canada), Barcelone-Pyrénées (Espagne), et Sapporo (Japon).
Le premier avait été contraint de se mettre en retrait en raison du manque d’engagement du gouvernement provincial de Colombie-Britannique pourtant indispensable pour sanctuariser l’ambition de l’Hôte des JO 2010.
Le second avait quant à lui été confronté à la rivalité historique des territoires de l’Aragon et de la Catalogne, avec une impossibilité manifeste de s’accorder sur la répartition des efforts et la sectorisation des sites destinés à recevoir les compétitions.
Le troisième enfin, lourdement fragilisé par les révélation de corruption derrière Tokyo 2020, a récemment annoncé sortir de la course pour les JO 2030, préférant travailler sur la perspective d’une candidature pour 2034 ou pour une édition ultérieure.
Quoiqu’il en soit, le CIO, désireux de conserver la maîtrise de son calendrier, va continuer d’avancer pas à pas.
Après l’aval donné par la Commission Exécutive au sujet de la double attribution 2030-2034 proposée par la Commission de Futur Hôte, et l’appui manifesté par les Présidents des sept Fédérations Internationales concernées, la proposition va être soumise à la Session du CIO dont les travaux s’achèveront le 17 octobre 2023.
Dans les semaines à venir, la Commission de Futur Hôte présidée par Karl Stoss se présentera à nouveau face à la Commission Exécutive en novembre 2023 et ce, afin d’envisager l’ouverture de la phase de dialogue ciblé avec un ou plusieurs candidats en lice.
Quant à l’élection formelle du Futur Hôte pour 2030 – et pour 2034 – elle n’interviendra pas avant 2024 au cours d’une Session qui se déroulera dans un pays n’ayant pas de candidate déclarée.