En milieu de semaine, l’idée d’une candidature tripartite entre la Suisse, l’Italie et la France pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 a été évoquée par le quotidien helvète “Le Temps”. Néanmoins, une telle entreprise n’est pas une réflexion prioritaire pour les pouvoirs publics et pour le mouvement sportif des territoires concernés.

Avec la refonte du processus des candidatures voulue par le Comité International Olympique (CIO), les possibilités ont été décuplées quant à la perspective de fonder un projet non plus à l’échelle locale, mais davantage sur un plan régional voire même national.
Dans cette optique, des projets d’envergure ont pu être développés ces dernières années, que ce soit en particulier la réflexion autour d’une candidature estivale allemande basée sur la Rhénanie du Nord-Westphalie, ou bien sûr sur la candidature victorieuse de Brisbane et du Queensland (Australie) pour les Jeux d’été de 2032. Concernant les Jeux d’hiver, la souplesse aujourd’hui permise par l’institution olympique a indéniablement permis d’établir le projet de Milan-Cortina 2026 qui aurait sans doute été plus délicat à mettre en œuvre avec la précédente procédure.
Pour les JO 2030, outre les candidatures de Sapporo (Japon), Salt Lake City (Utah, États-Unis) et Vancouver (Colombie-Britannique, Canada), le CIO a pu un temps voir émerger le projet bicéphale entre la Catalogne et l’Aragon (Espagne), même si ledit projet a rapidement périclité sous l’effet des tensions régionales et politiques.
Un autre projet mêlant plusieurs territoires a par ailleurs été évoqué, cette fois-ci au cours de la semaine qui s’achève.
Tenant pleinement compte de la remise à plat du processus décisionnel entourant le choix futur de l’hôte des JO 2030, une réflexion aurait été engagée pour bâtir les fondements d’une candidature de l’Espace Mont-Blanc, au cœur de l’Europe, ainsi que l’a mentionné le quotidien helvète “Le Temps”, mercredi 04 janvier.

Concrètement, un groupe de travail aurait planché sur la possibilité de soumettre un projet olympique et paralympique liant la Suisse, avec le Canton du Valais, le Nord de l’Italie, avec la Vallée d’Aoste, et la France, avec l’intégration de la Vallée de Chamonix, soit trois espaces territoriaux disposant de la culture et de l’expérience des sports d’hiver.
Pour la Suisse, cette option en forme de triptyque aurait l’avantage d’assurer une répartition des coûts – et des contraintes – alors que le Canton du Valais reste sur quatre échecs successifs pour décrocher les anneaux olympiques (1976, 2002, 2006 et 2026), le dernier projet en date ayant été repoussé à l’issue de la votation citoyenne organisée en juin 2018. Surtout, elle constituerait une nouvelle illustration de l’entente territoriale qui a participé au succès des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Lausanne 2020 où la France avait été associée à la mise en place de l’événement pour une partie des compétitions.
Pour l’Italie, l’établissement d’une candidature arriverait immédiatement après l’organisation des Jeux de Milan-Cortina 2026, eux-mêmes survenant vingt ans après l’édition de Turin 2006.
Pour la France enfin, l’hypothèse d’une candidature aux Jeux d’hiver assurerait un regain certain en direction des Alpes tricolores, plus de trente ans après les Jeux d’Albertville 1992 et près de douze ans après le fiasco du projet d’Annecy 2018 qui, malgré des points intéressants, avait souffert entre 2010 et 2011, à la fois d’une concurrence internationale évidente avec Munich (Allemagne) mais surtout PyeongChang (Corée du Sud), et d’un projet à la gouvernance fragile, notamment avec le départ du Champion Olympique de bosses en 1992, Edgar Grospiron, de la présidence du Comité de Candidature, et l’arrivée de l’entrepreneur Charles Beigbeder.

Cependant, en dépit de critères pouvant justifier et accompagner le développement d’une telle entreprise, plusieurs éléments démontrent dès à présent l’extrême fragilité conjuguée à une précocité du concept.
Ainsi, au moment même où le quotidien “Le Temps” se faisait l’écho de la réflexion tripartite, un porte-parole de Swiss Olympic a fermé la porte d’un soutien de l’instance olympique, soutien pourtant crucial pour construire et promouvoir un projet devant le CIO.
Comme l’a notamment exprimé Alexander Wäfler :
La seule entité apte à décider si le moment est venu pour le dépôt d’une candidature est Swiss Olympic. Et nous estimons qu’il n’est pas réaliste de le faire pour des Jeux Olympiques qui auront lieu dans un peu plus de sept ans.
En filigrane, le propos du porte-parole de Swiss Olympic énonce deux points majeurs.
D’une part, un rappel utile au fait qu’une candidature aux Jeux, même avec l’investissement des Collectivités Publiques et du secteur privé, doit nécessairement émaner d’une instance olympique reconnue par le CIO, à savoir le Comité National Olympique (CNO). D’autre part, le fait que le calendrier offre une fenêtre de tir plus que limitée pour espérer établir un projet viable pour les JO 2030.
Ces deux points se combinent en outre avec le constat que la Suisse reste sans doute soucieuse de mesurer l’application concrète de la nouvelle réforme olympique avant de décider – potentiellement – d’aller de l’avant en direction des Jeux de 2034 ou de 2038, le pays gardant le souvenir de ses échecs passés des candidatures des Cantons du Valais, mais aussi des Grisons.
Au-delà du coup de frein porté par Swiss Olympic, la réflexion autour de l’Espace Mont-Blanc a aussi été fragilisée par les déclarations du Maire de Chamonix-Mont-Blanc.
Ainsi que l’affirme le communiqué publié dès jeudi 05 janvier, soit au lendemain des révélations du quotidien “Le Temps” :
Monsieur Eric Fournier, Maire de Chamonix-Mont-Blanc, indique que si la coopération transfrontalière avec nos voisins valaisans est au cœur des préoccupations de la Vallée de Chamonix-Mont-Blanc, le projet d’une candidature commune aux Jeux Olympiques tel que relayé par certains médias n’est pas à l’ordre du jour.
En effet, celle-ci émane d’une initiative privée et non des instances politiques de l’Espace Mont-Blanc, lesquelles travaillent actuellement activement sur la feuille de route liée à la prochaine programmation européenne avec comme sujet central l’adaptation au changement climatique de notre économie touristique.
Bien que négligeant le rôle déterminant du monde sportif dans le développement d’une candidature, le Maire de Chamonix-Mont-Blanc écarte avant tout toute participation à une quelconque ambition olympique et paralympique du territoire hôte des Jeux d’hiver de 1924.
Par ailleurs, il convient de souligner le fait que le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) est aujourd’hui – et outre ses problèmes internes de gouvernance – mobilisé sur les préparatifs des Jeux d’été de Paris 2024 qui constitueront pour l’instance le plus grand événement sportif jamais organisé en France, cent ans après les Jeux de Paris 1924 et cent vingt-quatre ans après l’édition de Paris 1900.

Aussi, en l’absence des deux premiers territoires évoqués pour porter une candidature commune, le Nord de l’Italie ne saurait in fine être l’unique acteur d’une ambition déjà avortée.
Il faut dire que la péninsule italienne est mobilisée sur le projet de Milan-Cortina 2026 qui, après sa désignation par le CIO en 2019, rencontre des difficultés certaines, que ce soit au niveau d’une partie des chantiers autour des sites appelés à recevoir les épreuves, ou au niveau de la stratégie marketing, sans oublier également le changement de tête récemment opéré à la Direction Générale du Comité d’Organisation des Jeux après plusieurs mois de flottement.
Or, à l’aune de ces constats, il apparaît impensable que le Comité National Olympique Italien (CONI) décide d’accompagner un projet et ce, même si les deux autres parties s’étaient montrées favorables à une telle entreprise.
Finalement, la réflexion d’une candidature européenne pour 2030 aura permis de remettre les projecteurs sur les Alpes, alors que les Jeux ont délaissé au fil des ans ce territoire historiquement lié aux sports d’hiver, et au moment où le débat entourant la question climatique se fait de plus en plus marqué lorsqu’il s’agit d’évoquer le devenir du modèle actuel des Jeux d’hiver.