JO 2024 : Avec le retrait de Rome, l’hécatombe olympique se poursuit

Elles étaient initialement cinq à postuler à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2024.

Rome (Italie) fut la première à se positionner officiellement – dès le 15 décembre 2014 – suivie par Boston (États-Unis), puis Hambourg (Allemagne), Paris (France) et Budapest (Hongrie).

La course promettait alors d’être passionnante, au moins autant que pour l’attribution des JO 2012.

Cette ferveur s’accompagnait il faut dire de l’adoption d’un important projet de réformes, intitulé Agenda 2020, et ayant pour objectif de moderniser la procédure des candidatures, tout en rendant plus transparent les règles et les modalités d’attribution de l’événement olympique.

(Crédits - Boston 2024)
(Crédits – Boston 2024)

Toutefois, les premières secousses se sont manifestées au printemps 2015 avec les déboires de la candidature américaine et les multiples changements opérés à sa tête ainsi que dans son projet. Après plusieurs mois de sondages en baisse et d’une contestation populaire croissante, les autorités du Massachusetts et celles du Comité Olympique des États-Unis (USOC) avaient finalement convenu de cesser l’aventure olympique.

La ville de Los Angeles (Californie) fut alors et sans surprise repêchée après avoir été éliminée par la cité étudiante de la côte Est quelques mois auparavant. Celle qui fut deux fois Ville Olympique (1932 et 1984) se relança alors dans la course pour incarner à la fois l’héritage des Jeux et la rupture avec les pratiques passées.

Malgré ce changement de ville – qui aurait été impossible à compter du 15 septembre 2015, date de la clôture officielle des candidatures par le Comité International Olympique (CIO) – la course aux JO 2024 se poursuivait avec cinq concurrentes.

Mais dans la foulée de Boston, une autre ville s’est retrouvée peu à peu empêtrée entre les exigences de son projet, le coût éventuel de l’organisation, et la fronde populaire. Faisant figure de modèle novateur, Hambourg avait multiplié les initiatives pour promouvoir son concept compact, peut-être à l’excès, ce qui finalement a conduit au rejet de la candidature par la voie du référendum, le 29 novembre 2015.

Exit donc Hambourg et l’Allemagne.

(Crédits - Mutabor / Hamburg 2024)
(Crédits – Mutabor / Hamburg 2024)

Seules quatre Villes Candidates ont franchi la fin d’année 2015, non sans se questionner sur l’opportunité de donner la parole aux citoyens et surtout sous quelle forme (concertation, référendum, etc…).

Si Los Angeles, Paris et Rome ont rapidement écarté l’idée d’une consultation populaire – faisant notamment valoir des sondages au beau fixe – Budapest a longtemps débattu d’une telle entreprise avant in fine de renoncer, arguant de l’enthousiasme de la classe politique.

Aujourd’hui, les choses pourraient néanmoins changer du côté de la Hongrie où la porte a de nouveau été ouverte pour une aventure des plus périlleuses. Mais c’est avant tout en Italie que les choses se sont considérablement dégradées depuis le début de l’année et l’arrivée à la tête de la « Ville Éternelle » de Virginia Raggi et du Mouvement 5 Étoiles.

Ayant fait de son refus des JO 2024 l’un de ses principaux thèmes de campagne, Virginia Raggi n’a cessé depuis son élection au mois de juin 2016 de contester l’opportunité d’une candidature de Rome.

Après avoir annoncé son intention de faire connaître sa décision en octobre 2016 – après des rencontres et des réunions pour tenter de renégocier la gigantesque dette de la capitale italienne – la Première Magistrate avait rejeté l’invitation du Président du Conseil Italien à se rendre à Rio de Janeiro (Brésil) afin de défendre les chances transalpines aux JO 2016.

Cette absence – remarquée par la presse internationale et les membres de la Famille Olympique – avait d’ailleurs conduit à l’annulation de la conférence de presse de Rome 2024, une conférence dont l’exercice avait été autorisé par le CIO pour l’ensemble des Villes Candidates.

Avec le retrait ce mercredi de la candidature italienne, la péninsule se retrouve dans une situation particulièrement délicate et qui peut se résumer aux récentes déclarations du Président du Comité Olympique Italien (CONI).

« Pour les 30 ou 50 ans qui viennent, nous dirons au revoir aux Jeux.

[…] La candidature est devenue un jeu complexe qui ne concerne plus seulement le sport, mais qui est désormais orienté pour moitié par la politique.

Comme le monde du sport, nous sommes embarrassés, car il s’agit d’un événement dont l’organisation est prévue dans 8 ans » avait ainsi affirmé Giovanni Malago durant la première quinzaine de septembre.

Ces propos, loin d’être anodins, peuvent en tous cas s’entendre au regard de la difficulté de l’Italie à se faire comprendre aux yeux du CIO depuis plus de dix ans et l’obtention des JO 2006 par Turin.

Depuis cette date, les Jeux ont échappé à l’Italie et ce, alors qu’ils auraient pu constituer une évidence avec la candidature de Rome 2020.

Les querelles politiques et la crise économique avaient cependant douché les espoirs du Mouvement olympique italien et ses représentants au sein du CIO, à commencer par Mario Pescante qui fit le choix de démissionner de ses fonctions de vice-Président de l’institution de Lausanne (Suisse) en février 2012.

Avec désormais deux retraits en moins de cinq ans, la crédibilité italienne et encore davantage celle de Rome, est considérablement entamée parmi la Famille Olympique.

Le discrédit est présent et pourrait être durable, ce qui pose la question de la légitimité d’une nouvelle candidature pour 2028 ou 2032, même avec une autre ville que Rome comme l’a récemment laissé entendre Matteo Renzi, Président du Conseil et ancien Maire de Florence.

(Crédits - Sport & Société)
(Crédits – Sport & Société)

Dans l’attente de prochaines évolutions, la course se retrouve désormais limitée.

Face à l’incertitude qui risque de s’accroître pour Budapest – et au regard de son profil d’outsider aussi – les Jeux d’été de 2024 semblent plus que jamais se diriger vers un duel entre deux mastodontes de l’Olympisme, deux villes ayant une riche expérience et surtout une ambition débordante compte-tenu de leurs candidatures passées : Los Angeles (deux fois Hôte des JO et sept fois candidates) et Paris (deux fois Hôte des JO et trois fois candidates).

Mais si ce duel annoncé – rêvé et excitant – est une formidable publicité pour les Jeux et ses sponsors, il n’en demeure pas moins l’illustration des limites du Mouvement Olympique tel qu’il s’est constitué et transformé depuis sa création et surtout depuis sa mutation dans les années 1980 sous l’impulsion de Juan Antonio Samaranch.

Le CIO peut-il en effet se satisfaire du maintien de deux ou trois candidatures finales pour 2024 lorsque les Jeux d’été drainaient jusqu’à sept prétendantes pour 2016 (dont quatre officiellement candidates) ; neuf pour 2012 (cinq dans le tableau final) ; dix pour 2008 (cinq finalistes) ; onze pour 2004 (cinq finalistes) ?

Force est de constater que la réforme Agenda 2020 n’a pas encore produit les effets escomptés. D’ailleurs, ces derniers seront-ils visibles dans les années à venir et en particulier dès le lancement des candidatures pour 2028 ?

A suivre. Il n’est pas certain en effet que des villes ayant fait acte de candidature par le passé fassent à nouveau partie des concurrentes.

Parvis du Stade de Durban en Afrique du Sud (Crédits - Moses Mabhida Stadium)
Parvis du Stade de Durban en Afrique du Sud (Crédits – Moses Mabhida Stadium)

Rome bien sûr ne devrait pas se risquer à pareil challenge dans un avenir proche, de même que Madrid (Espagne) dont les trois précédentes tentatives (2012, 2016 et 2020) se sont toutes soldées par de cuisants échecs, ou encore Istanbul (Turquie) qui a espéré ouvrir l’Olympisme vers de nouveaux horizons avec ses candidatures échelonnées dans le temps (2000, 2004, 2008, 2012, 2020).

L’Australie a bien fait mention d’un intérêt pour 2028.

L’Afrique du Sud pourrait aussi se décider à repartir dans la course après une tentative remarquée mais infructueuse avec Le Cap pour 2004. Le Pérou avec Lima – hôte de la Session qui désignera la Ville Organisatrice des JO 2024 en septembre 2017 – pourrait également se pencher sur la question d’une candidature, de même que l’Argentine qui prépare actuellement les Jeux Olympiques de la Jeunesse 2018.

Les leçons et les enseignements qui seront tirés dans les mois à venir sur les préparatifs et l’organisation des Jeux de Rio 2016 seront sans nul doute un premier indicateur sur les chances de ces territoires à prétendre à l’accueil du plus grand événement sportif de la planète.

Toutefois, face au désamour persistant dont il est victime, le CIO pourrait ne pas avoir le choix et être forcé en conséquence de revoir encore ces critères de sélection.

Le « gigantisme » des Jeux – longtemps vilipendé – est peut-être arrivé à l’heure de son crépuscule. Le CIO garde d’ici-là une manne financière conséquente pour affronter les temps difficiles qui s’annoncent.

(Crédits - Comité Olympique de Suède)
(Crédits – Comité Olympique de Suède)

Car au-delà des seuls Jeux d’été – certes plus prestigieux et à l’audience télévisée plus importante – c’est bien l’ensemble du système olympique qui se trouve à présent dans une impasse.

Les difficultés du CIO à mobiliser les villes pour les Jeux d’hiver au cours des dernières années se sont d’ailleurs manifestées avec éclats et inquiétudes pour l’échéance de 2022 : référendums défavorables de Munich (Allemagne) et Cracovie (Pologne) ; retrait de Lviv (Ukraine) et Oslo (Norvège) ; renoncement de Stockholm (Suède) ; réflexion puis abandon de Barcelone (Espagne).

In fine, la course aux JO 2022 s’était soldée par un duel inattendu et aux antipodes des expériences passées : Almaty (Kazakhstan) face à Pékin (Chine), la victoire finale allant à cette dernière en dépit de réels défis techniques dans une région où l’enneigement est une problématique majeure. Un comble pour des Jeux d’hiver en sursit.

La campagne pour 2026 ne s’annonce guère plus ouverte avec la présence notable de la Suisse et le retour de la Suède, mais avec le retrait déjà effectif de la Province du Québec et certainement des États-Unis, davantage préoccupés par l’obtention des Jeux d’été de 2024.

22 pensées

  1. La ville de Calgary réfléchit sérieusement à être candidate pour 2026 et le Canada n’a pas du tout renoncé. Seule la ville de Québec a jeté l’éponge.

    Pour 2004, elles étaient 11 sur la ligne de depart (Saint-Pétersbourg, Séville, Le Cap, Stockholm, Rio, Athènes, San Juan, Buenos Aires, Lille, Rome, Istanbul).

  2. En dehors du doublement de l’enveloppe du budget COJO destinée a la ville organisatrice. Rien n’a changé avec l’agenda 2020. Celui-ci demande aux villes d’imaginer des solutions plus économes, en accueillant plus de sports, tout en demandant de laisser un héritage métropolitain (synonyme de lourds investissements). Les JO restent une manifestation impossible à organiser pour les métropoles qui ne font pas partie du gratin mondial. Or celles-ci sont pour la plupart dans des pays industrialisés qui souffrent d’une faible croissance et d’un endettement important. Rio ne m ‘a pas fait rêver et je ne suis pas le seul à le penser. Il a montré en quoi les exigences du CIO et une mauvaise gestion des pouvoirs publics peuvent impacter négativement les populations locales. Le gigantisme des enceintes demandé par le CIO est une aberration alors que la billetterie représente une part congrue des recettes de l’évènement face aux droits TV.

    Je travaille dans l’économie d sport et je pourrai bénéficier des Jeux à Paris mais je ne le souhaite en aucun cas pour notre pays. Le projet du Grand Paris est déjà en impasse de financement de 2,5 milliards d’euros et on souhaite ajouter l’organisation d’une expo universelle et des JO. Ces ressources seraient bien plus utiles pour d’autres politiques publiques à mener. (On parle a minima de 1,5 milliards d’investissements publics pour les JO de 2024).

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