Si Salt Lake City (Utah, États-Unis) a les cartes en main pour organiser les Jeux d’hiver dès 2030, la proximité calendaire avec les Jeux d’été de Los Angeles 2028 pourrait la conduire à privilégier l’échéance de 2034. La candidate américaine se montre en tout cas à la disponibilité du Comité International Olympique (CIO).

Une chose est sûre, le modèle olympique a évolué depuis que Salt Lake City a accueilli l’édition 2002 des Jeux d’hiver.
Au niveau du processus des candidatures, la refonte orchestrée en marge de cette même édition marquée par les accusations de corruption fut une première étape, avant que le CIO n’enclenche diverses réformes successives visant à préserver autant que possible l’attractivité de l’événement, tout en tâchant de consacrer une politique plus vertueuse sur le plan économique et environnemental.
Désormais, l’élection de l’hôte des Jeux ne répond plus à une double phase requérance / candidature, mais à une phase de dialogue continu ouverte à tous, puis une phase de dialogue ciblé au cours de laquelle l’institution olympique a l’opportunité de se focaliser sur un échange privilégié avec une ou plusieurs candidatures.
L’attribution des Jeux d’été de 2032 en a été le précurseur, avec plusieurs prétendantes déclarées dans la première phase, puis l’entrée de Brisbane dans un dialogue en face à face avec le CIO.
Offrant moins de suspens et une transparence moindre que le précédent processus, ce nouveau modèle a pour finalité de ne plus considérer l’élection de l’organisateur des Jeux comme une élimination de villes tour après tour de scrutin. Désormais, le CIO veut construire une stratégie gagnante pour toutes les parties, en choisissant dans l’intérêt du territoire et du sien, le bon partenaire au moment opportun.
Aussi, concernant la course aux prochains Jeux d’hiver, il convient d’adopter une vision large de cette future attribution, trois candidates déclarées étant engagées pour, potentiellement, avoir la garantie d’obtenir 2030, 2034, voire même 2038.
Le CIO ne s’interdit rien, le nouveau modèle instauré sous l’impulsion de son Président Thomas Bach lui ouvrant de fait le champ des possibles.

A ce jeu-là, Salt Lake City semble avoir d’ores et déjà compris et maîtrisé les règles établies. Il faut dire que la Ville Hôte des Jeux de 2002 évoque depuis une dizaine d’années maintenant son envie de recevoir à nouveau les anneaux olympiques sur son sol.
Signe de cette volonté inébranlable, le Comité Olympique et Paralympique des États-Unis (USOPC) a sans surprise sélectionné Salt Lake City comme candidate américaine pour une future échéance hivernale dès la fin de l’année 2018. En accordant sa confiance aussi tôt, l’instance américaine a voulu démontrer sa détermination à faire revenir les Jeux d’hiver au “Pays de l’Oncle Sam”, tout en insistant sur le fait que la ville et sa région sont déjà prêtes à relever le challenge, les infrastructures en place étant largement opérationnelles et le soutien populaire et institutionnel affichant des taux d’adhésion au zénith.
Ces derniers mois, Salt Lake City n’a d’ailleurs pas manqué de souligner qu’elle était disponible pour 2030, comme un signal directement adressé aux dirigeants olympiques à Lausanne (Suisse).
Néanmoins, la proximité calendaire avec les Jeux de Los Angeles 2028 qui pourraient générer des revenus de sponsoring à hauteur de 2,5 milliards de dollars – tout comme le programme propre à l’USOPC – est de nature à constituer une faiblesse pour la ville de l’Utah, d’autant plus si l’on considère le fait que les partenaires pourraient davantage être portés sur les Jeux d’été que sur les Jeux d’hiver dans un espace temps aussi réduit.
Présidente de l’USOPC, Susanne Lyons a récemment rappelé cette problématique. Comme elle l’a exprimé avec franchise et lucidité :
Il est réaliste de dire que, compte-tenu de l’inflation actuelle et de la difficulté des marchés commerciaux auxquels nous devons faire face, il est certainement plus compliqué de trouver un financement à la fois pour LA 2028 et pour Salt Lake City 2030.
Dès lors, les partisans de la candidature américaine ont aussi montré la possibilité de concourir pour 2034. Cela repousserait le rêve des Jeux de quelques années, avec certes des aménagements et une mise à niveau des sites sans doute plus conséquents, mais avec à l’arrivée une marge de manœuvre peut-être plus appréciable, notamment sur le plan des finances.
Susanne Lyons n’en fait pas mystère. Ainsi qu’elle l’a affirmé cette semaine à l’issue d’une réunion du Conseil d’administration de l’instance olympique et paralympique américaine :
Nous devons encore en discuter, mais si nous devions avoir une préférence, il vaudrait mieux pour nous viser les Jeux de 2034.
Je pense qu’à Salt Lake City, le Comité de Candidature se rend compte que nous sommes dans une position absolument fantastique pour 2030, mais nous pouvons encore être appelés [par le CIO] pour 2030.

Ce propos vient de fait conforter l’approche prudente adoptée par les porteurs de la candidature américaine, consistant in fine en une opération de séduction en marquant une présence active face à une concurrence internationale solide, avec la prédominance de Sapporo (Japon), elle-aussi ancienne Ville Hôte des Jeux d’hiver (1972).
Une manière comme une autre de rappeler qu’il faut et qu’il faudra compter sur Salt Lake City, sans doute la ville la mieux préparée à ce stade pour accueillir une prochaine édition des Jeux d’hiver. Une manière également d’anticiper un possible déraillement des autres concurrentes actuellement alignées sur l’échéance de 2030 en se positionnant de facto comme un recours utile pour le CIO.
Si Vancouver (Canada) doit encore franchir un certain nombre d’obstacles d’ici décembre 2022 et l’engagement du CIO dans la voie d’un dialogue ciblé, Sapporo de son côté pourrait devoir affronter une fronde populaire désireuse de marquer une franche opposition après l’accueil des Jeux de Tokyo 2020 qui, bien qu’ayant été moins dispendieux que redouté, se sont révélés être bien plus coûteux que les projections initiales.
Pour l’heure, la cité nippone a écarté la possibilité de consulter sa population, préférant en lieu et place se référer aux derniers sondages qui dépassent à peine le seuil crucial des 50% d’opinions favorables (52%). Bien loin des 87% affichés avec fierté par Salt Lake City.