JO 2024 : “Le CIO est atteint par la mégalomanie, le manque de transparence et la corruption”

Depuis sa désignation par le Comité Olympique Allemand (DOSB), le 21 mars dernier, la ville de Hambourg bénéficie de sondages éclatants et d’une réelle dynamique du fait d’un projet olympique intéressant, qui prévoit notamment le réaménagement du quartier portuaire de Kleiner Grasbrook.

Néanmoins, la montée en puissance des opposants à la candidature allemande pour l’organisation des Jeux d’été de 2024 pourrait venir enrayé cette dynamique et perturber ainsi les plans des autorités locales.

Diplômée en Sciences Politiques, Nicole Vrenegor est une membre active du mouvement citoyen NOlympia Hamburg et s’occupe notamment de la gestion de deux sites internet accessibles ici et .

En exclusivité francophone, Nicole Vrenegor a accepté de répondre, en toute franchise, aux questions de “Sport & Société”.

Comité Anti Olympique - Hambourg 2024

– En mars dernier, le DOSB a choisi la ville de Hambourg au détriment de Berlin afin de porter la candidature allemande dans la course à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2024.

Que pensez-vous de ce choix stratégique ?

La tenue des Jeux Olympiques est un fardeau et non un cadeau pour chaque ville. Pour cette raison, je souhaite qu’aucune ville ne parte dans la mauvaise direction, en faisant le premier pas dans la procédure de candidature pour accueillir les Jeux.

Certes, Berlin aurait eu certains avantages. La capitale fédérale possède une meilleure infrastructure, elle a le nombre requis de lits d’hôtels et peut démontrer son expérience dans l’organisation de grands événements sportifs.

Le DOSB a tout simplement eu peur du peuple de Berlin, qui est considéré comme critique et rebelle. L’institution a donc préféré Hambourg, ville riche et calme, car ce choix est apparu comme meilleur pour faire obstacle au référendum.

– Lors de la précédente campagne olympique allemande (Munich 2022), l’opposition fut particulièrement virulente et était parvenue à convaincre la population à l’occasion du référendum de novembre 2013.

En quoi ce mouvement est-il, pour vous, une source d’inspiration aujourd’hui ?

A Munich, les officiels ont assuré que la population était ravie par la candidature et par les Jeux. Au départ, 75% des citoyens approuvaient l’idée. Cependant, plus les jours sont passés, plus les chiffres ont été exposés sur la table et plus l’enthousiasme s’est réduit en conséquence.

Les adversaires olympiques et les opposants à la candidature ont fait un travail d’information très complet : qu’est-ce que cet événement majeur va apporter dans nos vies ? Qui en profite et qui sont les perdants ? Quels sont les effets négatifs sur l’environnement ? Quels sont les risques financiers ? Nous sommes d’ores et déjà en contact avec le mouvement NOlympia Munich et ce, afin de pouvoir bénéficier de leurs connaissances et de leur expérience.

Munich et la Bavière ont montré comment les Jeux peuvent être empêchés et Hambourg peut désormais reprendre ce flambeau.

– Hambourg mise sur les Jeux pour développer et dynamiser le quartier portuaire de Kleiner Grasbrook.

Ne trouvez-vous pas cela judicieux de profiter d’un tel événement, d’une telle vitrine médiatique pour réaménager un quartier central de la ville ? Que proposez-vous pour ce quartier, actuellement site industriel ?

Regardons ce que les Jeux ont été à Barcelone pour tenter de voir ce qu’est le développement d’une ville olympique. Cela sonne bien à la surface, nous utilisons l’événement pour réaliser des projets importants dans la ville. Mais le fait est que ce délai est court et qu’une pression des coûts se fait jour afin que le moment venu, à l’ouverture des Jeux, tout soit achevé coûte que coûte.

Les plans olympiques dépendent toujours d’une planification descendante. Il est clair que Hambourg, ville relativement petite avec 1,8 million d’habitants, n’a pas besoin de 30 arènes olympiques, maintenant ou en 2024. Ici, il n’y a pas de pénurie de logements ou un manque de stade.

Je pense que nous devrions avoir le droit de penser ce que sera l’avenir du quartier.

Les baux actuels courent jusqu’en 2028. La construction des équipements et des logements aura donc pour conséquence une résiliation anticipée des contrats, ce qui sera synonyme de compensation financière élevée pour les entreprises aujourd’hui installées dans le quartier.

En tant que citoyens de cette ville, nous devrions avoir la liberté de considérer calmement l’avenir de Hambourg. Sans le Comité International Olympique (CIO), le Comité d’Organisation et les sponsors qui viendraient ici pour une chasse aux bonnes affaires.

Hambourg 2024 - implantation du Stade Olympique

– Avez-vous une estimation des coûts que peut représenter l’organisation des Jeux à Hambourg ?

La ville avance sur le chemin de la candidature mais de nombreuses inconnues persistent. Le chiffre de 6,5 milliards d’euros est avancé. Comment cela pourrait-il être possible ? Cela reste un mystère.

Hambourg n’a pas de Stade Olympique et l’infrastructure des transports est dans une situation catastrophique. L’aéroport actuel n’est pas prêt non plus pour accueillir la foule de spectateurs et de visiteurs.

Avec le projet de construction du nouvel aéroport de Berlin, nous avons appris que ces méga-projets sont marqués par des marges de conception et une explosion importante des coûts. A Hambourg aussi nous avons un tel exemple, avec le salle de concert, Elbphilharmonie : 789 millions d’euros à notre charge !

Les coûts d’aménagement et de développement de l’île de Kleiner Grasbrook sont immenses. Il s’agit d’un site inexploité par les transports publics et dont les sols sont extrêmement chargés. Les entreprises portuaires résidentes réclameraient 5 à 7 milliards d’euros pour le déménagement de leurs structures et l’implantation sur un site présentant des conditions similaires d’exploitation.

Actuellement, l’île est un terrain urbain. Dans le cadre des Jeux, l’île sera privatisée. Encore une fois, la ville payera le prix fort.

– Quel regard portez-vous sur la récente adoption de la réforme Agenda Olympique 2020 ? Que pensez-vous des mesures inscrites dans ce programme (40 mesures) ?

Le CIO est atteint par la mégalomanie, le manque de transparence et la corruption. La réforme ne révolutionne rien, puisque la structure du CIO n’est pas remise en question.

Or, le CIO est une partie du problème et non une partie de la solution. Si vous regardez les 40 mesures de près, plusieurs éléments partent d’une bonne intention mais n’ont aucun lien avec le fonctionnement de l’institution. Et d’autres relèvent davantage d’institutions démocratiques, comme par exemple le fait que les athlètes ne doivent pas être victimes de discriminations en raison de leur couleur de peau ou de leur préférence sexuelle.

Mais là où précisément le CIO promettait des avancées, comme la divulgation du contrat Ville-Hôte, nous sommes face à une limite : la présentation ne concerne qu’une partie des informations du document et ce, afin de ne pas affecter les intérêts des tiers. Encore une fois, pas de véritable transparence. Comme cela a été mentionné précédemment, la Ville porte le risque financier et organisationnel, tandis que le CIO engrange les bénéfices sur place.

– Aujourd’hui, l’opposition olympique la plus forte se trouve à Boston (États-Unis). La candidature est attaquée par plusieurs mouvements d’opposition et les sondages sont en chute libre depuis quelques mois (51% de citoyens favorables en janvier, 36% seulement en mars).

Avez-vous contacté les groupes d’opposants implantés là-bas pour vous inspirer de leurs actions ou pour imaginer une coordination de vos actions ?

Nous suivons ce qui se passe à Boston et nous nous réjouissons des actions menées par les opposants au cours des derniers mois.

Nous sommes en contact avec certains membres et cela va certainement s’intensifier dans les mois à venir. Et nous formulons une chaleureuse invitation pour un mouvement d’opposition à Paris : Bienvenue !

– Boston, Hambourg, Rome et prochainement Paris. Dans la course à l’organisation des JO 2024, quatre villes semblent aujourd’hui susceptibles de s’aligner d’ici le mois de septembre. Budapest et Istanbul pourraient également rejoindre cette liste.

Selon vous, quelle est la ville qui pourrait obtenir les Jeux en 2017 ?

Il s’agit toujours de pure spéculation pour savoir qui obtient finalement le feu vert.

De nombreuses villes discutent avec le CIO mais nous n’en savons rien. Le soi-disant meilleur candidat n’est pas toujours le vainqueur, si vous regardez la préférence que peut avoir le CIO pour les pays non-démocratiques ou dictatoriaux.

Ma vision serait que le CIO ne puisse accorder les Jeux en 2017, suite à son abolition et son remplacement par une organisation internationale à but non lucratif sous la pression du public. Ce serait mon rêve olympique !

20 pensées

Laisser un commentaire