Paris 2024 : Les Jeux comme tremplin à une métamorphose urbaine

L’organisation des Jeux Olympiques peut-être, si la planification est bien pensée, un tremplin d’envergure pour l’aménagement d’un territoire.

En l’espace de sept ans, une Ville Hôte peut ainsi, avec le concours des autorités nationales et des acteurs du secteur privé, engager de vastes chantiers périphériques à la seule problématique des Jeux.

Vue du Parc Olympique de Montjuïc de Barcelone (Crédits – Services Municipaux de Barcelone)

Barcelone (Espagne) demeure à ce titre un exemple de métamorphose urbaine.

Au sortir de la dictature franquiste, la cité catalane a entrepris une formidable mutation qui a durablement modifié la perception des artères et des quartiers.

Les transports ont été l’un des points-clés du dispositif mis en œuvre par les autorités, avec par exemple les travaux de la Ronda Litoral – le périphérique littoral -, de même que la régénération du front de mer. Nouvellement réconciliée avec sa façade maritime, Barcelone est depuis devenue une destination touristique de premier plan et un centre d’affaires majeur à l’échelle européenne.

Les Maires successifs de la ville ont d’ailleurs reconnu, chacun avec leur sensibilité politique, l’apport de la dynamique olympique pour le développement de Barcelone.

« Les Jeux Olympiques ont été le prétexte à la réalisation de grands travaux espérés depuis très longtemps » déclara d’ailleurs Pasqual Maragall, Maire de Barcelone de 1982 à 1997.

Si la métamorphose de Barcelone a pu apparaître comme un bouleversement global pour le territoire, il s’agissait surtout à l’époque de repenser chaque quartier, notamment autour des pôles olympiques : Vall d’Hebron à l’Ouest, Poble Nou à l’Est, Diagonal et Montjuïc au Sud.

Les divers chantiers engagés ont dès lors fait naître une ville nouvelle.

Vue de l’Attiki Odos, périphérique autoroutier d’Athènes et principal apport des Jeux de 2004 dans le domaine des transports (Crédits – Attiki Odos)

Dans un élan de modernisation urbaine similaire, bien que moins éloquent au premier abord, Athènes (Grèce) a elle-aussi mis à profit l’accueil de l’événement olympique pour remodeler son système de transports et revoir son rapport à la culture.

A l’aube de 2004, la capitale grecque s’est ainsi dotée d’un nouvel aéroport international d’une capacité annuelle de 16 millions de voyageurs pour un investissement de 2,5 milliards d’euros.

L’extension des lignes du métro athénien (1,6 milliard d’euros) ont par ailleurs été actée avec le soutien du Fonds Structurel et de Cohésion de la Communauté Européenne. Les autorités ont également engagé l’aménagement d’un tramway – disparu des rues d’Athènes depuis la première moitié du XXème siècle – pour 350 millions d’euros, de même que le prolongement de la liaison suburbaine entre Athènes et Corinthe pour 640 millions d’euros.

Autre chantier d’envergure pour les transports grecs (1,3 milliard d’euros), l’Attiki Odos a permis de créer un périphérique autoroutier d’une soixantaine de kilomètres autour de la capitale avec là-encore, l’apport déterminant des fonds européens.

Dans le domaine culturel, une accélération du chantier de construction du Musée de l’Acropole a été décidée avant les Jeux et ce, même si l’achèvement de ladite structure n’a in fine été constatée qu’en 2009, soit cinq années après la clôture des festivités olympiques.

Une valorisation des vestiges antiques – avec par exemple un parcours pédestre repensé – avait par ailleurs été engagée en amont des JO.

Visuel de l’implantation du Village Olympique et Paralympique de Paris 2024 (Crédits – Paris 2024 / Populous / Luxigon)

Ces deux illustrations démontrent parfaitement l’élan que peut insuffler l’organisation des Jeux pour un territoire et ce, bien qu’il faille aussi relativiser l’apport de ces derniers à court terme.

Car accueillir les Jeux constitue un défi pour les Villes Hôtes et les retombées ne sont concrètement perceptibles que plusieurs années après la fin de l’événement.

Pour Paris 2024, les retombées économiques envisagées atteignent la bagatelle de 10,7 milliards d’euros à l’échelle de l’Île-de-France selon le Centre de Droit et d’Économie du Sport (CDES) de Limoges.

Néanmoins, il convient avant tout de se focaliser sur les apports urbains des Jeux pour la région-capitale, des apports à la fois fonctionnels et esthétiques pour la population.

De fait, la Ville de Paris a profité de la candidature aux Jeux d’été de 2024 pour imaginer l’avenir de son territoire.

Visuel du projet « Mille Arbres » près de la Porte Maillot ; l’un des lauréats de l’opération « Réinventer Paris » (Crédits – OXO Architectes)

L’opération « Réinventer Paris » (2014-2016) a ainsi établi une liste de 23 chantiers qui pour partie pourraient être achevés avant 2024. Il devrait en être de même pour l’opération « Réinventer Paris 2 » consacrée cette fois-ci aux souterrains de la Ville Lumière.

Parmi les aménagements emblématiques de ces concours internationaux, certains peuvent être des corollaires au projet olympique, à l’image de l’immeuble « Mille Arbres » près de la Porte Maillot, ou des souterrains de l’Esplanade des Invalides qui abritera en surface les épreuves de tir-à-l’arc à l’été 2024.

Visuel des aménagements prévus sur la Place de la Bastille (Crédits – Mairie de Paris)

Indépendamment de cette double opération engagée par la Ville de Paris, la réorganisation de places emblématiques de la capitale constitue un chantier majeur pour les mois et années à venir.

Visant à repenser les déplacements, en accordant une place plus grande aux vélos et aux piétons, ce plan de 30 millions d’euros permettra d’ici 2019 de donner un nouveau visage aux places de la Bastille, d’Italie, de la Madeleine, de Nation, du Panthéon, de Gambetta, et des Fêtes.

Ces dernières rejoindront dès lors la Place de la République dont la métamorphose symbolise aujourd’hui la politique de la ville en matière de déplacements et de loisirs.

Le Parc Rives de Seine, côté rive droite, en avril 2017 (Crédits – Henri Garat / Mairie de Paris)

Cette politique urbaine est d’ailleurs à mettre en parallèle avec les opérations déjà menées sur les Berges de la Seine, avec notamment la création du Parc Rives de Seine.

Elle s’intègre également avec les objectifs du Plan Vélo qui vise à faire de Paris l’une des capitales mondiales du vélo d’ici 2020 avec le doublement des espaces dédiés à la pratique cycliste dans la ville (Rue de Rivoli, etc…) pour un investissement de 150 millions d’euros.

Il convient aussi de souligner l’effort porté sur la pratique sportive dans les quartiers, avec l’opération « Terrains de jeux ». Celle-ci consiste à utiliser des espaces inoccupés ou en friche pour en faire des lieux attractifs consacrés au sport de proximité (installation d’agrès de gymnastique, etc…).

Outre ces actions ciblées, la Ville de Paris veut profiter de la dynamique des Jeux pour accélérer des transformations sur des sites symboliques, qui aujourd’hui souffrent de la densité des déplacements et d’usages réservés (bureaux, activités touristiques, etc…).

Visuel de la Tour Montparnasse reconfigurée (Crédits – Nouvelle AOM / Luxigon)

La refondation du quartier Montparnasse s’inscrit dans cette état d’esprit, avec l’idée de faire de cet espace l’un des poumons d’attractivité de Paris à l’horizon 2024.

Longtemps décriée du fait de son architecture austère, la Tour Montparnasse – et le quartier portant le même nom et qui englobe notamment la Gare Montparnasse – pourrait bien devenir un lieu de vie apprécié des Parisiens au cours des prochaines années.

Pour mener à bien cet ambitieux objectif, l’opération « Demain Montparnasse » a été lancée à la fin de l’année 2015 et a abouti, ce mardi 19 septembre, au choix du cabinet « Nouvelle AOM » pour concevoir la renaissance de la Tour, de ses abords et de ses fonctionnalités.

En concertation avec les Mairies des 6ème, 14ème et 15ème arrondissements, le projet sera intégralement financé par les acteurs de l’Ensemble Immobilier Tour Maine-Montparnasse (EITMM) qui est ni plus ni moins que l’une plus importantes copropriétés tertiaires privées d’Europe, avec 300 copropriétaires et 450 sociétés occupantes.

Au total, le projet hors-taxes s’élève à ce jour à 300 millions d’euros.

Typique de l’architecture des années 1970, la Tour Montparnasse conservera une identité forte mais disposera d’une esthétique plus en adéquation avec les standards du XXIème siècle.

Plus transparente, la Tour sera aussi plus haute de dix-huit mètres avec l’installation d’une serre agricole à son sommet. En contrebas, les quatorze premiers étages de la structure seront élargis pour casser quelque peu les lignes historiques du building.

Les porteurs du projet entendent en tout cas faire de la Tour Montparnasse un exemple d’intégration urbaine, avec une implantation optimale dans un quartier dense de la capitale française, et avec une forte prise en compte des thématiques énergétiques et environnementales chères à la majorité municipale conduite par Anne Hidalgo.

Les fenêtres teintées de la façade seront par exemple réutilisées pour partie à l’intérieur de l’édifice haut de 210 mètres aujourd’hui (parois, mobilier, etc…).

« Le projet de Nouvelle AOM est à l’image de la vision de l’architecture que nous portons : tourné vers l’usage, généreux avec son environnement, exemplaire sur le plan énergétique.

Sa grande délicatesse permettra de réconcilier les Parisiens avec la Tour Montparnasse. Prête pour les Jeux Olympiques, cette Tour sera l’icône du Paris du XXIème siècle et fait déjà notre fierté » a fait savoir Jean-Louis Missika, à l’issue de la désignation du lauréat du projet.

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Deux autres sites parisiens connaîtront une métamorphose plus ou moins complète d’ici à l’échéance 2024.

Cœur historique de Paris, l’Île de la Cité est aujourd’hui un lieu de passage relativement figé dans le temps qui draine chaque année plusieurs millions de touristes sans pour autant être un quartier de vie et d’animation.

Le site devrait dès lors bénéficier d’un plan d’action d’ici 2024 et entre 2024 et 2040 selon la mission réalisée par Philippe Bélaval et Dominique Perrault – ce dernier étant par ailleurs un acteur de la planification du Village Olympique et Paralympique de Paris 2024 – et présentée à l’ancien Président de la République, François Hollande, en décembre 2016.

Comme le précise à cet égard la mission, « la candidature de Paris pour accueillir les Jeux Olympiques de 2024 et celle de la France pour devenir hôte de l’Exposition Universelle de 2025 ont incité la mission à envisager de profiter des dynamiques que causeront, entre 2017 et 2024, la préparation de ces événements pour enclencher les travaux relatifs au nouveau schéma de mobilité de l’île ainsi qu’au renforcement des attraits paysagers et touristiques.

L’accroissement prévisible du nombre de touristes présents à Paris dans le cadre de ces deux manifestations engage l’Île de la Cité à renforcer d’ici à ces échéances l’offre de logements et de services de l’île ».

Un parfait résumé des enjeux et de l’action qui les pouvoirs publics entendent mettre en œuvre pour redonner vie à ce quartier.

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A l’autre bout de la capitale, la Porte Maillot est aussi appelée à se transformer d’ici l’organisation des Jeux et ce, pour une double raison, logistique et pratique.

Axe routier majeur reliant Paris à sa périphérie, via Neuilly, la Porte Maillot est un véritable nœud de communication avec un rond point central positionné face au Palais des Congrès.

Avec les travaux engagés jusqu’en 2022 en surface et 2024 en souterrain, le rond point laissera place à une double voie permettant à la fois l’intégration du tramway T3 qui sera pour l’occasion prolongé et la création de la gare nouvelle Porte Maillot du RER Eole qui assurera la liaison avec le RER C et la ligne 1 du métro.

Les travaux permettront aussi l’instauration d’un espace paysager et des logements au-dessus du périphérique. Ils faciliteront également la desserte des hôtels existants qui auront une importance singulière en 2024.

En effet, deux hôtels quatre étoiles positionnés à l’arrière du Palais des Congrès abriteront les membres de la Famille Olympique et Paralympique.

Disposant d’un total de 2 000 chambres, le Hyatt Regency Paris Étoile et le Méridien Étoile sont d’ores et déjà implantés à proximité des axes de communication stratégiques et permettront donc aux membres du CIO et des Fédérations sportives un accès rapide aux sites des compétitions et des Cérémonies.

L’échéance olympique intéresse par ailleurs d’autres chantiers d’envergure dans le domaine spécifique des transports.

Visuel du futur tram-bus de Paris (Crédits – Mairie de Paris)

Point incontournable de tout projet à l’organisation des Jeux, les transports se sont révélés être l’un des atouts du dossier français dans la course aux JO 2024.

Si des améliorations évidentes doivent encore être réalisées – pour l’accessibilité des personnes à mobilité réduite en particulier – le réseau existant peut se targuer d’être l’un des plus efficaces au monde, du fait de sa densité et de son niveau de dessertes.

Comme le mentionnait ainsi le dossier technique de Paris 2024, les spectateurs ne seront pas à plus de 400 mètres d’une station de métro au moment des Jeux Olympiques et Paralympiques et ce, sans oublier aussi les réseau de bus et de tramway, de même que les propositions en matière de vélos (Vélib’) et de voitures électriques (Autolib’).

Au-delà des infrastructures existantes, les JO 2024 bénéficieront de l’apport de liaisons nouvelles engendrées par l’investissement massif de la Région Île-de-France et par l’aménagement du Grand Paris Expresset du CDG Express – et l’ouverture de gares nouvelles à proximité des sites dédiés aux compétitions. Ces derniers auront également l’apport du futur tram-bus des quais de Seine qui longera la Rive Droite et qui reliera notamment les abords de Bercy et du Grand Palais.

Outre les liaisons intra-muros, Paris 2024 devrait aussi bénéficier de la modernisation entreprise dans les gares franciliennes qui desservent la province et l’Europe du Nord.

Deux installations seront particulièrement concernées : la Gare Montparnasse et la Gare du Nord.

Visuel de la Gare Montparnasse transformée (Crédits – Altarea Cogedim)

Pour la première, les travaux – d’un coût de 150 millions d’euros – devraient s’achever en 2020 et être réalisés en lien avec le chantier du parvis et de la Tour Montparnasse.

Plus lumineuse qu’aujourd’hui, la Gare Montparnasse offrira aussi des prestations et services nouveaux avec l’installation de deux ascenseurs panoramiques, de dix-neuf escalators supplémentaires et l’ouverture d’une centaine de magasins et de kiosques sur une surface de 19 000 m².

Visuel de la Gare du Nord modernisée (Crédits – Wilmotte & Associés)

Pour la seconde, les travaux devraient se dérouler jusqu’en 2023.

L’enjeu est loin d’être négligeable : avec 200 millions de voyageurs par an, la Gare du Nord est la première gare ferroviaire d’Europe et la troisième au monde.

Les travaux visent donc à ouvrir la Gare du Nord sur Paris mais aussi à faciliter les dessertes via la création de plateformes pour les bus et les taxis. Un prolongement des nefs existantes et l’installation d’espaces commerciaux supplémentaires offriront par ailleurs un meilleur confort et une accessibilité accrue pour les liaisons grandes lignes.

Si les diverses opérations auront un coût global inférieur aux estimations du projet initial de l’architecte Jean-Michel Wilmotte (800 millions d’euros), il faudra toutefois compter sur un partenariat public-privé inédit dans ce domaine pour un montant compris entre 250 et 300 millions d’euros.

Visuel des toits du Village des Athlètes (Crédits – Paris 2024)

Avec les chantiers en cours et à venir, Paris se prépare à accueillir le monde en 2024 et à montrer un visage renouvelé de ses quartiers et de ses sites emblématiques.

Il n’est pas anodin dès lors de constater que l’élaboration du projet olympique et paralympique s’est faite en parallèle des plans urbains de la capitale et ce, afin de donner force et cohérence à ces derniers.

En accompagnant ainsi le concept de Paris 2024, la Ville de Paris, la Région Île-de-France et l’État prennent le parti de faire des Jeux un accélérateur de projets et non une unique mais éphémère célébration sportive.

Les exemples barcelonais et londoniens apparaissent ici comme d’évidentes sources d’inspiration pour les concepteurs du projet olympique et paralympique.

Au-delà de Paris, c’est toute la région francilienne qui pourrait d’ailleurs profiter de l’apport des Jeux. Avant même la capitale, le département de la Seine-Saint-Denis devrait en être le principal bénéficiaire du point de vue de l’héritage matériel et immatériel.

A la condition bien sûr que les défis et challenges post-élection du 13 septembre soient pleinement relevés.