Malgré les tensions avec l’Aragon et le silence de la Maire de Barcelone, les autorités catalanes entendent profiter des semaines qui viennent pour avancer leurs pions et élaborer un projet reposant pour partie sur l’héritage des Jeux de 1992 et reprenant aussi certaines idées développées par l’éphémère candidature aux JO 2022.

Le souvenir des Jeux d’été de 1992, avec l’apport de ces derniers pour le développement du territoire à l’échelle européenne et même internationale, encourage aujourd’hui la Generalitat de Catalunya à mettre en œuvre une candidature pour l’organisation des Jeux d’hiver.
Conforté par l’ambition du Comité Olympique Espagnol (COE) qui demeure sur trois échecs aux JO d’été avec les candidatures successives de Madrid pour 2012, 2016 et 2020, ce projet se heurte néanmoins à une opposition, mais aussi à des tensions avec la collectivité aragonaise voisine, soucieuse de préserver ses propres intérêts dans un projet qui lui offrirait une visibilité majeure. Mais plus grave encore, le silence de la Maire de Barcelone a aujourd’hui de quoi interroger.
Ada Colau n’a en effet pas pris position concernant un soutien ou une opposition à l’égard d’une candidature paradoxalement pour partie incarnée par Barcelone. Or, le soutien de la Ville est indispensable aux yeux du COE et du Comité International Olympique (CIO), deux instances qui n’imaginent sans doute pas un refus de la Cité Hôte des JO 1992. Lors du dernier Conseil Municipal, fin janvier 2022, les élus rassemblés sous l’étiquette “Barcelona En Comun” se sont pourtant abstenus au moment où il fut question d’aborder un soutien à la candidature.
Avec cette indécision, Ada Colau semble ici jouer la montre, peut-être pour négocier à son avantage la construction du projet olympique et paralympique. Peut-être aussi pour démontrer à ses rivaux politiques le pouvoir de nuisance dont elle est capable. Dans les deux cas, le COE – qui doit avoir à l’esprit la bataille féroce entre la Maire de Rome et le Comité Olympique Italien (CONI) pour les JO 2024 – va scruter avec attention les prochaines interventions de la Maire de Barcelone, en espérant bien sûr un appui final vis-à-vis de la candidature.
D’ici-là, les porteurs de l’ambition espagnole vont continuer de plancher sur les aspects techniques d’un futur projet pour les Jeux de 2030. Si la place de Barcelone dans le dispositif constitue une évidence, au regard de l’expérience passée et de la richesse des infrastructures héritées de 1992, la question centrale n’est autre que celle de la mobilisation des territoires pyrénéens.

Aussi, le Secrétaire Général de la Vice-Présidence de Catalogne, Ricard Font, a récemment esquisser les contours de ce qui pourrait être la cartographie du projet.
Sans surprise, Barcelone serait sollicitée pour l’accueil des Cérémonies d’ouverture et de clôture au sein du Stade Olympique Luís Companys sur la colline de Montjuïc.
Cette même colline pourrait en outre recevoir les compétitions sur glace, avec notamment la transformation temporaire du Palau Sant Jordi pour le patinage artistique, et la mobilisation probable du nouveau Palau Blaugrana ou du Pabellón Olímpico de Badalona qui, en 1992, fut l’écrin du tournoi olympique de basketball. Le Parc des Expositions de la cité catalane pourrait également être de la partie.
Ce schéma reprend en tout cas certaines idées développées dans le cadre de la précédente tentative barcelonaise.
Pour les JO 2022, les porteurs du projet avaient en effet déjà largement misé sur la colline de Montjuïc et sur les infrastructures de la ville, avec par exemple une enveloppe de 70 millions d’euros projetée pour la mise à niveau du Stade Olympique, et un investissement de 10 millions d’euros prévu pour l’aménagement éphémère d’une patinoire dans l’enceinte du Palau Sant Jordi.
Les compétitions de curling furent par ailleurs envisagées au Palais des Sports de Barcelone, moyennant une modernisation de la structure pour 23 millions d’euros, tandis que la tenue du tournoi féminin de hockey-sur-glace avait été évoquée au Vélodrome d’Horta, après l’installation d’un toit rétractable pour 27 millions d’euros.
Le nouveau Palais Blaugrana avait aussi été avancé, de même qu’un nouvel Anneau de vitesse (40 millions d’euros).
Que ce soit pour 2022, ou désormais pour 2030, l’autre volet du projet olympique et paralympique se fonde sur les Pyrénées pour les compétitions sur neige, avec les stations de La Molina et de Masella pour les épreuves de ski alpin, ou encore Baqueira Beret dans le Val d’Aran pour le freestyle et le snowboard. Le ski de fond et le biathlon seraient quant à eux positionner en Aragon.
Concernant en revanche certaines épreuves, dont l’aménagement de sites peut s’avérer problématique et coûteux au regard de la reconversion à assurer après les Jeux, le projet Pyrénées-Barcelone pourrait être tenté de faire appel à des territoires étrangers et ce, sur le modèle de ce qu’avait proposé la candidature de Stockholm-Åre 2022 (Suède), avec la piste de Sigulda (Lettonie) pour le bobsleigh, la luge et le skeleton.
Dans le cas de la candidature espagnole, et si l’option de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) a été évoquée ces derniers mois, Ricard Font envisage plutôt de s’appuyer sur les Alpes françaises pour la tenue des épreuves de saut à ski, ainsi que des compétitions de bobsleigh, luge et skeleton.
L’héritage des Jeux d’hiver d’Albertville pourrait dès lors être mis en valeur, offrant aussi l’opportunité d’établir un lien historique entre les deux Villes Olympiques de l’année 1992.

Grâce à un savant mélange entre réutilisation de sites sportifs emblématiques de Barcelone 1992 et mobilisation d’équipements disposés dans le massif pyrénéen, entre la Catalogne, l’Aragon, en passant peut-être aussi par Andorre, le projet pourrait in fine nécessiter un investissement de l’ordre de 1,390 milliard d’euros, selon le Secrétaire Général de la Vice-Présidence de Catalogne.
Pour 2022, en considérant des choix de sites qui pourraient aujourd’hui être retoqués, Barcelone avait à l’époque projeté un budget global de 3,2 milliards d’euros.
Les dépenses prévues pour 2030 – focalisées uniquement sur l’aspect sportif – pourraient être contrebalancées par des revenus aujourd’hui estimés à 1,5 milliard d’euros, ce qui laisse entendre que les partisans du projet espagnol tablent sur un bénéfice économique non-négligeable, mais néanmoins hypothétique.
Au-delà du package consacré aux infrastructures sportives, les autorités locales, régionales et nationales devraient également prévoir des dépenses pour le désenclavement territorial, via une adaptation des lignes routières et ferroviaires qui relient Barcelone au massif pyrénéen.
La prochaine réunion de la Commission Technique récemment instaurée pour travailler sur la candidature, et les retours sur expérience des Jeux de Pékin 2022 qui se sont ouverts la semaine passée, pourraient permettre au COE et à ses partenaires institutionnels d’affiner encore davantage les propositions jusqu’à présent développées.
L’étude de la concurrence internationale pourrait aussi impacter la structuration du projet désireux de se démarquer de non pas une mais trois Villes Olympiques une nouvelle fois en lice pour décrocher les précieux anneaux pour des Jeux d’hiver : Sapporo (Japon), hôte en 1972, Salt Lake City (Utah, États-Unis), hôte en 2002, et Vancouver (Canada), hôte des Jeux de 2010.
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