A l’instar du réaménagement envisagé pour les abords de la Tour Eiffel, un autre chantier d’ampleur pourrait être partiellement amorcé dans l’optique des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de Paris 2024. Tel est en tout cas le souhait du Comité Champs-Élysées et de l’architecte Philippe Chiambaretta qui ont dévoilé aujourd’hui le projet de grand parc central de Paris.

Se voulant un approfondissement de la réflexion engagée dès 2018 pour transformer l’Avenue des Champs-Élysées, l’idée de créer – ou plutôt de recréer – un parc en plein cœur de Paris a été présenté en ce début de semaine, après avoir été exposé aux trois candidates qualifiées pour le second tour des élections municipales du 28 juin prochain, Anne Hidalgo, la Maire sortante, Rachida Dati, Maire du 7e arrondissement et Agnès Buzyn, ex-Ministre des Solidarités et de la Santé.
L’objectif du projet est ambitieux à plus d’un titre mais est néanmoins réaliste et va, d’une certaine manière, dans le sens de l’histoire, entre prise en compte des contraintes climatiques et environnementales à l’aune de la crise que le monde traverse, et lien avec la vision passée des Champs-Élysées, des Tuileries et de la Concorde (8e arrondissement).
De fait, la réalisation du projet pourrait offrir à Paris un “poumon vert” de 78 hectares, une superficie moindre que le Bois de Vincennes (995 hectares) et le Bois de Boulogne (846 hectares), mais bien supérieure au Parc de la Villette (55 hectares), au Parc des Buttes-Chaumont (25 hectares) ou encore au Champ-de-Mars (24 hectares).
Pour y parvenir, l’architecte Philippe Chiambaretta et le Comité Champs-Élysées – association rassemblant depuis 1916 les acteurs économiques et culturels de la célèbre artère parisienne – proposent un réaménagement complet des espaces, avec en particulier une refonte des jardins qui bordent l’avenue, des jardins pensés par Le Nôtre au XVIIe siècle, redessinés par Adolphe Alphand au XIXe siècle mais aujourd’hui largement délaissés.
Outre une renaissance de ces espaces verts, le projet repose aussi sur une transformation radicale de la Place de la Concorde, actuellement perçue comme un immense rond-point au milieu duquel trônent l’Obélisque de Louxor, plusieurs statues monumentales et les fontaines de Jacques Ignace Hittorff, architecte concepteur d’une partie des aménagements historiques de l’Avenue des Champs-Élysées et, dans un tout autre domaine, de la Gare du Nord (10e arrondissement).
L’idée du projet est de reconnecter l’ancienne Place Louis XV aux Jardins des Tuileries visités chaque année par 14 millions de personnes. Autrement dit, de recoudre un lien distendu au fil des siècles.
Pour cela, la circulation automobile serait détournée à la périphérie de la place – la plus grande de la capitale avec plus de 8 hectares de superficie – ce qui permettraient aux piétons de sortir en toute tranquillité des Tuileries (30 hectares) et de pouvoir parcourir un miroir d’eau sur la Concorde avant de franchir l’axe routier pour rejoindre les Jardins des Champs-Élysées (28 hectares). Pour agrémenter la nouvelle place, 360 arbres seraient plantés in situ, à l’emplacement des anciens fossés qui délimitaient jadis ce vaste écrin situé face à l’Hôtel de la Marine d’un côté et à l’ensemble architectural comprenant entre autre l’Hôtel de Crillon de l’autre côté.
Plus loin, une piétonisation de l’Avenue Winston Churchill est proposée pour faire émerger l’Esplanade des Arts et assurer ainsi une liaison retrouvée entre le Grand et le Petit Palais, deux monuments-phares hérités de l’Exposition Universelle de 1900. Pour compléter ce schéma urbain, le Pont Alexandre III est également pensé comme un nouvel axe piéton, révélant dès lors dans toute sa majesté la perspective en direction de l’Esplanade des Invalides (15 hectares), partie intégrante du projet de Parc. En amont de l’emblématique ouvrage qui enjambe le fleuve et qui fut lui-aussi conçu pour l’Exposition Universelle de 1900, une couverture complète de la voie rapide du Cours-la-Reine est proposée pour améliorer l’accès vers les berges de Seine situées en contrebas.
Comme le résume Philippe Chiambaretta :
En rassemblant les pièces d’un ensemble disloqué, on créerait un Parc à la hauteur de la légende des Champs-Élysées et fidèle à leur vocation historique. Le programme d’action est simple, économe budgétairement et consensuel politiquement.
Nous pouvons créer cet immense Parc en moins de quatre ans, avec l’horizon des Jeux Olympiques en ligne de mire pour accueillir le monde comme les jardins des Champs-Élysées accueillirent jadis les grandes expositions universelles.

La création de ce parc central de la Ville Lumière – dans l’axe Louvre / La Défense – conduirait indéniablement à un bouleversement des déplacements et des usages.
Si la place accordée aux piétons est importante dans le projet, avec pas moins de 15% d’espaces supplémentaires, ce dernier n’en oublie pas pour autant les voitures et les transports en commun. De fait, le trafic routier – bien que réduit de 73% sur le périmètre envisagé – ne serait pas totalement supprimé, l’Avenue des Champs-Élysées conservant par exemple 2×2 voies, dont une réservée aux véhicules dits “partagés”.
Dans le même temps, les aménagements des Jardins auraient pour double conséquence la suppression des parkings et des aires de livraison implantés derrière le Petit Palais, et la piétonisation de l’Avenue Gabriel.
L’importante connexion au réseau métropolitain (lignes 1, 8, 12, 13) et au réseau express régional du RER A et C serait un atout pour assurer la desserte des nouveaux espaces et la gestion de l’afflux des Parisiens et des touristes, tout comme la connexion directe au Réseau Express destiné aux vélos. Enfin, les agencements pensés près de la Seine avec la couverture et la végétalisation du Cours-la-Reine faciliteraient l’installation de deux lignes de Bus à Haut Niveau de Service, une promesse de la municipalité actuelle en lien avec le projet de Paris 2024 pour relier Paris d’Ouest en Est.
In fine, le projet prévoit un doublement des espaces dédiés aux mobilités douces et même une réduction de 48% de la pollution de l’air dans cette zone de la capitale.
Au-delà de la question – sensible – des transports, la transformation des Jardins et les aménagements prévus jusqu’aux Tuileries seraient l’occasion de ramener davantage de végétal dans la ville et sur un site aujourd’hui marqué par l’empreinte minérale.
Cela passerait par la plantation de 1 100 nouveaux arbres et par la création de lisières et de clairières à l’emplacement des tracés du XIXe siècle. Au total, le Parc des Champs-Élysées se veut la promesse de 25% de nouvelles surfaces perméables et l’assurance d’une baisse de 1,5 degré de la température au sol.
Grâce à la végétalisation des espaces, le Parc des Champs-Élysées tel que proposé par Philippe Chiambaretta, mettrait en valeur le patrimoine bâti et l’offre culturelle existante – outre le Grand et le Petit Palais, le Théâtre du Rond-Point, le Théâtre Marigny ou encore le Musée de l’Orangerie – et serait aussi un point d’ancrage pour l’aménagement de 1 580 m² d’aires de jeux pour enfants et de 2 580 m² d’équipements sportifs.
Pour compléter ces nouveaux terrains de loisirs, le site pourrait par ailleurs disposer de plus d’une vingtaine d’espaces de restauration, avec par exemple l’installation de kiosques modulaires, temporaires et réversibles qui prendraient place le long du parcours piéton.
Même si la vision de ce vaste projet est à horizon 2030, une partie du concept pourrait être opérationnelle dès 2024 pour la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Il faut dire que certains lieux majeurs intégrés au Parc des Champs-Élysées figurent dans les plans du Comité d’Organisation des Jeux (COJO).
L’Avenue est en effet prévue pour accueillir le cyclisme sur route, alors que le Grand Palais – après une rénovation d’ampleur – doit être l’hôte des épreuves olympiques de taekwondo et d’escrime et des compétitions paralympiques d’escrime-fauteuil et de para-judo. L’Esplanade des Invalides est pour sa part programmée pour être le théâtre des épreuves olympiques et paralympiques de tir-à-l’arc. La Place de la Concorde est quant à elle destinée à recevoir les épreuves des sports urbains proposés par Paris 2024 (breakdance, escalade, skateboard) dans un stade temporaire de 35 000 places.

L’intégration du projet de Parc des Champs-Élysées dans le cheminement du projet des Jeux Olympiques et Paralympiques n’est pas sans rappeler la transformation envisagée pour les abords de la Tour Eiffel avec, notamment, une promenade plantée et arborée sur le Pont d’Iéna et une requalification de la Place du Trocadéro.
A plus longue échéance, et comme pour le projet présenté aujourd’hui, le réaménagement des abords de la Dame de Fer aboutirait à horizon 2030 avec une refonte des espaces jusqu’au niveau de l’École Militaire dans la perspective du Champ-de-Mars.
Dans les deux cas, l’un des principaux objectifs visés par les porteurs des projets est de réenchanter des espaces aujourd’hui peu fréquentés par les Parisiens et largement dominés par le tourisme de masse et les excès que ce dernier peut engendrer sur le territoire que ce soit au travers de la pollution automobile et publicitaire ou des trafics divers.

Bien entendu, même si la perspective des Jeux de 2024 est un point d’horizon légitime pour la mise en œuvre de projets urbains et paysagers de cette envergure, deux éléments non-négligeables doivent toutefois être considérés.
D’une part, sur la question budgétaire relative au Parc des Champs-Élysées, la proposition globale soumise par l’architecte Philippe Chiambaretta repose sur un investissement de 55 millions d’euros pour ce qui est des aménagements de la Place de la Concorde et des Jardins. A cette enveloppe estimée, il conviendrait de rajouter 50 millions d’euros supplémentaires pour la construction d’un tunnel pour le Cours-la-Reine recouvert et végétalisé. Or, avec ou sans cet aménagement spécifique, il faudrait convenir de la mobilisation des ressources nécessaires et, le cas échéant, de la répartition des dépenses entre les futurs acteurs du projet.
D’autre part, la présentation formelle du dispositif face aux élus locaux et son éventuelle adoption en Conseil de Paris dépendent évidemment de l’issue du scrutin municipal. A ce stade, la Maire sortante et candidate à sa réélection, Anne Hidalgo, a d’ores et déjà fait savoir que la transformation de ce secteur de Paris constituerait l’un des premiers chantiers de son deuxième mandat au regard de la dimension écologique que le projet incarne.
Pour rappel, Anne Hidalgo et ses listes “Paris En Commun” ; Union de la Gauche sont arrivées en tête du premier tour, le 15 mars dernier, avec 29,33%, devant celle de Rachida Dati (“Engagés pour changer Paris” ; Les Républicains) à 22,72%, et de la candidate “Paris Ensemble” ; La République En Marche, Agnès Buzyn (17,26%).
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