S’estimant lésée par la récente présentation des sites envisagés pour l’accueil des Jeux d’hiver de 2030, la Communauté autonome d’Aragon va soumettre une contre-proposition au Comité Olympique Espagnol (COE) et à la Catalogne. En attendant, la candidature se retrouve une nouvelle fois dans l’impasse.

Mois après mois, le même schéma semble se reproduire de l’autre côté des Pyrénées. Tantôt renforcée, mais rapidement fragilisée, la candidature espagnole pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2030 cherche encore la bonne équation pour satisfaire l’ensemble des parties prenantes à cet ambitieux projet.
Après le dévoilement des contours techniques dudit projet en milieu de semaine, les autorités olympiques espagnoles – certaines d’avoir réussi à adopter la formule adéquate – avaient d’ailleurs misé sur une ratification rapide par les gouvernements régionaux de l’Aragon et de la Catalogne. C’était toutefois sans compter sur l’interventionnisme répétée du Président de la première Communauté autonome citée.
Pour Javier Lambán en effet, le compte n’y est toujours pas, et la répartition telle que proposée par le COE ressemble selon lui à une forme de favoritisme à l’égard de la Catalogne. Un argument qu’il a déjà eu l’occasion d’évoquer au cours des mois passés.
Le Président de la Communauté autonome aragonaise est même allé jusqu’à reprendre une cartographie des sites diffusée dans les médias espagnoles, en pointant du doigt la localisation des sports entre l’Aragon – à savoir le curling à Jaca, le biathlon et le ski de fond à Candanchu, le patinage artistique, le patinage de vitesse et le patinage de vitesse sur piste courte (short-track) à Saragosse – et la Catalogne qui accueillerait notamment le snowboard et le freestyle, ainsi que les épreuves alpines et le hockey-sur-glace.
Comme il l’a exprimé sur ses réseaux sociaux, dès vendredi 1er avril :
Le COE doit respecter le Gouvernement de l’Aragon et la grande majorité de la société aragonaise qui s’estime maltraitée par sa proposition pour les Jeux de 2030.
Le COE doit préciser s’il défend l’Espagne ou seulement la Catalogne.
Pour moi, les Jeux sont importants, mais l’Aragon l’est beaucoup plus.
Javier Lambán a par ailleurs pris la plume pour exprimer sa position, dans un propos moins virulent et plus détaillé.
Dans une lettre de deux pages – où il s’adresse au Président du COE par son prénom – le leader aragonais estime ainsi que toutes les options n’ont pas été étudiées et qu’un accord technique doit, en parallèle du choix des sites, inclure aussi la dénomination de la candidature et l’emplacement des Cérémonies d’ouverture et de clôture. Deux sujets complémentaires de crispation.
Dans les jours qui viennent, une contre-proposition sera dès lors présentée par l’Aragon, à charge ensuite au COE et à la Catalogne d’en accepter les contours.

Conscient de la menace que fait aujourd’hui peser la réaction aragonaise sur la candidature, le COE espère qu’une issue favorable pourra être trouvée sur la base du dialogue qui est l’un des maîtres-mots de l’instance olympique espagnole dans cette périlleuse entreprise.
En attendant, la réunion qui devait initialement enclencher la candidature en direction du Comité International Olympique (CIO) s’est tenue comme convenu au siège du COE en présence des autres parties au projet. Ce vendredi, le Président du COE, Alejandro Blanco, ainsi que le Secrétaire d’État aux Sports, José Manuel Franco, et la Conseillère de la présidence de Catalogne, Laura Vilagrà ont ainsi pu discuter et approuver le projet issu des travaux réalisés par la Commission Technique mise en place en décembre dernier.
Malgré le maintien de cette réunion en l’absence de l’acteur aragonais, le devenir du projet pyrénéen paraît plus incertain que jamais.
Si le risque lié à la consultation populaire prévue d’ici l’été 2022 aurait pu être perçu comme la principale faiblesse du projet, au moment où d’autres candidatures font l’économie d’une telle approche, il est évident que la rivalité exprimée par les deux Communautés autonomes au-delà des seules considérations politiques constitue le plus grand danger.
Les discussions à venir s’annoncent particulièrement délicates, un rééquilibrage au profit de l’Aragon pouvant fort bien ne pas être possible, ne serait-ce qu’au regard de considérations logistiques. Aussi, en cherchant coûte que coûte à s’assurer une meilleure visibilité dans le projet, l’Aragon prend le risque de disqualifier la candidature dans sa globalité.
Le COE – qui a fait d’une candidature par-delà les frontières régionales un véritable leitmotiv – mesure à présent cette perspective, le recentrage éventuel de la candidature sur le seul territoire catalan pouvant également se heurter à des critères logistiques compilés dans les cahiers des charges des Fédérations Internationales des sports d’hiver.

Gardant le souvenir de la réussite des Jeux d’été de Barcelone 1992, le CIO – qui a récemment encouragé le COE à porter une candidature aux Jeux d’hiver plutôt qu’un projet estival autour de Madrid – est, pour sa part, dans une position de spectateur face à la possibilité d’un prochain retrait contraint de la candidature espagnole.
La situation dans laquelle se trouve aujourd’hui cette candidature n’est en tout cas pas de nature à venir perturber les plans des autres prétendantes à l’accueil des JO 2030, en particulier Sapporo (Japon), dont le statut de favorite perdure face à Salt Lake City (Utah, États-Unis), qui ne s’est quant à elle pas encore positionnée clairement entre cette échéance et celle de 2034.
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