JO 2032 : Le Qatar se positionne dans la phase de dialogue avec le CIO

Ville Requérante en vue de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2016, puis de 2020, Doha (Qatar) a toujours été recalée de la course avant même de pouvoir atteindre la phase de candidature établie par les règles du Comité International Olympique (CIO). Aujourd’hui, avec la nouvelle procédure en vigueur, le Qatar espère tirer son épingle du jeu.

Vue de la Corniche de Doha, Qatar, en novembre 2016 (Crédits – Sport & Société)

En janvier 2015, le Cheikh Saoud bin Abdulrahman Al-Thani, alors Secrétaire Général du Comité Olympique du Qatar (QOC) avait affirmé avec détermination et ambition :

La question n’est pas de savoir si le Qatar sera candidat, mais quant le Qatar décidera de présenter une candidature.

Nous n’avons pas encore décidé si nous candidaterons pour les JO 2024, mais il y aura une candidature pour 2024, 2028 ou 2032.

Les échéances 2024 et 2028 ayant d’ores et déjà été attribuées – respectivement à Paris (France) et à Los Angeles (États-Unis) – la prochaine édition des Jeux d’été disponible et à laquelle peut légitimement candidater le Qatar est donc 2032.

Ce lundi 27 juillet 2020, les autorités sportives du pays ont d’ailleurs officialisé leur volonté d’aller de l’avant en s’inscrivant dans la nouvelle phase de dialogue instaurée par le CIO pour palier à la baisse des candidatures au cours des dernières années mais aussi pour susciter une dynamique de la part de villes et de territoires qui n’auraient jusqu’alors pas pu ou voulu franchir le pas d’une candidature olympique et paralympique.

Ainsi, dans un communiqué publié sur son site Internet, le QOC précise qu’il a adressé une demande officielle pour rejoindre ladite phase et prétendre dès lors à l’accueil d’une édition des Jeux dès 2032.

Avec ce propos, le Qatar démontre qu’il ne se limite pas à la première date disponible et qu’il entend de surcroît poursuivre sa stratégie à long terme en distillant autant que possible son argumentaire et ses atouts dans un monde en quête de renouveau et de repaires après la crise sanitaire du Covid-19.

Comme l’a déclaré à cet effet Cheikh Joaan bin Hamad bin Khalifa Al-Thani, Président du QOC :

Jamais auparavant des Jeux Olympiques n’ont eu lieu au Moyen-Orient. Les anneaux olympiques sont un symbole de paix, d’unité et d’espoir pour les peuples du monde entier, y compris les habitants de notre région.

L’annonce d’aujourd’hui marque le début d’un dialogue constructif avec la Commission de Futur Hôte du CIO pour explorer davantage notre intérêt et identifier comment les Jeux Olympiques peuvent soutenir les objectifs de développement à long terme du Qatar.

Vue de la piste d’athlétisme sous l’imposant Aspire Dome de Doha, Qatar (Crédits – Sport & Société)

Pour le Qatar, une candidature aux Jeux revêt une importance singulière, le pays ayant misé depuis plusieurs années maintenant sur l’aménagement de grands équipements sportifs destinés à l’accueil de stages d’athlètes venus du monde entier, d’une part, mais également à la tenue de compétitions internationales, d’autre part.

Le vaste complexe de l’Aspire Zone en est d’ailleurs une vitrine parfaite, avec des infrastructures modernes rassemblées sous un immense dôme pour l’athlétisme, le football, l’escrime, la natation ou encore le basketball et le handball. Des sportifs comme l’athlète américaine Allyson Felix ou les joueurs du club de football du Paris Saint-Germain (PSG) y ont leurs habitudes.

La présence adjacente du Khalifa Stadium et la réalisation d’enceintes sportives multifonctionnelles sont aussi des exemples de la volonté appuyée des autorités qataries d’affirmer la place de leur pays sur l’échiquier sportif mondial, tout comme l’investissement réalisé dans des clubs sportifs, via la puissante Qatar Investment Authority.

Aujourd’hui, en réaffirmant le souhait de présenter un projet olympique et paralympique, le Qatar entend donc franchir un palier supplémentaire et ce, après l’organisation des Championnats du Monde d’Athlétisme en 2019 et l’accueil prochain des meilleures équipes du ballon rond au cœur de stades conçus à cet effet.

Dans le cadre de sa candidature pour les Jeux de 2020, Doha avait mis en avant des arguments-clés, comme le fait que l’organisation des Jeux s’inscrirait dans un projet à horizon 2030 fondé sur l’émancipation des femmes grâce au sport et sur la participation de la jeunesse, 74% de la population du Qatar ayant, à l’époque, moins de 39 ans. La position géographique avait aussi été valorisée avec une présence à 6 heures de vol de 2,5 milliards de personnes.

Au moment du dépôt du dossier de requérance, Doha avait en outre présenté un dispositif basé sur 32 sites pour les compétitions, avec 44% d’infrastructures existantes ou temporaires, et sur l’aménagement d’un Village des Athlètes de 100 hectares au cœur d’un terrain propriété de l’Université du Qatar.

(Crédits – Doha 2020)

Il n’empêche, en dépit d’une qualité des infrastructures sportives, mais aussi hôtelières et dans les transports, avec l’aéroport international Hamad et l’ouverture partielle du métro à Doha, le Qatar souffre d’une image écornée sur plusieurs plans.

Les critiques sont en effet régulières en ce qui concerne le respect des Droits de l’Homme, en particulier lorsqu’il s’agit d’évoquer les conditions de travail des milliers d’ouvriers étrangers mobilisés sur les chantiers du Mondial 2022. Les critiques sont également vives lorsqu’il s’agit de se pencher sur la manière dont les grandes manifestations sportives peuvent décemment se tenir dans un contexte météorologique marqué par des températures caniculaires une bonne partie de l’année, ce qui peut conduire à un désintérêt des spectateurs locaux et surtout étrangers. De surcroît, la tenue d’événements en plein air avec l’utilisation massive de moyens technologiques destinés à rafraîchir les enceintes sportives – à l’image des Mondiaux d’Athlétisme l’an passé – est aussi un point de critiques récurrents pour les défenseurs de l’environnement.

En octobre 2019, en marge de la grand-messe de l’athlétisme mondial, Guy Drut, Champion Olympique du 110 mètres haies en 1976 et membre français du Comité International Olympique (CIO) depuis 1996 avait clairement fait connaître sa position quant à l’éventualité d’une candidature de Doha pour une future échéance olympique.

Comme il l’avait ainsi affirmé :

Franchement, je ne pense pas [qu’il soit raisonnable d’envisager les Jeux ici au Qatar]. Ils devraient se concentrer sur des compétitions indoor.

Vue du parvis du Khalifa International Stadium de Doha, Qatar (Crédits – Doha 2019)

Au-delà de l’image sportive que le Qatar veut véhiculer et des passions que cela peut engendrer, le positionnement des autorités nationales sur divers événements majeurs est destiné à permettre au pays de prendre un ascendant – psychologique et diplomatique – sur les voisins du Moyen-Orient avec lesquels de vives tensions se font régulièrement ressentir, avec un point d’orgue symbolisé par la crise du Golfe en 2017.

Aussi, l’ambition de développer une candidature aux Jeux de 2032 n’est finalement que la suite logique au projet porté par Doha dans la course à l’organisation des Jeux Asiatiques de 2030, une course où la capitale saoudienne est également engagée.

L’élection de la Ville Hôte par le Comité Olympique d’Asie (OCA), programmée en novembre 2020, sera dès lors un marqueur crucial pour la poursuite du projet sportif de Doha.

Un succès face à Riyad pourrait ainsi constituer un indéniable avantage alors que les deux pays cherchent de plus en plus à diversifier leur économie et leur présence internationale jusqu’à présent largement bâties sur d’importantes ressources énergétiques, le gaz pour le Qatar et le pétrole pour l’Arabie Saoudite.

Chantiers urbains à Doha, Qatar, en novembre 2016 (Crédits – Sport & Société)

Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, de nombreux défis se présentent aujourd’hui à Doha dans sa quête de soumettre une candidature aux Jeux et, le cas échéant, d’obtenir l’organisation du plus grand événement de la planète.

Nul doute néanmoins que des garanties devraient être apportées par les partisans d’une candidature aux JO 2032, d’autant plus en sachant que le CIO fait désormais de la durabilité et de l’engagement environnemental un axe prioritaire de sa politique à l’égard des projets présentés et, in fine, désignés.

La nouvelle procédure à l’œuvre au sein du Mouvement Olympique rebat en effet les cartes par rapport aux modalités jusqu’alors en vigueur. Comme les autres candidats déclarés, le Qatar devra dès lors adapter son projet, ses exigences et peut-être son ambition pour se conformer à ce cadre remodelé.

En ouvrant la possibilité d’engager des discussions approfondies avec des villes ou des territoires intéressés par la perspective d’organiser les Jeux, le CIO se place au niveau desdits prétendants, en recherchant des solutions pérennes dans l’intérêt de toutes les parties, tout en mettant en exergue des exemples passés couronnés de succès et en prévenant de possibles aléas en fonction des spécificités locales et des contraintes liées à un événement de la dimension des Jeux d’été.

Au cours des échanges menés, le CIO veille par ailleurs à ce que les projets à l’étude répondent à certains principes mentionnés dans l’Agenda 2020 et dans la Nouvelle Norme, en particulier en ce qui concerne l’utilisation privilégiée de sites existants ou temporaires, de même que la limitation des dépenses relatives à la promotion des candidatures.

Quoiqu’il en soit, avec l’intérêt officialisé par le Qatar cette semaine, la course à l’organisation des JO 2032 – bien que perturbée par les répercussions de la crise du Covid-19 – enregistre un nouveau prétendant et ce, après les déclarations formalisées à des degrés divers par le Queensland (Australie), la Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne), l’Inde, l’Indonésie et, plus récemment, la Turquie, un autre pays candidat à plusieurs reprises et qui rêve, comme le Qatar, d’amener la flamme des Jeux pour la première fois sur le sol du Moyen-Orient.