JO 2024 : Le fond et la forme, enjeux de la bataille entre Los Angeles et Paris

Ce mardi après-midi, à l’occasion de l’Assemblée Générale de l’Association des Fédérations Internationales des Sports Olympiques d’été (ASOIF) organisée dans le cadre de la Convention SportAccord, les deux Villes Candidates ont présenté leur concept auprès des personnalités réunies à Aarhus (Danemark).

Au regard des interventions des uns et des autres, la dernière ligne droite se profile immanquablement pour Los Angeles et Paris.

Vue de la salle de présentation des deux Villes Candidates, ce mardi 04 avril 2017 (Crédits – Sport & Société)

La délégation de Los Angeles – conduite par Eric Garcetti, Maire de la « Cité des Anges », Casey Wasserman, Président de la candidature, Gene Sykes, Directeur Général de celle-ci et Angela Ruggiero, Directrice de la candidature en charge de la stratégie et membre du Comité International Olympique (CIO) pour les États-Unis – est intervenue en première position, conformément au tirage au sort.

D’entrée de jeu, la candidature américaine a posé les bases de sa stratégie de communication : être vif et incisif tout en marquant le concept des Jeux avec humour, le Maire de la ville n’hésitant pas à enfiler une paire de lunettes pour illustrer le partenariat de la candidature avec le réseau Snapchat.

« Il est essentiel que nous établissions ici une distinction entre nos visions car malgré ce que beaucoup pensent, les deux candidatures encore en lice présentent des projets très différents. LA 2024 offre au Mouvement Olympique quelque chose de nouveau, pas quelque chose dans la continuité du passé.

Nous sommes une ville jeune qui n’est pas concentrée uniquement sur les cent dernières années, mais qui se focalise sur les cent prochaines » a d’abord affirmé Eric Garcetti, une référence à peine voilée au centenaire des Jeux de Paris 1924.

Le Maire de la ville a ensuite rappelé l’absence de construction nouvelle du côté américain en matière de sites sportifs et le fait, selon lui, que le projet est non-risqué et par conséquence sans surprise pour le Mouvement Olympique.

Avec 97% de sites existants, Los Angeles 2024 a en effet fondé son projet sur un concept rassemblant quelques uns des équipements emblématiques de la Californie du Sud, à commencer par le Los Angeles Memorial Coliseum, mais aussi le Staples Center.

En plus de ces sites majeurs, la candidature californienne entend réutiliser le campus de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) pour héberger les délégations d’athlètes au moment des Jeux. Une manière d’économiser sur l’achat d’un terrain et l’aménagement d’un site pour bâtir un Village Olympique et Paralympique.

Sur ce point, Gene Sykes s’est là-aussi montré incisif.

« Le Village est un projet colossal. Il faut trouver le foncier, acquérir les terrains.

Pour contourner cela, nous avons fait le choix du site du campus de UCLA.

Réduire le risque est la différence entre succès et frustrations dans l’élaboration d’un projet complexe. C’est pour cette raison que notre Village a tellement de sens, car il enlève un grand risque pour tout le monde » a notamment déclaré le Directeur Général de la candidature américaine.

Ce dernier a aussi abordé la thématique des transports pour tenter de couper-court aux critiques relatives au défi des transports pour une ville telle que Los Angeles.

« Malgré ce que vous pensez des transports à Los Angeles, la plupart des athlètes sera à 30 minutes des sites. Notre plan, c’est votre plan » a lâché Gene Sykes devant l’assistance.

Après une prise de parole d’Angela Ruggiero – qui s’est également exprimé sur les garanties de Los Angeles en ce qui concerne la bonne livraison des Jeux – Casey Wasserman a fait mention du financement du projet américain, sans pour autant apporter d’éléments concrets.

« LA 2024 n’est pas un projet où il y a une interaction du gouvernement, avec tous les risques et l’incertitude que cela implique dans le monde d’aujourd’hui.

Tout comme notre candidature, nos Jeux seront financés par le secteur privé et gérés par le secteur privé, sans ingérence gouvernementale » a affirmé le Président du Comité de Candidature.

Le Maire de Los Angeles, Eric Garcetti, à la tribune, ce mardi 04 avril 2017 (Crédits – Sport & Société)

Une fois la présentation de Los Angeles effectuée, la délégation de Paris conduite par Anne Hidalgo, Tony Estanguet (Président) et Étienne Thobois (Directeur Général) s’est avancée à la tribune.

S’exprimant en anglais, Tony Estanguet – par ailleurs membre du CIO pour la France – a remercié les Fédérations Internationales pour le concours apporté dans l’amélioration et l’évolution du concept tricolore.

« Grâce à ce concept et au fait que nous avons déjà des sites de niveau mondial, nous aurons le temps de nous concentrer sur l’essentiel ; le sport et les épreuves » a fait savoir le triple Champion Olympique de canoë-kayak.

Au cours des derniers mois, les Fédérations Internationales se sont succédées dans la capitale française – à l’exception entre autre de l’athlétisme ou de la natation estimant avoir suffisamment d’éléments en leur possession – ce qui a permis de prendre en considération les remarques des unes et des autres.

Cela avait in fine aboutit à une légère évolution du projet français, avec par exemple l’installation du tournoi olympique de boxe au sein du Court Philippe Chatrier à Roland Garros.

Paris 2024 mise en tous cas sur l’expertise de la ville dans l’organisation des grands événements sportifs, la récurrence de ces derniers, mais également sur ses sites historiques emblématiques qui serviraient, le cas échéant, de toile de fond à une partie des compétitions (Grand Palais pour l’escrime et le taekwondo, Esplanade des Invalides pour le tir-à-l’arc, Parc du Château de Versailles pour l’équitation, etc…).

Pour Anne Hidalgo d’ailleurs, « Paris n’est pas la ville des meilleurs, elle amène les meilleurs », précisant au passage que la « Ville Lumière » demeure la première destination touristique mondiale.

Répondant indirectement à la candidature américaine, la Maire de Paris a en outre abordé la dimension de l’héritage des Jeux.

« L’héritage des Jeux, il se construit dès à présent et pas après les Jeux. L’héritage, c’est maintenant » a ainsi affirmé Anne Hidalgo.

La Première Magistrate a à cet égard mentionné les initiatives dans le domaine éducatif lancées cette année pour inciter les jeunes à faire du sport et pour leur partager avec eux les valeurs du sport et de l’Olympisme.

La Maire de Paris a enfin signalé l’ouverture officielle, ce dimanche 02 avril, du Parc des Rives de Seine où Parisiens et touristes peuvent désormais déambuler et s’adonner à des activités diverses.

La délégation parisienne a terminé son discours par la présentation d’une animation sur écran géant. Cette dernière exposait les raisons qui font de Paris 2024 le meilleur projet, dans la ville idéale et au bon moment.

Anne Hidalgo, Tony Estanguet et Étienne Thobois à la tribune de l’Assemblée Générale de l’ASOIF 2017 (Crédits – Sport & Société)

Si les deux Villes Candidates ont rappelé leurs fondamentaux respectifs, elles ont aussi engagé la bataille finale en décochant chacune à l’adresse de l’autre, quelques flèches à peine masquées.

Un changement de ton et d’attitude qui démontre pleinement l’enclenchement de l’ultime phase du processus de candidature.

Aujourd’hui à Aarhus, Los Angeles 2024 a fait preuve de solidité sur son intervention voire même d’un certain professionnalisme sur la forme, là où Paris 2024 a par moment pu être déstabilisée par le propos de sa rivale.

Los Angeles avait pris soin de projeter des visuels simples mais efficaces avec un rappel au code couleurs utilisé par la candidature américaine (déclinaison d’orange, de rose et de violet). A l’inverse, Paris s’est contentée de projections à l’impact visuel moins percutant et saisissant.

Dans le même temps néanmoins, Paris a insisté sur la dimension de l’héritage olympique – une véritable force pour elle et le département de la Seine-Saint-Denis – tandis que Los Angeles a multiplié les références technologiques et hollywoodiennes, des références peut-être quelque peu éloignées des attentes des Fédérations Internationales et du CIO.

Au moment de la courte séquence qui s’est déroulé après chaque présentation, Los Angeles a dû affronter trois interrogations, alors que Paris s’est pliée à un seul questionnement. Certains y verront sans doute un signe.

Pour espérer emporter la mise des Jeux de 2024, le 13 septembre, les deux Villes Candidates vont certainement approfondir leurs propres forces d’ici le prochain grand rendez-vous, à Lausanne (Suisse) les 11 et 12 juillet.

Pour Los Angeles, des précisions mériteraient sans doute d’être apportées en ce qui concerne le modèle de financement des Jeux et la problématique des transports qui au-delà des promesses ne masquent pas une réelle faiblesse.

Pour Paris, une amélioration de la forme devra être engagée, avec en particulier un travail plus poussé en ce qui concerne les documents visuels présentés à l’assistance.

(Crédits – SportAccord Convention)

Au-delà des présentations officielles toutefois, les Villes Candidates vont devoir convaincre en dehors des salons et salles de conférence.

Les discussions dans les couloirs sont ainsi la meilleure manière d’avoir une approche personnalisée et un discours ciblé pour chacun.

Présents à Aarhus pour plusieurs jours cette semaine, Eric Garcetti et Anne Hidalgo – sans oublier bien sûr chacune des délégations – ont d’ores et déjà multiplié les rencontres en tête-à-tête avec les membres électeurs du CIO.

13 pensées

  1. Miser sur la modernité et la technologie c’est bien beau, mais dans 7 ans, l’évolution technologique fera en sorte que les concepts présentés aujourd’hui seront totalement désuets…Ce qui peut amener inconsciemment des interrogations dans la tête des votants et une forme d’incertitude concernant Los Angeles.

    De plus, Hollywood a son charme mais quel intérêt pour les membres du CIO?

    Je pense que le CIO est davantage préoccupé actuellement par le fond que par la forme. Et en ce domaine, Paris a une bonne longueur d’avance avec une très large experience en matière d’organisation de competitions et de sites existants et approuvés par les fédérations internationales. Je crois que le travail effectué auprès de ces fédérations sera très payant le 13 septembre.

    Kevin, pouvez-vous nous dire sur quel sujet a porté la question que Paris a eu? Et celles de Los Angeles en contrepartie?

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