Réunie à Lausanne (Suisse), la Commission Exécutive du Comité International Olympique (CIO) a formulé aujourd’hui des recommandations aux Fédérations Internationales et aux organisateurs d’événements sportifs concernant la participation d’athlètes russes et biélorusses, exception faite des Jeux d’été de Paris 2024 pour lesquels l’institution souhaite encore se laisser du temps avant de prendre une décision.

En décembre dernier, le 11ème Sommet Olympique avait entrouvert la porte à un retour des athlètes russes et biélorusses sur la scène sportive mondiale, tout en confiant au CIO le soin d’examiner une telle éventualité alors que le conflit en Ukraine perdure.
Aussi, l’institution de Lausanne a pris le temps d’établir une phase de consultations afin de sonder les parties prenantes au Mouvement Olympique, qu’ils s’agissent des membres du CIO bien sûr et des Comités Nationaux Olympiques (CNO), mais également des Fédérations Internationales (FI), et des représentants des athlètes.
A l’issue de cette phase ayant duré quatre mois, la Commission Exécutive du CIO a tout d’abord rappelé, ce mardi 28 mars, les sanctions infligées à l’égard des gouvernements russes et biélorusses, et réitéré de surcroît le soutien apporté à l’Ukraine, avant de réaffirmer le refus de toute ingérence politique dans les décisions prises ou à venir des organisations sportives.
A ce titre, la Commission Exécutive a souligné avec lucidité, et comme pour replacer le rôle et les responsabilités de chacun face à la situation présente, que :
Les Jeux Olympiques ne [peuvent] empêcher les guerres ni les conflits. Ils ne peuvent pas non plus résoudre tous les problèmes politiques et sociaux de notre monde. Cela relève du domaine de la politique.
En revanche, les Jeux peuvent donner l’exemple d’un monde où chacun se plie aux mêmes règles et se respecte mutuellement. Ils nous encouragent à résoudre les problèmes qui surviennent en jetant des ponts entre les peuples pour les amener à mieux se comprendre. Ils peuvent ouvrir la voie au dialogue et à la construction de la paix, ce que ne permettent ni l’exclusion ni la division.
Sur ce fondement – et dans un habile numéro d’équilibriste – le CIO a formulé ce jour des recommandations à l’égard des Fédérations et des organisateurs de manifestations sportives tenant en six points énoncés de manière ferme, en distinguant les athlètes à titre individuel ou en équipes, ainsi que l’engagement ou non dans la guerre en Ukraine.
Ainsi, et tel qu’exposé littéralement dans le communiqué de presse publié en milieu d’après-midi, la Commission Exécutive recommande que :
- Les athlètes possédant un passeport russe ou biélorusse ne peuvent concourir qu’en tant qu’athlètes individuels neutres.
- La participation d’équipes dont les athlètes sont munis d’un passeport russe ou biélorusse ne peut être envisagée.
- Les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne peuvent pas concourir. Le personnel d’encadrement qui soutient activement la guerre ne peut pas être inscrit aux compétitions.
- Les athlètes qui sont sous contrat avec l’armée russe ou biélorusse ou avec des agences de sécurité nationales ne peuvent pas concourir. Le personnel d’encadrement qui est sous contrat avec l’armée russe ou biélorusse ou avec des agences de sécurité nationales ne peut pas être inscrit aux compétitions.
- Tous les athlètes individuels neutres, à l’instar des autres concurrents en lice, doivent satisfaire à toutes les exigences en matière de lutte contre le dopage qui leur sont applicables et, plus particulièrement, à celles énoncées dans les règles antidopage des Fédérations Internationales.
- Les sanctions prises à l’encontre de ceux qui sont responsables de la guerre – les États et gouvernement russes et biélorusses – doivent rester en place :
- Aucune manifestation sportive internationale ne doit être organisée ni soutenue par une FI ou un CNO en Russie ou en Biélorussie.
- Aucun drapeau, aucun hymne, aucune couleur ni aucune autre identification de quelque nature que ce soit de ces pays ne doivent être présents lors de rencontres ou de manifestations sportives, y compris sur le site même de ces événements.
- Aucun(e) représentant(e) des gouvernements ou des États russes et biélorusses ne peut être invité(e) ni accrédité(e) à une rencontre ou une manifestation sportive internationale.

Avec cette série de recommandations, le CIO entend être à la manœuvre pour coordonner une réponse conjointe du monde sportif.
Certes, il ne s’agit là que de recommandations, mais les FI devraient massivement suivre le positionnement de l’institution olympique, en particulier celles qui ne peuvent raisonnablement se permettre de froisser le CIO et la manne financière que ce dernier redistribue aux parties prenantes du Mouvement olympique.
En outre, en dissociant les recommandations d’aujourd’hui et la prise de position formelle à venir concernant les Jeux de Paris 2024, le CIO semble désireux de préparer les FI et l’ensemble des composantes du Mouvement olympique à une probable réintégration – certes conditionnée et limitée – des athlètes russes et biélorusses sur la scène des Jeux.
Cette dissociation va également permettre à l’institution de jauger les réactions des uns et des autres, en prenant bien soin de recueillir l’avis des parties sportives, tout en regardant les positions politiques comme cela est d’ores et déjà le cas.
Sur ce point précis, les CNO hostiles à une réintégration des athlètes russes et biélorusses manquent sans nul doute de mastodontes à leurs côtés pour appuyer et faire davantage pression sur le CIO sans forcément porter la menace d’un boycott au travers duquel personne ne sortirait vainqueur.
Or, bien que le CIO place théoriquement chacun des CNO sur un même niveau de considération, le poids de ces derniers diffère évidemment du fait de l’importance sur la scène sportive – notamment en ce qui concerne la présence massive ou non d’une délégation aux Jeux – et de la capacité financière qui peut permettre, le cas échéant, de prendre plus ou moins de distances avec la ligne du CIO.
Surtout, des CNO liés par l’organisation prochaine de Jeux ou même candidats à de futures échéances n’ont aujourd’hui guère intérêt à se positionner à l’encontre de l’institution de Lausanne qui, le moment venu, aura le dernier mot, les Jeux restant son événement-phare et une vitrine planétaire que peu de sportifs ou de Fédérations peuvent ou veulent négliger.

Désormais, le CIO va pouvoir s’accorder un temps supplémentaire avant de faire connaître sa position quant à la participation d’athlètes russes et biélorusses aux Jeux Olympiques de Paris 2024.
Une réunion de la Commission Exécutive devra en tout cas entériner cette position, de même que la Session du CIO dont la prochaine grand-messe est programmée à Bombay (Inde) du 15 au 17 octobre 2023, sauf à envisager d’ici-là une Session extraordinaire.
Le CIO démontre quoiqu’il en soit qu’il reste maître des horloges olympiques – avec une influence majeure voire capitale sur les horloges sportives dans leur globalité – comme il a d’ailleurs su le faire au moment de régler la question du report des Jeux de Tokyo 2020 pour cause de pandémie mondiale.
A la manœuvre toujours, Thomas Bach affirme et réaffirme quant à lui une autorité qu’il a su poser depuis son élection en septembre 2013 et qui lui a indéniablement permis de traverser les tempêtes que l’institution a dû affronter ces dernières années, entre crise autour du dopage russe, crise sanitaire liée au Covid-19, et aujourd’hui le conflit ukrainien et ses répercussions planétaires.
L’an passé, en mars 2022, Thomas Bach n’avait pas manqué de souligner la gravité de la situation dans une lettre dont chaque mot avait été pesé. Dans cette missive adressée aux acteurs du Mouvement olympique, le Président du CIO avait notamment affirmé :
[La guerre en Ukraine] marque un tournant dans l’histoire de l’humanité et crée également des défis sans précédent pour notre Mouvement Olympique. Nous espérons sincèrement que ces obstacles pourront être surmontés le plus rapidement possible et que la paix pourra être rétablie.