En dévoilant ce mardi des emblèmes novateurs sur la forme avec en plus un double message de créativité et de diversité sur le fond, le Comité d’Organisation de Los Angeles 2028 a confirmé qu’il entendait faire de l’Olympiade californienne, l’incarnation des Jeux d’une nouvelle ère.

Lorsque Los Angeles a remplacé Boston comme Ville Candidate proposée par le Comité Olympique des États-Unis (USOC) – devenu depuis Comité Olympique et Paralympique (USOPC) – dans la course aux Jeux d’été de 2024, les observateurs ont convenu que la “Cité des Anges” serait une redoutable concurrente.
Il faut dire que LA avait, avant même la désignation officielle survenue en septembre 2017, une riche expérience et ce, après avoir accueilli sur son sol les Jeux en 1932 et surtout en 1984, période où le Mouvement Olympique se trouvait bien malgré lui pris en étau entre le Bloc de l’Ouest et le Bloc de l’Est dans le contexte de la Guerre Froide. A ce moment-là, Los Angeles se révèle être un partenaire idéal en écrivant, déjà, une nouvelle étape dans l’histoire des anneaux olympiques.
A l’époque, l’accueil des Jeux se traduit en effet par l’apport de bénéfices à hauteur de 232,5 millions de dollars pour les organisateurs. Une première historique. Les deux échéances olympiques qui se dérouleront par la suite au “Pays de l’Oncle Sam” seront elles-aussi bénéficiaires, bien que dans des proportions moindres, à Atlanta en 1996 (10 millions de dollars) et à Salt Lake City en 2002 (56 millions de dollars).

Pour espérer réitérer cette performance que bien des Villes Hôtes souhaiteraient établir, Los Angeles 2024 a donc développé dès 2015 un projet fondé sur l’utilisation d’une écrasante majorité de sites existants ou temporaires (97%), les seuls aménagements nécessaires devant être portés exclusivement par des investisseurs privés.
Deux sites illustrent pleinement cette conception de Jeux répondant à la fois à la volonté des artisans du projet de faire appel à des investisseurs privés lorsque cela est utile, mais également aux nouvelles exigences olympiques compilées dans l’Agenda 2020 du Mouvement Olympique.
Pour le Village des Athlètes, LA 2024 a ainsi fait le choix d’une utilisation éphémère du campus universitaire de UCLA plutôt que de bâtir un site à au moins un milliard de dollars comme cela fut initialement envisagé. Des travaux de rénovation seront néanmoins menés pour permettre aux athlètes de loger dans le campus le temps des compétitions et des frais de location devront être engagés par le Comité d’Organisation des Jeux.
Pour le Stade Olympique, la candidature californienne a profité de la volonté du propriétaire de la franchise de football américain des Rams de construire un nouveau stade pour intégrer le futur équipement au concept olympique et paralympique.

Le suivi des travaux du SoFi Stadium – désormais achevés en cet été 2020 – a d’ailleurs d’ores et déjà permis d’entrevoir ce que pourrait être la célébration autour des Cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux dans moins de huit ans.
Disposant d’une capacité maximale de 100 000 places, l’écrin semi-enterré est un concentré de technologies au service de la fan experience. L’écran géant circulaire au-dessus du terrain sportif en est une illustration parfaite : 6 500 m², 900 tonnes, 260 hauts-parleurs et une résolution de 80 millions de pixels pour une qualité visuelle en 4K. Du jamais vu pour un tel équipement.
L’expérience des visiteurs sera en outre décuplée par le vaste parvis donnant accès à des jardins en terrasses au sein desquels ont été plantés des palmiers et d’autres végétaux pour créer une impression de grande serre au sein de laquelle plusieurs salons et espaces de détente et de restauration ont été installés. A l’extérieur, un double bassin permet de récupérer et de filtrer les eaux pluviales. A terme, il deviendra le cœur battant de Hollywood Park, le SoFi Stadium étant finalement l’une des pierres d’un édifice bien plus vaste à près de 5 milliards de dollars, qui comprendra notamment des hôtels, des immeubles résidentiels et de bureaux, des restaurants, un centre commercial et une aréna multifonctionnelle de 6 000 places.
Bien sûr, un tel site n’aurait sans doute pas été envisageable sans un financement intégralement privé, en l’occurrence à l’initiative de Stan Kroenke.
Dans la perspective des Jeux, LA 2024 a su saisir l’opportunité offerte par l’aménagement du SoFi Stadium à Inglewood, en proche périphérie de Los Angeles. Concrètement, et pour la première fois de l’histoire olympique, les Cérémonies d’ouverture et de clôture auront lieu simultanément au Los Angeles Memorial Coliseum – enceinte des JO 1932 et 1984 – et au SoFi Stadium. Le début des festivités se déroulera ainsi dans le premier stade, alors qu’au même moment des milliers de spectateurs rassemblés à Inglewood pourront suivre l’événement grâce à la réalité virtuelle. Un défilé dans les rues de Los Angeles permettra ensuite de rejoindre progressivement le SoFi Stadium où la fin des festivités sera enclenchée.
En 2017, Gene Sykes, figure incontournable du Comité de Candidature en sa qualité de Directeur Général, avait précisé la portée de cette initiative sans équivalent qui pourra mobiliser jusqu’à 170 000 spectateurs. Comme il l’avait affirmé :
L’organisation de Cérémonies olympiques à travers deux stades emblématiques n’a jamais été faite par le passé. Mais la richesse des stades et la technologie de Los Angeles nous permettront de penser ‘What’s next’ plutôt que de nous demander simplement ce qui a été fait avant. La Cérémonie d’ouverture attirera plus de personnes à Los Angeles que n’importe quelle autre Cérémonie d’ouverture dans l’histoire.
LA 2024 [2028 dès le 1er août 2017] déclenchera alors une célébration du sport qui, à notre avis, sera un énorme bénéfice pour la marque olympique.

L’innovation du concept des Jeux de Los Angeles se constate en outre dans le domaine des transports, avec la mise en route progressive de lignes de bus électriques dans le Comté de Los Angeles, mais plus encore, l’aménagement de navettes automatiques suspendues pour rejoindre l’aéroport international LAX et peut-être aussi pour desservir les abords du SoFi Stadium.
Des initiatives privées sont aussi en projet dans la dynamique apportée par les Jeux.
Au cours des dernières années, l’idée d’un téléphérique pour atteindre le Dodger Stadium – probable site de baseball et softball en cas d’intégration de ces sports parmi les propositions additionnelles de LA 2028 – a notamment émergé, tout comme l’ingénieux système de tunnels “Dugout Loop” imaginé par Elon Musk avec des navettes autonomes pour assurer le transport des spectateurs à une vitesse pouvant atteindre 240 km/h.
Au-delà des infrastructures, et afin de compléter sa stratégie de Jeux tournés vers le futur, la candidature de LA 2024 a peu à peu déployé une communication parfaitement ciselée, destinée à marquer les esprits, et s’est par ailleurs montrée en capacité de s’adapter lorsque les circonstances l’ont exigé.
De fait, dès le mois de février 2016, au moment du dévoilement de son logo de Ville Candidate, Los Angeles surprend son monde par le choix du lieu de présentation d’abord – un building avec en arrière plan la ville et le coucher de soleil – et par la symbolique entourant ledit logo ensuite. Porteur d’un message de liberté, et accompagné d’un slogan en phase avec son temps (“Follow The Sun”), ce logo se révèle dans un mélange de couleurs vives (violet et orange) bien loin des couleurs olympiques désormais cantonnées aux anneaux surplombés par la dénomination officielle (Los Angeles, Candidate City, Olympic Games 2024).
Face à Los Angeles, Rome, Budapest et Paris restent dans une posture relativement traditionnelle, tant au niveau de la représentation imagée d’un monument-emblème de la ville (le Colisée pour la première, la Statue de la Liberté pour la seconde et la Tour Eiffel pour la troisième), que par le choix de couleurs classiques et finalement sans saveur particulière (les couleurs du drapeau italien pour Rome et celles des anneaux olympiques pour Budapest et Paris).

Aujourd’hui, la révélation des emblèmes des Jeux de 2028 montre à nouveau un certain décalage entre ce qui se faisait jusqu’à présent et ce que projette Los Angeles, donnant le sentiment d’un réel bon dans la modernité.
Si Paris 2024 a souhaité établir – chose unique à ce jour – un emblème unique pour les Jeux Olympiques et les Jeux Paralympiques, avec un design sobre et une triple évocation de la médaille d’or, de la flamme, et de Marianne, LA 2028 se distingue pour sa part par sa modernité et sa fraîcheur.
Plutôt que de faire le choix d’un symbole figé comme cela fut le cas pour toutes les Villes Hôtes jusqu’à présent, LA 2028 a en effet sollicité des dizaines de personnalités américaines – des sportifs, des designers, des célébrités du show-business, etc – dans un esprit de coconstruction, à l’image de ce qui fut réalisé durant toute la phase de candidature. Le résultat est à la fois simple et complexe, classique et novateur, avec une vingtaine de combinaisons dynamiques possibles grâce à la lettre A interchangeable à l’infini au gré des interprétations que l’on peut en faire.
De quoi donner lieu à moult formes d’ici le 21 juillet 2028, date d’ouverture des Jeux.
La réalisation de ces emblèmes, conçus à l’heure du numérique, peut être considérée comme une prise de risque. Une prise de risque déjà payante.
Durant la phase de candidature, Los Angeles s’était d’ailleurs illustrée par ce désir profond de casser les codes et de repousser toujours plus loin les limites, en utilisant à souhait la technologie et les partenariats noués avant et pendant la promotion du projet.
A Aarhus (Danemark) en avril 2017, le Maire de Los Angeles n’avait pas hésité à prendre la parole avec des lunettes conçues en coopération avec Snapchat, de la même manière qu’il n’avait pas hésité à chausser des baskets Nike avec un costume pour la présentation finale devant les membres du Comité International Olympique (CIO) réunis à Lima (Pérou) en septembre de la même année.
Entre temps, la candidature de Los Angeles avait aussi marqué les esprits à Lausanne en marge de la Session extraordinaire du CIO qui avait acté le principe de double attribution des Jeux de 2024 et de 2028 à l’issue d’une subtile négociation entre les trois parties en présence (CIO / Paris / Los Angeles).
Le stand alors mis en place par les équipes de LA fut en effet aménagé autour de trois structures-clés : une carte interactive disposée sur un immense plateau lumineux pour parcourir les sites du dispositif olympique et paralympique ; des casques de réalité virtuelle pour visiter le campus de UCLA comme les athlètes et pour s’essayer à la pratique du tir-à-l’arc ; et un kiosque à friandises Made in USA.
A l’opposé, Paris 2024 avait installé un stand façonné comme l’intérieur d’un appartement typiquement haussmannien, avec de grands murs blancs et une scénographie autour de sites iconiques de la “Ville Lumière” et de souvenirs d’exploits sportifs, avec par exemple l’exposition du maillot de Guy Drut, médaillé d’or du 110 mètres haies aux Jeux de Montréal 1976.
Dans les deux cas, l’expérience fut réussie et en adéquation avec la vision des projets développés par les deux Villes Candidates, mais Los Angeles se distingua par une implacable valeur ajoutée.
Aujourd’hui, cette valeur ajoutée se retrouve sur le site Internet de LA 2028 avec la diffusion de témoignages des athlètes et des personnalités qui ont conjointement conçus les emblèmes des Jeux. Mais c’est avant tout dans la boutique en ligne éditée par le Comité d’Organisation en lien avec l’USOPC que cette plus-value se remarque.
LA 2028 propose de fait des goodies aux couleurs des Jeux de 2028 avec les emblèmes fraîchement dévoilés. Des pin’s, des stickers, mais aussi et surtout des casquettes, des t-shirts, des sweats à capuche siglés Nike avec des déclinaisons des emblèmes sont proposés à la vente avec des prix compris entre 5,99 dollars et 179,99 dollars.
A un peu moins de huit ans des Jeux, la stratégie marketing opère déjà.
Signe de l’importance accordée par le Comité d’Organisation à l’attractivité du projet et aux revenus qui pourraient en découler, une autorité commune de gestion des droits a été instaurée entre LA 2028 et l’USOPC avec l’objectif affiché de collecter jusqu’à 5 milliards de dollars, soit la moitié pour la première instance et la moitié pour la seconde.
Le contexte actuel lié à l’épidémie de Covid-19 pourrait impacter à court terme une telle entreprise, mais la vision des parties engagées dans le projet olympique et paralympique pourrait bien aboutir à l’installation d’un nouvel équilibre.
Déjà au moment où le CIO engagea les discussions avec Paris et Los Angeles concernant la double attribution des Jeux de 2024 et de 2028, la “Cité des Anges” avait su faire preuve de stratégie gagnante et d’une vision à long terme dans l’intérêt du territoire et de sa population. Dans l’intérêt de ses finances aussi.
Concrètement, alors que Paris fit le choix de candidater uniquement pour l’échéance 2024 avec la célébration du centenaire des derniers Jeux parisiens en ligne de mire, LA fit le choix audacieux de cibler 2028 avec, à la clé, un apport olympique de 160 millions de dollars pour des actions en faveur de la jeunesse de Los Angeles et une contribution du CIO revue à la hausse par rapport aux éditions passées.
Interviewé par “Sport & Société” au lendemain de l’accord de principe avec l’institution olympique, Casey Wasserman, Président du Comité de Candidature, n’avait pas manqué de souligner la portée d’un engagement aux arguments imparables. Comme il l’avait ainsi exposé :
Cet accord avec le CIO nous permet de livrer un héritage avant même que ne commencent les Jeux. Il met notre ville en mesure de financer des programmes sportifs pour la jeunesse et d’apporter une aide à chacune des communautés de Los Angeles, pas dans onze ans, mais au cours des années qui mèneront aux Jeux.
En rendant le sport plus abordable et plus accessible pour les jeunes que jamais auparavant, nous allons faire un pas important vers notre objectif de convertir Los Angeles en la ville la plus saine et la plus en forme d’Amérique.

Parce que Paris et Los Angeles ont un temps participé à la même course, le parallèle peut aisément se faire entre la vision donnée aux deux projets.
Bien que la “Ville Lumière” dispose d’indéniables atouts – la mobilisation de monuments historiques de renommée mondiale, la compacité du projet, une réelle ambition environnementale et urbaine attendue avec la construction du Village des Athlètes en Seine-Saint-Denis – la célébration des Jeux de 2024 s’annonce comme une continuité dans le schéma traditionnel des Jeux.
Cela peut bien entendu être perçu comme un gage de sécurité pour les organisateurs et pour le CIO – d’autant plus dans le contexte actuel – mais l’approche française des Jeux manque malgré tout d’une certaine audace, sans doute pour partie en raison des freins posés par la puissance publique avec en outre une administration dont la lourdeur peut in fine conduire à un ralentissement de projets innovants.
Des initiatives – aux contours parfois flous – sont toutefois proposées par Paris 2024 pour créer une envie des Jeux au sein de la population et pour accroître progressivement la participation de cette dernière. Au cours des trois dernières années, cela s’est traduit par la mise en œuvre du Label Terre de Jeux à destination des Collectivités Territoriales, mais également par le lancement récent du Club Paris 2024 et par l’engagement du Comité d’Organisation de permettre une participation du public en marge du marathon des Jeux.
A l’inverse, la “Cité des Anges” incarne dès aujourd’hui et plus que jamais la recherche constante d’innovations destinées à repenser les Jeux et à concevoir un nouveau modèle résolument tourné vers l’avenir, les nouvelles technologies et la jeunesse. La communication visuelle, le marketing, la célébration sont autant d’arguments que LA 2024 devenu LA 2028 a su imposer comme modèles du genre.
En octobre 2017, soit un mois après la désignation de Los Angeles comme Ville Hôte des Jeux, Gene Sykes avait d’ailleurs résumé pour “Sport & Société” l’état d’esprit des porteurs du projet :
Puisque notre plan pour les Jeux ne nécessite aucune nouvelle construction de site permanent, nous avons – ce qui est sans précédent – 11 ans devant nous pour nous concentrer sur la manière de révolutionner l’expérience des Jeux pour chaque athlète, chaque spectateur et chaque habitant de Los Angeles.
Nous avons 11 années pour concentrer sur l’héritage pour notre ville, non seulement en ce qui concerne l’après 2028, mais aussi en ce qui concerne les années qui précédent la tenue des Jeux.
Aussi, à l’heure où les incertitudes sont nombreuses en raison de la crise sanitaire et de ses répercussions, l’Olympiade de 2028 s’affirme d’ores et déjà comme celle de tous les possibles.
En d’autres termes, une incarnation du rêve californien.
Les huit années avant l’ouverture des Jeux devraient à n’en pas douter permettre aux organisateurs de réinventer encore un peu plus l’événement olympique et paralympique en continuant, entre autre, d’associer les sportifs américains comme cela fut réalisé avec brio durant la phase de candidature.
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