La France a envie des Jeux, tout du moins, le Mouvement sportif français.
A l’invitation du Comité Français du Sport International (CFSI), “Sport & Société” a assisté ce mardi matin à la présentation du bilan d’étape de l’étude d’opportunité et de faisabilité en vue d’une éventuelle candidature olympique de Paris pour les Jeux d’été de 2024.
Plusieurs dizaines de participants ont pris place dans l’amphithéâtre du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), sans oublier les hauts responsables du sport hexagonale : Denis Masseglia, Président du CNOSF, Bernard Lapasset, Président du CFSI, Guy Drut et Tony Estanguet, membres français du Comité International Olympique (CIO), Bernard Amsalem, Président de la Fédération Françaises d’Athlétisme, Jean-Pierre Siutat, Président de la Fédération Françaises de Basketball… Plusieurs champions et médaillés olympiques étaient également au rendez-vous (Edgar Grospiron, Stéphane Diagana, Jean-Philippe Gatien, Laura Flessel…).
Du côté de la classe politique, peu de représentants, ce qui témoigne pour l’heure d’un investissement avant tout sportif. Au regard des précédentes candidatures olympiques, où le politique était en tête, cela peut de fait apparaître comme un grand chamboulement.
Mais cette sous-représentation, hormis la présence de Valérie Fourneyron, ex-Ministre des Sports et Jean-François Martins, adjoint au Maire de Paris en charge des sports – est aussi le signe d’une implication au ralenti de la sphère politique. Il est alors à espérer, en fonction de l’avancée de l’étude d’opportunité, que les différentes composantes politiques sauront se mobiliser derrière un projet, le moment venu.
Premier intervenant de la matinée, Denis Masseglia.
Le Président du CNOSF a d’abord tenu à saluer l’implication et la présence massive des sportifs, ainsi que des deux membres du CIO qui seront, le cas échéant, des porteurs de la flamme olympique française auprès de leurs pairs de l’institution de Lausanne. Denis Masseglia a ensuite rappelé les brillants résultats sportifs des tricolores au cours de l’année écoulée et a terminé son propos introductif par un soutien appuyé à Pierre Durand dans sa campagne pour la Présidence de la Fédération Équestre Internationale (FEI).
Succédant naturellement à Denis Masseglia, Bernard Lapasset a lui aussi salué la présence des membres français de l’instance olympique, leur adressant d’ailleurs un vibrant message :
“Guy et Tony, nous avons besoin de vous !”
Selon le Président du CFSI et par ailleurs, Président de l’International Rugby Board (IRB), la question primordiale qui s’est posée aux participants des différents ateliers “Ambition Olympique” et qui se pose toujours au Mouvement sportif n’est autre que l’apport d’une candidature et d’un projet à la France.
Comme il l’a ainsi affirmé, “la question est de savoir si un projet olympique peut être un levier pour construire la France de demain, car les grands événements sportifs peuvent constituer des leviers s’ils sont bien pensés”.
Prenant régulièrement exemple sur Londres 2012 et le succès des derniers Jeux Olympiques et Paralympiques d’été, Bernard Lapasset a notamment évoqué les retombées massives engendrées en Grande-Bretagne. De fait, les Britanniques ont dépassé en quatre mois, ce qu’ils s’étaient fixés en quatre ans. Cela s’est en particulier constaté en matière d’investissements étrangers réalisés sur le sol britannique (plus de 5 milliards d’euros).
Mais le succès des JO 2012 s’est aussi fait ressentir d’une autre manière et demeure pérenne. Ainsi, après le passage du relais de la flamme olympique, dans 74 villes et devant plus de 15 millions de spectateurs, et l’organisation réussie des Jeux, les Britanniques ont été nombreux à suivre le départ du Tour de France 2014 et se préparent désormais à accueillir la Coupe du Monde de rugby 2015 qui, de l’aveu même de Bernard Lapasset, va battre des records.
Sur ce point, un seul exemple mais un exemple particulièrement efficace : pour Twickenham et ses 80 000 places, les organisateurs ont reçu pas moins de 450 000 demandes. Un succès phénoménal qui augure d’ores et déjà d’un spectacle populaire de grande ampleur.
D’ailleurs, entre exemple Britannique et réussite Française, Bernard Lapasset s’est montré lucide sur le fait que “l’obtention d’événements sportifs et de compétitions représente une victoire pour le pays.
Dans le cas des JO, il s’agit aussi d’une possibilité de dynamiser le tissu industriel et économique. Ils peuvent dynamiser un territoire.
Pour Paris, le défi sera de faire grandir et évoluer la métropole du Grand Paris”.
Troisième intervenant à la tribune et non des moindres, Guy Drut.
Artisan et promoteur des candidatures françaises depuis Paris 1992, l’ancien Champion Olympique du 110m haies a rappelé sa passion et son enthousiasme à l’idée d’un nouveau projet, porté par et pour les athlètes.
“Mon enthousiasme est intact et mon implication sera là !
Si on décide de partir, ce ne sera pas pour participer mais pour gagner.
Je peux en tout cas vous assurer qu’aujourd’hui, rien n’est acquis pour personne”.
Une manière de souligner que malgré les candidatures déjà en place ou proches de l’être – États-Unis, Allemagne… – aucune ne peut actuellement se prévaloir d’une quelconque avance ou d’un quelconque statut de favori. Une manière aussi de dire, en bon athlète qu’il fut, que la ligne de départ sera effective en septembre 2015, date à laquelle les Comités Nationaux Olympiques (CNO) désireux de proposer une candidature, pourront officiellement adresser leur demande auprès du CIO.
Concernant d’ailleurs le CIO et son fonctionnement, Guy Drut a brièvement abordé la réforme en cours et qui devrait se concrétiser les 08 et 09 décembre prochain lors de la Session qui se déroulera à Monaco.
A cette occasion, le CIO pourrait être amené à revoir la procédure des candidatures et ce, dans un souci de lisibilité auprès des villes – il s’agirait désormais d’une invitation à participer – mais aussi de réduction des coûts.
En effet, le lancement réussi d’une candidature passe d’abord par le paiement d’un droit d’accès supérieur à 500 000 euros, puis la phase de réquérance et de candidature donne lieu à des budgets souvent proche de 100 millions d’euros. Une somme parfois rédhibitoire pour des villes et pour des populations soucieuses de la bonne utilisation des deniers publics et inquiètes de subir les dérives récemment constatées avec Sotchi 2014 et son budget supérieur à 36 milliards d’euros.
Outre l’aspect fonctionnement interne, Guy Drut a aussi évoqué l’apport du CIO en matière de solidarité et d’aides aux organisateurs des JO.
“Pour Rio 2016, le CIO contribue à hauteur de 1,3 milliard d’euros. Pour Tokyo 2020, ce sera près de 2 milliards”.
Pour Tony Estanguet, triple Champion Olympique et autre membre français du CIO, la solidarité olympique est l’un des éléments majeurs développés par l’institution fondée par le Baron Pierre de Coubertin.
“La coopération olympique est un exemple unique à l’échelle internationale.
Le CIO reverse chaque année, plusieurs centaines de millions d’euros aux CNO qui en ont besoin”.
Mais revenant à la discussion portant sur une éventuelle candidature française pour 2024, Tony Estanguet a salué la façon dont se construit la réflexion depuis le lancement de l’étude d’opportunité, en mai dernier.
Pour lui, “à l’inverse de ce qui s’est produit lors des précédentes candidatures, les athlètes sont aujourd’hui au cœur de la réflexion.
Mais désormais, à nous d’être malins et de bien écouter ce que dira le CIO en décembre”.
C’est d’ailleurs en rapport avec la réforme olympique que le Mouvement sportif français, à l’instar du Mouvement américain, souhaite attendre patiemment les échanges monégasques avant de se lancer ou non dans la course olympique pour 2024. Sur ce point, Bernard Lapasset a rapidement tenu à préciser que l’objet de la matinée ne consisterait pas à donner une indication plutôt qu’une autre ou des éléments conclusifs, mais qu’il s’agissait avant tout d’un point d’étape avant d’affiner les propositions reçues jusqu’à présent.
“L’étude doit répondre à la question, ‘pourquoi voulons nous les Jeux ?’ L’étude d’opportunité permet de mettre en valeur ce que la France peut proposer de meilleurs.
Je remettrai en janvier 2015, les conclusions de l’étude d’opportunité aux décideurs politiques, État et Collectivités Territoriales. A ce moment-là, ce sera ‘stop ou encore’.
Les décideurs auront les cartes en mains pour une candidature à l’été 2015 et le dépôt officiel en septembre”.
Pour Patrick Kanner, Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, l’envie est bien présente d’y aller et de se porter candidat.
Absent pour cause de déplacement au Canada auprès du Président de la République, François Hollande, le Ministre était représentée ce mardi par son Directeur de cabinet, Daniel Zielinski.
Ce dernier a ainsi lu un message adressé à l’assemblée par Patrick Kanner.
“Nous le sentons, la France n’a pas abandonné son ambition olympique. Votre travail y participe grandement. Je serais en temps utile à vos côtés !”
Un soutien franc et direct qui tranche quelque peu avec le manque d’enthousiasme actuel, voire même la frilosité, de la part de la Mairie de Paris. Une situation qui pourrait néanmoins changer dans les prochains mois, surtout si le Chef de l’État et le Gouvernement, décident de soutenir et d’appuyer le projet. A ce moment-là, Anne Hidalgo n’aurait d’autre choix que de se conformer à la volonté étatique.
Outre les différentes interventions et précisions apportées par les uns et les autres, le rendez-vous olympique de ce 04 novembre a aussi été l’occasion de présenter certaines propositions, pour certaines particulièrement innovantes, afin d’imaginer les Jeux de demain et d’associer au maximum la population locale et nationale.
Pour Bernard Lapasset, une nouvelle candidature tricolore pourrait permettre de placer les Jeux au service de la santé et de la pratique sportive pour tous. Un point sur lequel est également revenu la Présidente du Comité Paralympique Français.
Selon Emmanuelle Assmann, “un projet peut permettre de changer les regards sur le handicap et d’accélérer la mise en conformité des transports et des sites pour l’accessibilité des personnes en situation de handicap”.
Plusieurs propositions ont ensuite été formulées et ce, dans bien des domaines :
- Instauration d’un tour de France avec des déplacements des champions olympiques français à la rencontre de la population avant les Jeux,
- Création d’une école olympique sur le modèle de l’école de la deuxième chance. Pour les personnes sans formation ou sorties du cursus scolaire, une telle institution serait de nature à permettre une insertion professionnelle, dans la restauration, dans la sécurité…
- Pour le MEDEF, une candidature pourrait permettre de promouvoir le “made in France” et le savoir-faire français,
- Prise en compte de la coopération et du développement durable,
- Mise en place d’une billetterie citoyenne : sur la base d’actions réalisées, les citoyens engagés auraient droit à des points qui permettraient un accès facilité aux compétitions.
Mais la proposition qui sera sans doute la plus commentée a été formulée par Denis Masseglia lui-même.
Ainsi, le patron du Mouvement olympique français a présenté l’idée d’un financement innovant pour une candidature innovante, au travers d’un “Téléthon olympique”.
“Il faudrait une participation du secteur privé et une participation financière du public et ce, afin d’éviter au maximum de puiser dans les finances publiques.
En accord avec France Télévisions, un week-end spécial pourrait être organisé en juin prochain afin d’encourager un financement participatif de la candidature.
Ce week-end serait une première étape et si cela marche, cela constituera déjà un grand héritage et vaudra n’importe quel sondage d’opinion”.
A n’en pas douter, une proposition risquée – quel montant attendu ? quel niveau de participation des spectateurs ? – mais qui a le mérite d’exister et de créer une véritable réflexion autour d’un financement participatif de l’éventuelle candidature de Paris 2024.
La réunion s’est ensuite terminée sur une annonce et un soutien non-négligeable de la part de l’un des plus grands sportifs français de ces dernières années : Renaud Lavillenie, Champion Olympique du saut à la perche (2012).
“Mon rêve est de finir ma carrière en 2024, en France. Je suis derrière vous à 100% !”
La France m’impressionne. La démarche est intelligente, bien pensée. Elle ne brûle pas les étapes et le concept proposé aux membres du CIO pourrait être très séduisant pour celui-ci. La France va étonner, dans le bon sens. Dans un contexte de réformes de l’institution olympique, c’est une très bonne nouvelle.
La participation du public à un appui financier à la candidature vaudra tous les sondages du monde. C’est une idée brillante. Cette démarche n’est pas risquée, elle est très porteuse d’espoir. Je suis convaincu que le public se laissera séduire. Mais il faudra que les personnes visibles lors de cette soirée soient les sportifs et uniquement eux. Exit les politiques! Rêvons un peu au plateau proposé: Flessel-Colovic, Douillet, Lavillenie, Pérec, Gatien, Zidane, Agnel, Muffat, F. Manaudou, L. Manaudou, Maracineanu, Bernard, Absalon, Restoux, Djorkaeff, Henry, Petit, Deschamps, Monfils, Noah, Parker, Karabatic, Omeyer, Richardson, Gané, Tournant, F. Rousseau, Ballanger, Arron, Hurtis, etc.