Le 31 juillet prochain, le Comité International Olympique (CIO) réuni à Kuala Lumpur (Malaisie), désignera la Ville Hôte des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2022.
Aujourd’hui, en exclusivité, le Maire-adjoint de Pékin (Chine) a accepté de répondre aux questions de “Sport & Société”.
Zhang Jiandong revient sur les prémices de la candidature hivernale d’une nation qui entend s’imposer comme l’une des meilleures dans le domaine du sport. Après avoir accueilli les Jeux d’été de 2008, la Chine espère ainsi progresser dans l’approche des sports d’hiver cette fois-ci, avec l’ambition affichée de permettre l’accès de 300 millions de personnes à la pratique de ces sports de neige et de glace.
Celui qui occupe également les fonctions de vice-Président du Comité de Candidature de Pékin 2022, aborde aussi les questions relatives à l’héritage olympique et à la procédure de sélection de la Ville Hôte pour les JO d’été de 2024.
– Pékin s’est lancé dans la course à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2022. N’est-ce pas une ambition démesurée, surtout dans un pays comme la Chine qui n’a pas la culture des sports d’hiver ?
Les sports d’hiver en Chine jouissent d’une longue histoire, d’une large base de soutien et d’un avenir prometteur. La Chine a tenu ses premiers Jeux Nationaux des sports d’hiver dès 1959 et a organisé 12 sessions réussies depuis cette date.
En février 2016, la 13e session se tiendra dans le Xinjiang, une région qui possède une tradition de ski et de snowboard ancienne.
Une culture moderne des sports d’hiver a été développée en Chine au cours des vingt dernières années, comme en témoigne la participation de notre pays aux dix derniers Jeux Olympiques d’hiver, remportant un total de cinquante-cinq médailles, et ce, sans oublier la candidature de la ville d’Harbin à l’organisation des Jeux d’hiver de 2002.
Il n’est pas étonnant non plus de constater que, parallèlement à une plus grande fréquence des événements hébergés en Chine – Jeux Asiatiques d’hiver 1996 et 2007, Universiade d’hiver à Harbin en 2009, Championnat du Monde de curling masculin à Pékin en 2014, étapes de la Coupe du Monde de ski acrobatique à Pékin, Jilin, Changchun, Shenyang et Harbin entre 2004 et 2014, Championnats du Monde de patinage artistique à Shanghai cette année, 5e édition de Artistry On Ice (spectacle offrant des prestations de Champions mondiaux et olympiques) en juillet prochain – de plus en plus de Chinois ont commencé à découvrir le hockey-sur-glace, le ski et le patinage artistique et de nouvelles et passionnantes façon de maintenir un mode de vie sain.
La dernière décennie a aussi vu le marché des sports d’hiver se développer et attirer en Chine d’énormes investissements et la construction d’environ 400 stations de ski dans tout le pays. Le Nouvel An Chinois a par exemple attiré 1,5 million de touristes dans les stations de ski de Zhangjiakou, conduisant à une augmentation de la fréquentation de 25% sur un an. Une autre donnée a permis d’établir que les matchs de hockey-sur-glace du Toronto Maple Leafs ont généré une audience télévisée supérieure à celle constatée au Canada et ce, malgré des retransmissions en direct ayant pu débuter à 06h ou 07h du matin !
La candidature de Pékin 2022 ne pouvait donc intervenir à un autre moment, car elle arrive au milieu de la prolifération des sports d’hiver en Chine. L’ambition d’accueillir les Jeux de 2022 serait également, selon le Président Chinois Xi Jinping, “une source d’inspiration pour la participation de plus de 300 millions de Chinois à la pratique des sports d’hiver”. Cela signifie que la ferveur, qui a été construite au cours des dernières années, pourrait transformer les sports d’hiver comme le ski, le snowboard et le hockey-sur-glace en passe-temps national.
– La candidature de Pékin fait régulièrement référence au fait que 300 millions de Chinois pourraient avoir accès aux sports d’hiver sous l’impulsion des JO 2022. Comment peut-on expliquer ce chiffre ?
Lorsque le Président Chinois Xi Jinping a déclaré que la préparation et la tenue des Jeux de 2022 étaient de nature à être “une source d’inspiration pour la participation de plus de 300 millions de Chinois à la pratique des sports d’hiver”, il faisait référence à la population régionale du Nord et du Nord-Ouest de la Chine, où il y a des conditions naturelles favorables et un véritable intérêt pour les sports d’hiver. L’Administration Générale Nationale des Sports a établi un plan d’action réalisable visant à populariser les sports d’hiver en Chine – pays le plus peuplé au monde – pour contribuer au développement du Mouvement olympique.
Les stations de ski de Pékin et Zhangjiakou se classent déjà parmi les sites les plus populaires dans la région – CNN Travel a mentionné Nanshan (station de ski de Pékin) sur sa liste des huit meilleures stations de ski d’Asie – et l’accueil des Jeux d’hiver de 2022 permettrait d’ériger l’Asie du Nord comme le troisième centre mondial des sports d’hiver après l’Europe et l’Amérique du Nord.
– Traditionnellement, l’organisation des Jeux permet d’assurer le développement d’équipements sportifs bien sûr, mais aussi d’un grand nombre d’infrastructures pour la ville.
Barcelone 1992 a par exemple insufflé le réaménagement du front de mer, Athènes 2004 a permis la construction de plusieurs axes et moyens de transports en commun…
Quel est le projet de développement urbain souhaité par Pékin, notamment pour les régions de Zhangjiakou ou Yanqing ?
Le Comité de Candidature de Pékin 2022 a intégré ses plans pour l’accueil des Jeux Olympiques d’hiver au programme Chinois de développement régional à long terme. Autrement dit, nous avons coordonné notre vision de Pékin 2022 avec le développement des trois zones olympiques de Pékin-Tianjin-Hebei, autour d’un plan dont les travaux ont été définis bien avant l’idée de poser une candidature olympique.
En tant que Chef du Parti de Pékin, Guo Jinlong a décrit succinctement que “Pékin cherche à éliminer la pensée de développement de son propre territoire qui prévalait jusqu’alors, pour se consacrer au développement et à la croissance conjointe des régions voisines de Tianjin et du Hebei”.
Dès lors, la coordination des efforts entre les trois parties sur des questions telles que la pollution, le transfert des industries et l’amélioration des infrastructures ainsi que sur la Stratégie Nationale de développement intégrée des territoires de Pékin-Tianjin-Hebei est vraiment de nature à établir un cadre durable pour la planification de Pékin 2022.
La Stratégie Nationale va donc créer des conditions favorables et jeter une base solide pour la candidature de Pékin 2022, en favorisant un environnement “gagnant-gagnant” pour les investissements futurs.
La Stratégie Nationale intégrée et coordonnée de Pékin-Tianjin-Hebei donnera ainsi une impulsion au développement et à l’amélioration du réseau de transports de Pékin et Zhangjiakou. La construction de la ligne à grande vitesse entre les deux villes va notamment créer un cercle de transports de 50 minutes entre les trois régions et apporter une vue inoubliable sur le paysage de la Grande Muraille de Chine. Cela va aussi générer l’implantation d’entreprises et d’habitants dans la province du Hebei et à Zhangjiakou, ce qui rapprochera les territoires de la métropole animée qu’est Pékin.
Les Jeux de Pékin 2022 permettront en outre un développement accéléré du sport, de la culture et du tourisme dans la ceinture territoriale et développeront un grand centre de sports d’hiver, attirant à cet effet des millions de touristes en provenance de Chine, d’Asie et du monde entier.
Pékin a également des plans pour étendre son réseau de métro – actuellement de 546 kilomètres – à plus de 1 000 kilomètres d’ici 2022. Sur les 23 000 bus publics accessibles à Pékin, 90% seront des modèles à faible consommation énergétique.
Sur ce point, dans la zone de Zhangjiakou, un grand nombre d’autobus interurbains et d’autobus de ville sont disponibles dès maintenant et ce dispositif sera encore renforcé pour répondre aux besoins de déplacements pendant les Jeux et aux besoins quotidiens.
Cette grande capacité de transports en commun, avec les autoroutes et les routes secondaires, sera en mesure de répondre à la demande olympique.
– En parallèle des Jeux de 2022, la candidature Chinoise s’appuie sur l’aménagement d’une ligne à grande vitesse entre Pékin et Zhangjiakou, l’un des pôles retenus pour l’accueil des compétitions.
Où en-est actuellement ce projet ? Quel est le coût de ce chantier ferroviaire ambitieux ?
Il serait inexact de dire que la candidature de Pékin 2022 repose sur le développement de cette liaison ferroviaire. Au contraire, tout a été planifié en octobre 2008 dans le cadre d’un plan national ferroviaire afin de faciliter les déplacements entre Pékin et la Mongolie intérieure. Pékin-Zhangjiakou sera mis en service en 2019, sera une partie intégrante de la ligne entre Pékin-Baotou-Lanzhou et du réseau ferroviaire Pékin-Tinjin-Hebei et permettra d’améliorer la qualité de vie des 20 millions d’habitants de Pékin et des 4,6 millions d’habitants de Zhangjiakou.
Les Jeux Olympiques d’hiver de 2022 seront seulement un élément parmi beaucoup d’autres au bénéfice de la ligne entre Pékin et Zhangjiakou. Ce projet permettra ainsi de rapprocher les deux villes, comme la Chine l’a fait avec tant de grandes villes de son territoire.
Les Jeux profiteront pleinement de cette ligne qui sera entrée en service depuis trois ans au moment de l’événement, si la candidature de Pékin l’emporte.
A la fin de l’année 2014, la Chine comptabilisait 112 000 kilomètres de réseau ferroviaire en exploitation, le troisième par la taille derrière la Russie et les États-Unis. Il constitue par ailleurs le réseau le plus important en ce qui concerne le nombre de voyageurs et de marchandises, avec le transport de 2,32 milliards de passagers et 3,07 milliards de tonnes de marchandises l’an dernier.
– Outre l’aménagement de cette ligne à grande vitesse, quels sont les autres projets majeurs qui pourraient bénéficier des Jeux d’hiver de 2022, à Pékin et dans le reste du pays ?
Accueillir les Jeux permettra d’améliorer la diffusion des valeurs olympiques et de promouvoir le développement du Mouvement olympique.
En somme, les vastes plans existants de Pékin 2022 comprennent :
- Un développement important de l’industrie et du marché des sports d’hiver en Chine,
- Une extension du programme d’enseignement scolaire en prenant en compte la thématique olympique et la pratique des sports d’hiver,
- La livraison d’un nouveau modèle de développement durable pour la région et au-delà,
- La création d’environ 600 000 nouveaux emplois à travers les industries du sport, de la culture, du tourisme et des loisirs à travers le développement de la ceinture culturelle et touristique de Pékin-Tianjin-Hebei.
– L’Agenda 2020 du Mouvement olympique accorde une place centrale à la thématique de l’héritage.
Sept ans après, quel bilan peut-on faire des JO 2008 ? Quel a été l’apport pour le sport et pour la société chinoise ? Quelle est la part des installation sportives aujourd’hui reconverties et réutilisées ?
Les Jeux de 2008 à Pékin demeurent un souvenir dans le monde entier comme étant une édition record : la Cérémonie d’ouverture est considérée comme l’une des plus impressionnantes de l’Histoire olympique, plus de 40 records du monde et plus de 130 records olympiques ont été brisés, les lieux – y compris le Nid d’Oiseau emblématique (Stade National) et le Cube d’eau (Centre National de Natation) ont été des sites à couper le souffle et l’audience des Jeux de 2008 a été la plus importante jamais enregistrée.
L’impulsion donnée par les Jeux est encore tangible dans la ville et dans le développement de la Chine.
L’Ambassadeur de Pékin 2022, Yao Ming, a récemment parlé du puissant héritage de Pékin 2008, en particulier en ce qui concerne l’impact culturel et sportif. “Le sport est désormais un mode de vie ici” a déclaré Yao Ming. “Je ne pense pas que cela se serait produit si nous n’avions pas accueilli les Jeux Olympiques en 2008. Beaucoup de gens ont adopté un style de vie sportif. Ils vont à la gym et les cours de sports sont maintenant très populaires en Chine, dans des villes comme Shanghai, Pékin et Guangzhou”.
Chaque week-end, par exemple, il y a 100 000 coureurs qui viennent au Parc Olympique de Pékin.
De nombreux sites olympiques de 2008 ont connu une transition et une reconversion dans certains quartiers dynamiques de Pékin. Les lieux sont pour la plupart devenu des éléments de l’héritage olympique, car ils sont utilisés 80% du temps. Le Cube d’eau par exemple a été converti comme l’un des plus grands parcs aquatiques d’Asie, avec une piscine à vagues, une rivière lente, un espace spa et plusieurs équipements connexes. De 2008 à 2010, 15 millions de personnes se sont rendus au Cube d’eau et 24 millions au Nid d’Oiseau.
Le Wukesong Centre – qui a accueilli les événements de basketball en 2008 – a été le premier site rebaptisé commercialement après les Jeux. Le site a célébré son 10e anniversaire le 30 mars avec au même moment, la signature de partenariats fructueux avec l’Association Nationale Américaine de Basketball (NBA) dans l’optique d’organiser des événements mondiaux. Le club des Beijing Ducks, récemment Champions de la China Basketball Association (CBA), a par ailleurs annoncé qu’il élira domicile à Wukesong dès la saison prochaine du championnat.
L’arène a aussi été utilisée pour des concerts comme ceux de Beyoncé, Elton John ou des Eagles. Plus de 200 manifestation sportives et culturelles ont ainsi été organisées en ce lieu chaque année, faisant de celui-ci, l’un des plus fréquentés de toute la Chine.
Pour souligner l’importance du sport en Chine, le Conseil d’État a annoncé en octobre dernier que l’industrie du sport représenterait plus de 5 000 milliards de yuan (731,4 milliards d’euros) d’ici 2025, ce qui en fera une force majeure pour la promotion économique du pays. Ce chiffre pourrait même être encore plus important, sachant que l’industrie des sports d’hiver reste actuellement une ressource largement inexploitée.
Les Jeux Olympiques d’hiver de 2022 seront sans doute un accélérateur dans la réalisation de cet objectif. Tout en profitant des legs de Pékin 2008, les Jeux de 2022 pourront aller encore plus loin dans le respect de trois principes-clés : des Jeux durables, économiques et centrés sur les athlètes.
– Au moment où le Comité International Olympique (CIO) s’apprête à élire la Ville Hôte des JO 2022, il a récemment lancé la procédure de candidature pour les JO 2024. Quel regard portez-vous sur les villes qui se sont déjà déclarées intéressées ? Que pensez-vous de la candidature olympique de Paris ?
Une candidature olympique représente un frisson merveilleux et unique, pour toutes les personnes qui travaillent dans l’optique d’aider telle ou telle ville à réaliser un rêve historique. Nous aimons vraiment notre ville, en plus de sa culture sportive unique, et nous sommes remplis d’un sentiment de fierté et d’un amour que nous voulons partager avec le monde.
En ce sens, nous tenons à féliciter toutes les villes qui ont l’occasion de profiter de cette expérience passionnante.
Nous souhaitons à toutes les candidatures aux Jeux Olympiques de 2024, “Bonne chance” ! 加油
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