Invité par le Conseil Économique, Social et Environnemental Régional (CESER) d’Île-de-France, Sport & Société a pu assister, le 13 novembre dernier, à la présentation du rapport de la Commission du Tourisme, des Sports et des Loisirs, concernant une éventuelle candidature olympique de Paris.
“Le CESER, soucieux du développement économique durable du territoire francilien, a souhaité accompagner la réflexion du Mouvement sportif, des élus et du monde économique.
Son rapport s’inscrit dans le cadre de la démarche engagée sous l’égide du Comité Français du Sport International (CFSI) en lien étroit avec le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), le Ministère chargé des sports, le Mouvement sportif, les collectivités territoriales, le monde économique et la société civile, démarche qui vise à établir une vision commune concernant une possible candidature.
Il est bon que cette étude d’opportunité repose sur une dynamique de concertation engagée le plus en amont possible, à tous les niveaux, et associant l’ensemble des partenaires concernés”.
Ayant fait partie de l’un des douze ateliers thématiques installés par le CFSI, le CESER d’Île-de-France a donc pu apporter ses remarques et suggestions à l’étude d’opportunité et de faisabilité d’une candidature pour les Jeux d’été de 2024.
Réunis dans l’hémicycle du Conseil Régional, le CESER a de fait exposé les grandes lignes de son rapport mené par Jean-Jacques Dret. Ce dernier, brutalement décédé le 10 octobre 2014, aurait d’ailleurs du présenter les conclusions de ce document préparé grâce à la contribution de plusieurs institutions et personnalités, dont Sport & Société.
L’assemblée consultative, qui concourt par ses avis à l’administration de la Région, a articulé sa réflexion autour de trois axes : Diagnostic territorial ; Enjeux régionaux ; Défis à relever et pistes d’action, une candidature en noir et blanc.
Point crucial de toute candidature olympique et paralympique, le soutien populaire est l’un des défis que devra relever la candidature de Paris, si candidature il y a.
Ainsi, l’institution francilienne estime qu’il sera “essentiel de faire émerger un ralliement populaire massif installé dans la durée, eu égard aux enjeux financiers du budget d’organisation, à l’impact des équipements liés aux JO en termes urbanistiques et d’aménagement du territoire régional.
Pour cela, le projet devra, dès l’entrée, être porteur d’une part de sens, d’autre part de valeurs largement partagées, transcendant les catégories sociales et les classes d’âge.
Dans un contexte de crise économique et sociale multidimensionnelle impossible à méconnaître, le risque est grand qu’il ne soit rejeté par une partie de la population”.
Pour contrer ce risque, le CESER insiste donc sur l’aménagement territorial de l’Île-de-France ainsi que sur les besoins et les perspectives d’avenir de ce bassin économique et social important pour l’ensemble du pays.
Le diagnostic réalisé par le CESER – et en relation directe avec les publications de Sport & Société – témoigne tout d’abord d’un potentiel d’infrastructures sportives non-négligeable. La capitale possède en effet un stade de plus de 80 000 places, le Stade de France, et dispose de nombreuses installations de grande capacité et ce, dans plusieurs disciplines sportives.
Deux chantiers prioritaires devraient néanmoins être menés afin de proposer au Comité International Olympique (CIO), un concept global performant : le Centre Aquatique Olympique et le Village des Athlètes.
De ce fait, le CESER souligne justement que “la rentabilité sociale et économique des équipements existants et à construire doit être prise en compte.
Face à la multiplication de projets de création d’arénas en Île-de-France, les risques seraient bien réels d’une offre surabondante et non viable économiquement sur le long terme, d’autant que la France ne dispose pas d’une véritable culture sportive fortement ancrée au sein de la population, contrairement à d’autres pays voisins.
Au-delà d’un stade supplémentaire, le risque existe de projets non-viables. Peut-être conviendrait-il de mettre en place un ‘Programme Sportif Olympique’ afin de limiter les financements publics et d’en optimiser l’utilisation”.
Outre ses infrastructures sportives, Paris possède également d’autres atouts intéressants dans l’optique d’une candidature aux JO.
Ainsi, la capitale française et ses périphéries disposent d’une renommée mondiale indéniable, d’une expérience certaine en matière d’accueil de grands événements internationaux, d’une réseau de transport de premier plan, du hub Roissy-Charles de Gaulle (CDG) et du projet d’aménagement du Grand Paris Express.
Toutefois, Paris dispose aussi de faiblesses qui pourraient, si elles ne sont pas traitées, handicaper à terme la candidature tricolore.
En effet, le CESER a relevé quatre points susceptibles de freiner les ambitions françaises mais surtout les chances de succès d’un projet olympique francilien : des liaisons Paris / aéroports inappropriées, des capacités hôtelières insuffisantes, des réserves foncières limitées dans le centre de l’agglomération et une qualité d’accueil défaillante.
Sur le premier point, le CESER d’Île-de-France évoque notamment le fait que “Paris ne dispose pas, contrairement à d’autres métropoles internationales, de liaisons directes performantes avec ses aéroports. Tant la desserte de Roissy-Charles de Gaulle que celle d’Orly par les transports publics, ne se situent pas, en termes de qualité de service offert, au niveau attendu pour assurer la pleine attractivité d’une métropole mondiale comme Paris.
La desserte de CDG fait l’objet depuis plus de quinze ans de nombreuses réflexions visant la création d’une desserte directe et dédiée, sous l’appellation de CDG Express. Aucun projet n’a abouti à ce jour, alors même que la desserte RER actuelle est d’une qualité médiocre, estimée comme telle par tous les voyageurs et également par les salariés, travaillant sur la plate-forme aéroportuaire. La desserte routière par autobus ou par taxi est caractérisée par une fragilité du respect des temps de parcours, liée à la congestion fréquente et croissante du réseau routier d’accès à l’aéroport.
Il semble cependant qu’une nouvelle tentative crédible soit sur le point de réunir Aéroports de Paris (ADP) et Réseau Ferré de France (RFF) pour aboutir à la réalisation de CDG Express reliant l’aéroport au cœur de Paris en 15 minutes par une liaison directe indispensable”.
Au niveau des capacités hôtelières, le manque d’équipements “gros porteurs” est aussi un point critique.
Dès lors, “alors que le coût élevé du foncier dans le cœur de l’agglomération limite l’offre de terrains utilisables pour des usages touristiques, le projet Grand Paris devrait offrir des opportunités de développement, à proximité de Paris, de nouvelles capacités hôtelières bien desservies par des transports en commun de qualité ainsi que de plates-formes d’accueil destinées aux autocars, sans oublier les taxis et les VTC.
[…] Le déficit en chambres d’hôtel est à l’heure actuelle estimé à quelques 20 000 unités principalement dans la première et la moyenne couronne.
Il faut également rendre ses lettres de noblesse au tourisme social et familial afin d’offrir un tourisme alternatif permettant d’organiser des séjours économiques (chambres d’hôtes, campings, centres de séjour, auberges de jeunesse…) dont manque l’Île-de-France”.
Ce déficit de chambres d’hôtels et de séjours est à relié directement avec le manque de logements et plus globalement, de capacités foncières dans et autour de Paris.
Pour répondre aux exigences olympiques, le CESER propose “d’implanter un équipement olympique emblématique à Aulnay-sous-Bois sur la friche industrielle de 170 hectares suite à la fermeture des chaînes de montage automobile de l’usine PSA Peugeot-Citroën comme le Village Olympique, le Centre nautique et enfin une salle modulable.
Dans le cadre des fonds européens pour la reconversion des sites industriels, la requalification de ce secteur doit devenir une priorité. L’idée d’adapter les Zones franches en ZEOP (Zones Économiques Olympiques Prioritaires) pourrait le cas échéant permettre des réalisations rapides”.
D’autres sites en périphérie de la capitale pourraient également être mobilisés comme l’a récemment exposé Sport & Société : Colombes, La Courneuve ou encore Thiais.
Critique habituelle à l’encontre de la France, la qualité d’accueil des touristes est l’un des autres enjeux auquel devra répondre une candidature olympique, notamment au travers d’une vaste campagne d’information “à destination de la population afin que celle-ci puisse prendre la mesure des enjeux économiques et culturels de l’accueil des touristes”.
Parmi les options également envisagées pour renforcer et améliorer la qualité d’accueil, le CESER propose un plan de formation aux langues étrangères, en particulier l’anglais.
L’organisation des Jeux à Paris serait donc de nature à consolider les bases existantes et à moderniser les installations dans le domaine des transports ou de l’hébergement. Elle pourrait aussi permettre de donner corps au Grand Paris en structurant le territoire métropolitain et en hiérarchisant les responsabilités des différentes parties prenantes.
Sur ce point, la participation financière des uns et des autres devra être réglée au plus tôt afin de dynamiser la candidature et l’organisation de l’événement.
Pour le CESER, il s’agira pour les collectivités de “sélectionner les investissements qu’elles prendront en charge. Eu égard aux enjeux financiers, il importerait que l’État assume pleinement les financements qui lui incomberont et que les collectivités territoriales, largement dépourvues d’autonomie fiscale, puissent disposer de réelles capacités d’autofinancement.
Il paraîtrait opportun à cet égard d’étudier différents outils de financement, dont celui offert par les contrats de partenariat public-privé (PPP) nonobstant les divergences d’appréciation sur ce mode de financement, portant sur la conception architecturale, la construction de nouveaux ouvrages et la rénovation d’ouvrages existants”.
En conclusion, le CESER apporte son soutien à l’idée d’une candidature aux JO mais aussi à l’Exposition Universelle de 2025. Selon l’instance, “il n’y a pas lieu d’opposer” les deux projets.
“Dans la période difficile que traverse notre pays, il n’est pas insensé de croire en l’impact positif que pourrait avoir sur la population une double candidature aux JO et à l’Exposition Universelle.
Se limiter à une seule d’entre elles alors que les investissements sont pour la plupart communs – et quoiqu’il arrive indispensables – serait sans aucun doute un manque d’audace”.
Malgré le scepticisme de la délégation CGT pour qui “les retombées sont privées et les pertes publiques”, et les “sérieux doutes” exprimés par la délégation FSU concernant l’opportunité d’une candidature, le CESER s’est déclaré “favorable” à un projet francilien.
La mise au vote de l’avis du CESER a d’ailleurs été sans appel : 100 votants, 91 exprimés, 19 abstentions, 17 contre, 57 pour.
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