Présidence du CIO : Thomas Bach en lice pour un second et dernier mandat

Aux manettes du Comité International Olympique (CIO) depuis 2013, Thomas Bach a annoncé ce vendredi qu’il serait candidat à un second et dernier mandat présidentiel et ce, alors que l’institution de Lausanne (Suisse) doit faire face à l’un des plus grands défis de son histoire, entre le report des Jeux de Tokyo 2020 et la gestion de la crise du Covid-19 pour les composantes du Mouvement Olympique.

Thomas Bach, Président du Comité International Olympique (Crédits – CIO / Greg Martin)

Champion Olympique de fleuret par équipe lors des Jeux d’été de Montréal 1976, Thomas Bach a peu à peu atteint les sommet de la gouvernance olympique, d’abord dans son pays, l’Allemagne, puis ensuite sur la scène internationale.

De fait, Président de la Commission des Athlètes du Comité Allemand pour le sport de compétition au sein de la Confédération Allemande des Sports (DSB) entre 1979 et 1981, l’ancien fleurettiste devient un membre fondateur de la Commission des Athlètes du CIO durant cette même année, un rôle qu’il occupera jusqu’en 1988. Mais c’est surtout à compter de 1991, date de son entrée au CIO, que Thomas Bach gravit les échelons d’une institution qui le couronnera en 2013 pour succéder à Jacques Rogge.

En parallèle des fonctions exercées Outre-Rhin, il s’affirme ainsi au fil des ans dans plusieurs Commissions de plus ou moins grande importance et ce, que ce soit en qualité de membre – Marketing (1992-2014), Juridique (1993-2001), Collectionneurs olympiques (1994-1997), Mouvement olympique (1996-1999), Sport et droit (1995-2001), Droits TV et nouveaux médias (2002-2014), Suivi des réformes CIO 2000 (2002), etc. – ou bien en tant que Président.

Sur ce dernier plan, Thomas Bach a notamment piloté la Commission d’évaluation pour les Jeux d’hiver de 2002 (1994-1995), ainsi que celle pour les Jeux d’été de 2004 (1995-1997). Le leader allemand avait alors pu examiner et juger de la qualité du dossier présenté par Lille, Ville Requérante pour la France.

Mais au-delà des Commissions thématiques du CIO dans lesquelles il acquiert une expertise et une connaissance des rouages institutionnelles, Thomas Bach a surtout forgé son ambition en devenant membre de la Commission Exécutive en 1996. Quatre années plus tard, il en deviendra même l’un des Vice-Présidents (2000-2004), une fonction qu’il occupera à nouveau entre 2006 et 2013.

In fine, celui qui était à l’époque Président-Fondateur de la Confédération Allemande des Sports Olympiques (DOSB), s’installera à l’âge de 60 ans comme le favori pour prendre la suite de Jacques Rogge, Président du CIO durant douze ans et deux mandats (2001-2013) et ce, malgré une forte concurrence exprimée par les candidatures de Sergueï Bubka (Ukraine), Richard Carrion (Porto Rico), Ser Miang Ng (Singapour), Denis Oswald (Suisse) et Ching-Kuo Wu (Taïwan).

Il faut dire que Thomas Bach avait parfaitement su mettre en avant son expérience dans les arcanes du pouvoir olympien, mais aussi sa volonté d’engager le CIO dans une nouvelle ère, avec le souci de conforter les ambitions de durabilité et de réduction des coûts. Son programme présidentiel se résumera d’ailleurs à un slogan – “L’unité dans la diversité” – et d’une politique qui se déploiera sous les traits de l’Agenda 2020.

Si le changement souhaité aurait pu pénaliser cette candidature, les suffrages exprimés ce 10 septembre 2013 démontreront finalement le contraire, Thomas Bach raflant la mise au deuxième tour de scrutin avec 49 voix contre 29 pour Richard Carrion, et respectivement 6, 5 et 4 voix pour Ser Miang Ng, Denis Oswald et Sergueï Bubka, Ching-Kuo Wu ayant été éliminé lors d’un tour intermédiaire.

Thomas Bach et Jacques Rogge, le 10 septembre 2013 à Buenos Aires, Argentine (Crédits – CIO / Richard Juilliart)

Depuis son accession à la présidence du CIO, Thomas Bach n’a pas connu de répit, avec une succession de crises qui ont affecté encore un peu plus l’image d’une institution déjà largement décriée après la gestion des Jeux d’Athènes 2004 et les dépenses engendrées pour les Jeux de Pékin 2008 et surtout de Sotchi 2014.

Après la tenue de cette dernière édition d’ailleurs, les révélations de dopage organisé ont en effet secoué le CIO, qui a alors tardé à se positionner clairement sur le sort des athlètes russes en prévision des Jeux d’été de Rio 2016, les Fédérations Internationales (FI) ayant même été sollicitées pour réagir au cas par cas, tout comme l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) qui a prononcé fin 2019 une suspension de la Russie de toutes compétitions pour une durée de quatre ans.

Mais au-delà de cette épineuse question, Thomas Bach a surtout été confronté au désamour des Villes à l’égard des Jeux, un désamour qui s’était déjà exprimé au cours de précédentes phases de candidatures, en particulier pour les Jeux d’hiver de 2018 – trois Villes Candidates, dont Annecy pour la France – et pour l’édition d’été de 2020.

Aussi, face au maintien de seulement deux candidatures pour les Jeux de 2022 – à savoir Pékin (Chine) et Almaty (Kazakhstan) – le CIO a commencé à prendre conscience qu’une accélération des réformes devenait impérative pour espérer sauver et pérenniser le modèle olympique.

Mais le véritable déclic n’est toutefois intervenu que durant la phase de sélection de la Ville Hôte des Jeux d’été de 2024.

Mis au pied du mur après les retraits précoces des candidatures de Boston (États-Unis), Hambourg (Allemagne), Rome (Italie) et Budapest (Hongrie), l’institution olympique a ainsi dû consentir à une double attribution des Jeux 2024-2028 afin d’avoir la certitude de conserver dans le giron des Jeux les Villes déjà doublement auréolées des anneaux olympiques, Paris et Los Angeles.

Cette décision historique – actée en juillet 2017 au cours d’une Session extraordinaire à Lausanne et entérinée lors de la Session organisée à Lima (Pérou) – marqua alors l’aboutissement d’un long cheminement durant lequel les négociations furent intenses pour parvenir à une stratégie triplement gagnante pour Paris, Los Angeles et le CIO.

Anne Hidalgo, Maire de Paris ; Thomas Bach, Président du CIO ; et Eric Garcetti, Maire de Los Angeles, lors de l’annonce des Villes Hôtes 2024 et 2028, le 13 septembre 2017 (Crédits – Sport & Société)

Aujourd’hui, l’institution – qui poursuit ses efforts de modernisation et de prise en considération des spécificités des territoires avec l’adoption de la Nouvelle Norme en 2018 et la refonte de la procédure des candidatures – est engagée dans un défi d’une toute autre nature avec la gestion de la crise du Covid-19.

Au printemps 2020, et malgré la pression exercée par des athlètes, des dirigeants et largement relayée par les médias, le CIO et son Président ont réussi à maintenir une réflexion et un calendrier qui ont finalement conduit au choix – sans précédent – de reporter la prochaine échéance des Jeux d’été, à savoir l’édition de Tokyo 2020.

A l’heure actuelle, les discussions continuent bien sûr entre l’institution et les autorités nippones pour préparer au mieux le projet d’accueil de l’événement planétaire dans des conditions forcément revues et corrigées par rapport au dispositif initialement envisagé, avec le concours notable des différentes parties prenantes, parmi lesquelles les Fédérations Internationales et les Comités Nationaux Olympiques (CNO).

A ce stade, les sites ont tous été sécurisés pour une utilisation en 2021 et le calendrier des épreuves a également été peaufiné par le Comité d’Organisation des Jeux de Tokyo 2020.

Du côté du CIO, Thomas Bach – qui espère que les Jeux seront le symbole de “la lumière au bout du tunnel” – a précisé cette semaine que 100 millions de dollars ont d’ores et déjà été octroyés aux FI et aux CNO, tandis que 650 millions de dollars doivent être accordés aux organisateurs des Jeux pour faire face aux surcoûts liés au report de l’événement.

Thomas Bach, Président du CIO, à l’ouverture de la 136e Session exceptionnellement organisée en visioconférence, vendredi 17 juillet 2020 (Crédits – CIO / Greg Martin)

En annonçant dès à présent son souhait de prétendre à un nouveau mandat présidentiel, Thomas Bach entend montrer qu’il conserve la main sur une organisation qu’il a su adapter aux nouvelles circonstances.

En pleine tempête, le leader allemand – qui a présenté il y a peu une réflexion pour bâtir le modèle olympique de l’après-crise avec une santé financière préservée et même consolidée pour le CIO – apparaît en tout cas comme le seul candidat crédible.

Si les membres électeurs du CIO renouvellent leur confiance en 2021, Thomas Bach exercerait un second et dernier mandat d’une durée moindre que le premier. Comme le mentionne en effet la Règle 20-1 de la Charte Olympique :

La Session élit, au scrutin secret, un Président parmi ses membres pour un mandat de huit ans, renouvelable une seule fois pour quatre ans.

En cas de réélection l’an prochain, l’actuel Président du CIO conserverait donc les clés de la Maison Olympique jusqu’en 2025, ce qui inclurait parmi les événements célébrés, les Jeux de Pékin 2022 et de Paris 2024, sans oublier les Jeux Olympiques de la Jeunesse de Gangwon 2024, l’édition de Dakar 2022 ayant en revanche été décalée à 2026.