En fin de semaine dernière, les autorités australiennes ont fait savoir qu’elles suspendaient la candidature du Queensland à l’organisation des Jeux d’été de 2032. Cette annonce, liée au contexte sanitaire actuel, intervient au moment où le Comité International Olympique (CIO) est à la manœuvre avec une nouvelle approche concernant le processus des candidatures.

Embarquée dans la gestion du report des Jeux de Tokyo 2020, l’institution olympique doit aussi affronter les soubresauts de la crise du Covid-19 et les répercussions attendues et redoutées de celle-ci à court terme et à moyen terme.
Aussi, le retrait temporaire de la candidature de Queensland 2032 ne doit pas être interprété comme une énième défection – ce que les opposants aux Jeux pourraient faire valoir – pour le modèle olympique.
En effet, le contexte actuel constitue évidemment un défi que le CIO n’avait pas forcément imaginé, mais les réformes conduites depuis 2014 peuvent être l’une des réponses à la crise pour le Mouvement Olympique. Au cours des dernières années, l’institution de Lausanne (Suisse) a ainsi fait le constat cruel d’un faible nombre de candidatures pour chaque nouvelle échéance olympique, que cela concerne d’ailleurs les Jeux d’hiver, tout comme les Jeux d’été.
Face à ce constat – illustré en particulier par les deux candidatures finalistes pour les JO 2022 (Pékin et Almaty) et 2026 (Stockholm-Are et Milan-Cortina), et par une procédure 2024-2028 inédite – l’institution présidée par Thomas Bach a élaboré, dans le prolongement de l’Agenda 2020, une nouvelle réforme baptisée la Nouvelle Norme.
Même si cette dernière a été présentée en 2018, avec une adaptation de la procédure des candidatures aux Jeux de 2026 et une prise en compte des éléments de la réforme pour les hôtes 2022 et au-delà, sa pleine application concernera en priorité les échéances non-encore attribuées, ce qui inclus donc les Jeux de 2032.
A l’aune de cette réforme, le CIO a ainsi fait preuve de sa volonté d’établir un dialogue constant et régulier avec les potentiels territoires intéressés pour l’accueil des Jeux. Dans le cadre du processus pour 2032, cela s’est notamment traduit par des conseils prodigués aux candidatures déjà annoncées ainsi que par des visites, dans la Capitale Olympique, de représentants du Queensland (Australie) mais également de Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne).

La souplesse nouvelle adoptée par le CIO tranche bien sûr avec l’image passée de l’institution, longtemps caricaturée pour ses pratiques de gouvernance ou pour la lourdeur de ses procédures.
Jusqu’à présent, un délai de requérance d’un an était en effet fixé, délai au cours duquel un Groupe de Travail établissait une short-list pour engager par la suite une phase de candidature d’une durée d’un an qui aboutissait à l’élection de la Ville Hôte en grande pompe avec l’établissement d’un calendrier immuable de sept années entre l’attribution des Jeux et l’ouverture de ces derniers.
Mais la double attribution des JO 2024-2028 à Paris et à Los Angeles a rebattu les cartes et a de fait amorcé un changement de philosophie au sein de l’institution.
Désormais, avec l’attelage de ses réformes, le CIO se garde le droit de confier les clés des Jeux non plus à une Ville, mais à un territoire, potentiellement d’envergure régionale voire même au-delà. Exit donc la traditionnelle Commission d’évaluation qui a fait trembler nombre de Villes Candidates, place aujourd’hui à la Commission de Futur Hôte qui – derrière ce terme peu commun – est chargée de conduire les discussions avec les prétendants aux Jeux et de formuler une option viable basée sur l’un des projets en présence.
En janvier dernier, ce nouveau modèle avait d’ailleurs été présenté par Octavian Morariu, Président de la Commission de Futur Hôte pour les projets des Jeux d’hiver. Devant ses pairs, membres de la Session du CIO, le leader Roumain avait notamment exposé l’état d’avancement des dossiers et des discussions avec trois territoires susceptibles de recevoir l’événement hivernal entre 2030 et 2038, à savoir Sapporo (Japon), Salt Lake City (Utah, États-Unis), et Barcelone-Pyrénées (Espagne).
Cette présentation fut l’occasion de rappeler que le CIO peut dorénavant choisir un Hôte à un instant T, si les conditions sont réunies en coopération avec les porteurs d’un projet. Autrement dit, plutôt que de respecter un délai de sept ans, le CIO peut décider d’attribuer les Jeux au moment où il le jugera le plus opportun dans l’intérêt de chacune des parties.

Avec l’avancement des discussions pour les Jeux de 2032, et la posture de favorite de la candidature du Queensland, certains ont alors pu imaginer un choix rapide de l’institution olympique dans la foulée de la tenue des Jeux de Tokyo 2020.
Le contexte actuel a néanmoins une incidence, non pas vis-à-vis des forces en présence – avec outre l’Australie et l’Allemagne, les éventuelles candidatures de la Corée du Nord-Corée du Sud, de l’Inde, ou encore de l’Indonésie – mais tout du moins de l’échéancier relatif à la désignation du Futur Hôte.
Plutôt que 2021, le choix pourrait ainsi se faire en 2022 voire quelques mois plus tard si nécessaire, la marge de sécurité étant relativement conséquente.
En suspendant la candidature le temps de permettre aux autorités locales, régionales et fédérales de gérer au mieux l’impact de la crise, les porteurs du projet de Queensland 2032 se placent quant à eux volontairement au-dessus de la mêlée.
Cela permet d’abord de signifier aux yeux du CIO un total engagement à contribuer à l’émergence et à l’installation durable d’un nouveau modèle de Jeux tel qu’attendu par Thomas Bach, plus vertueux pour les territoires et porteurs d’héritage pour les populations. Cela permet ensuite de laisser reposer une candidature au front depuis 2018. Le contexte – bien que contraint et forcé – peut par ailleurs permettre aux concepteurs du dossier australien de finaliser la planification de leur projet avec notamment le choix des sites.
Une stratégie finalement susceptible de s’avérer payante au moment où le processus décisionnel redémarrera à plein régime.
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