Critiqué par certains athlètes à travers le monde, voire même par certains de ses propres membres, le Comité International Olympique (CIO) maintient en l’état son objectif d’organiser les Jeux Olympiques d’été à compter du 24 juillet prochain et ce, en dépit de la situation sanitaire actuelle relative au Coronavirus.

Dans une interview accordée au “New York Times”, le Président du CIO a ainsi fait part de sa détermination à ce que les Jeux soient organisés, sans pression extérieure, rappelant au passage que l’institution n’a pas de problème de trésorerie. Comme l’a affirmé Thomas Bach :
Nous avons établi ce principe clair selon lequel nous devons agir de manière responsable. Il s’agit donc avant tout de protéger la santé de toutes les personnes impliquées et de soutenir la maîtrise du virus.
Ensuite, la décision du CIO ne sera déterminée par aucun intérêt financier. Grâce à nos politiques de gestion des risques en place depuis quatre ans et grâce à notre assurance, le CIO pourra continuer ses opérations et poursuivre sa mission.
Les 206 Comités Nationaux Olympiques et les Fédérations Internationales ont exprimé le fait que le monde, dans cette situation extrêmement difficile et préoccupante, a besoin d’un symbole d’espoir.
Pour nous, sans savoir combien de temps la traversée du tunnel durera, nous aimerions que la flamme olympique soit une lumière au bout de ce tunnel, et envoie un message de paix et, dans ces circonstances difficiles, un message d’espoir et d’unité pour l’humanité.

Au moment où la flamme olympique vient d’arriver au Japon, après une cérémonie de passation de flambeau dans un Stade Panathénaïque étrangement vide de tout spectateur – principe de précaution oblige – le CIO entend plus que jamais se laisser le temps nécessaire à l’examen de la situation et des répercussions de cette dernière.
Pour cela, l’institution de Lausanne (Suisse) a constitué un Groupe de Travail spécifique, et coopère en outre avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui, le moment venu, conseillera le CIO sur la solution la plus adéquate pour ce qui est des Jeux de Tokyo 2020, dans l’intérêt des athlètes et des millions de spectateurs attendus.
Aussi, face à l’incertitude concernant l’évolution de l’épidémie de Coronavirus en Asie, en Europe et sur le reste de la planète, le Président du CIO écarte toute prise de décision qui serait trop hâtive. Il l’avait déjà fait savoir en début de semaine, à l’issue de la consultation des Fédérations Internationales engagées dans les Jeux d’été. Il le martèle à nouveau :
Personne aujourd’hui ne peut vous dire quels seront les prochains développements, dans un mois, sans parler de ce que sera la situation dans quatre mois.
Par conséquent, il ne serait pas responsable de fixer une date ou de prendre une décision dès maintenant, décision qui serait basée sur des spéculations.
Signe, peut-être, d’une inflexion de la position adoptée jusqu’à présent, le Champion Olympique d’escrime aux Jeux de Montréal 1976 reconnaît désormais que différents scénarios sont sur la table, sans en évoquer toutefois les contours précis.
Mais si un report semble envisageable – avec potentiellement un échelonnement à quelques mois, à un an ou même à deux ans – une annulation de la manifestation sportive n’est pas à l’ordre du jour.
Une telle solution aurait en effet de lourdes conséquences pour la Ville Hôte d’une part et pour le CIO d’autre part, même si l’institution se montre confiante quant à sa capacité à gérer une situation de crise.

Jamais d’ailleurs l’événement olympique n’a dû subir une annulation, hormis durant les deux Guerres Mondiales qui ont impacté les éditions prévues en 1916, en 1940 en 1944.
Pour les Jeux d’été de 1916, plusieurs villes avaient fait acte de candidature, parmi lesquelles Budapest (Hongrie), Alexandrie (Égypte) et Cleveland (États-Unis).
Mais à force de persévérance, Berlin (Allemagne) – qui avait lorgné sur de précédentes Olympiades – fut choisie par les membres du CIO, à l’été 1912 lors d’une Session organisée à Stockholm (Suède). Finalement, le premier conflit mondial eut raison de l’ambition allemande. Quelques décennies plus tard, la ville fut enfin le théâtre des Jeux, mais dans des conditions plus que contestables au regard de l’utilisation de l’événement par le régime nazi (1936), qui doubla d’ailleurs la mise avec la tenue, cette même année, des Jeux d’hiver à Garmisch-Partenkirchen.
Pour les Jeux d’été de 1940, Tokyo avait démontré un intérêt à accueillir l’événement mondial en ayant à l’esprit le fait que l’année choisie ferait référence au 2 600ème anniversaire du couronnement du tout premier Empereur nippon, Jinmu. A l’époque, outre la candidature tokyoïte, le CIO avait aussi réceptionné le projet d’Helsinki (Finlande).
Malgré un contexte géopolitique tendu – avec le déclenchement de la guerre sino-japonaise – l’organisation des Jeux fut accordée à Tokyo par 36 voix contre 27 à sa rivale européenne.
Cependant, après moult contestations à travers le monde, et au regard de l’avancé du conflit régional, relativement onéreux pour les finances nippones, le CIO confia in fine les Jeux à Helsinki, en juillet 1938. Deux mois plus tard, l’institution repensa aussi les Jeux d’hiver. Initialement confiés à Sapporo (Japon), les Jeux 1940 furent ainsi accordés à Garmisch-Partenkirchen, déjà hôte de l’événement quelques années auparavant et donc en capacité de recevoir les athlètes et les milliers de spectateurs.
Avec le second conflit planétaire, les deux éditions olympiques furent néanmoins successivement annulées. Le 25 novembre 1939, l’Allemagne renonça ainsi à organiser les Jeux d’hiver, tandis que l’invasion de la Finlande par l’URSS, quelques jours plus tard, enclencha le retrait forcé d’Helsinki pour les Jeux d’été.
Mais en dépit des tensions internationales de l’époque, le CIO ne dérogea pas à son principe de neutralité politique.
Pour preuve, dès 1939, l’institution attribua les Jeux d’été de 1944 à Londres (Royaume-Uni) avec 20 voix, au détriment de Rome (Italie ; 11 voix), Détroit (États-Unis ; 2 voix) et Lausanne (Suisse ; 1 voix). Les Jeux d’hiver de cette même année furent également décernés. Cortina d’Ampezzo (Italie) rafla alors la mise avec 16 suffrages, contre 12 pour Montréal (Canada) et 2 pour Oslo (Norvège), sans oublier 5 abstentions exprimées par les membres votants.

A l’exception des confits armés, l’organisation des Jeux n’a donc jamais été perturbée au point d’entraîner une annulation pure et simple des compétitions olympiques.
Pour Tokyo 2020, une option de report pourrait dès lors être identifiée pour à la fois assurer la tenue des Jeux sur l’année 2020 et permettre aux athlètes de se préparer dans des conditions plus convenables au sortir de l’été.
En imaginant un déroulement des Jeux en octobre 2020, le CIO se laisserait une marge de manœuvre face aux risques actuels. Il s’agirait aussi d’une symbolique vis-à-vis des Jeux de Tokyo 1964 qui eurent lieu en octobre de l’année énoncée. Avec cette période, les problématiques liées à la chaleur estivale seraient par ailleurs évacuées, tant pour les organisateurs que pour les compétiteurs.
Le CIO pourrait aussi choisir un report plus conséquent, en actant un décalage d’une année, à l’instar du choix fait cette semaine par l’UEFA pour l’EURO 2020 de football.
Quoiqu’il en soit, aucune décision ne devrait être prise par l’institution avant la fin du mois d’avril ou le début du mois de mai. A moins que l’évolution de la situation sanitaire ne précipite une prise de position sur la base des recommandations de l’OMS et des diverses parties prenantes aux Jeux.
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