Cette fois-ci, la crise politique est bien en marche dans le pays-hôte des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques d’été.
Comme l’a récemment affirmé l’hebdomadaire britannique “The Observer”, “les pays qui organisent les Jeux Olympiques essaient généralement de présenter leur visage le plus attractif.
[…] Ce n’est pas le cas du Brésil, où se tiendront les JO d’été en août, à Rio de Janeiro”.
Près de sept ans après avoir obtenu l’organisation de l’événement dans un élan populaire et dans un contexte économique et politique encore florissant, le Brésil se trouve aujourd’hui au bord de l’implosion entre les partisans de la Présidente Dilma Rousseff et de son emblématique prédécesseur Lula, et les tenants d’une profonde refonte politique emmenés par l’opposition gouvernementale et les milieux financiers.
Cette semaine, de nouveaux rebondissements sont venus s’ajouter aux révélations relatives au scandale “Petrobras”, aux déboires judiciaires de Lula et à une situation économique plus que morose, avec une contraction de 3,8% en 2015 et une dette à 65% du Produit Intérieur Brut (PIB).

Ainsi, la procédure de destitution à l’encontre de Dilma Rousseff a officiellement été activée, avec l’élection – par les Parlementaires – d’une Commission spéciale composée de 65 députés. Ces derniers sont désormais chargés de rédiger un rapport pour recommander ou non la poursuite de la procédure d’Impeachment.
Un premier avis devrait être donné d’ici un mois. A ce moment-là, les députés se réuniront en Assemblée plénière pour se prononcer sur la mise en accusation de la Présidente.
Pour être mise en œuvre, cette procédure devra alors recueillir les suffrages de 342 des 513 députés afin d’écarter provisoirement Dilma Rousseff de ses fonctions. La destitution devra ensuite obtenir l’appui de 54 des 81 sénateurs.
Les deux prochains mois s’annoncent donc délicats pour le Parti des Travailleurs (PT) de Dilma Rousseff et Lula.
D’ailleurs, l’ancien Président a lui aussi vécu une nouvelle semaine mouvementée. Comme cela était pressenti, Dilma Rousseff a décidé de nommer son mentor politique Chef de Cabinet et ce, avec l’objectif à peine voilé de ralentir la procédure judiciaire visant Lula.
Un Ministre ne peut en effet être jugé que par une formation spéciale, écartant de fait les juridictions de droit commun. Un fait qui a notamment été sous-entendu dans une conversation entre les deux leaders politiques, conversation issue des écoutes du téléphone portable de Lula.
Mais la manœuvre a été vivement critiquée par une partie de la population, tandis que le juge Gilmar Mendes a suspendu la nomination de Lula au sein du Gouvernement, souhaitant que l’enquête judiciaire se poursuive et soit menée par le juge Sergio Moro en charge du dossier “Petrobras”.

Désormais, la Cour Supérieure de Justice devra statuer sur le sort de l’ancien leader de la puissance Sud-Américaine. Deux options sont entre les mains de la juridiction suprême brésilienne : lever la suspension de Lula, autorisant de fait son entrée au Gouvernement, ou maintenir cette suspension, ce qui ajoutera de la crise à la crise.
Lula a d’ores et déjà prévenu que ses partisans et lui-même ne laisseraient pas le pays sombrer dans “un coup d’État”.
Le Gouvernement a également réagit aux dernières accusations lancées à l’encontre de Dilma Rousseff, en annonçant le dépôt d’une plainte contre le sénateur Delcídio Amaral.
“Les mensonges et absurdités répétés énoncés par Delcídio Amaral ne reposent sur aucune réalité. Cela suit donc une stratégie de vengeance.
[…] Le Gouvernement réaffirme qu’il n’a jamais interféré dans l’enquête et n’a pas créé d’obstacles au développement de celle-ci, de même, qu’il n’a jamais interféré dans les décisions du pouvoir judiciaire.
[…] La Présidente Dilma Rousseff est déterminée à enclencher toutes les mesures juridiques appropriées à l’encontre de Delcídio Amaral, de sorte qu’il soit responsable, en vertu de la loi, de ses déclarations calomnieuses et diffamatoires” a notamment déclaré le Secrétariat de la Présidence dans un communiqué publié samedi.
Mais les marques de soutien à l’égard de la Présidente Dilma Rousseff et de ses proches semblent bien maigres aujourd’hui. Vendredi 18 mars, entre 275 000 et 1,3 million de personnes ont ainsi défilé dans les rues de 55 villes, dont Rio de Janeiro.
Ces chiffres différent largement de ceux enregistrés dimanche 13 mars à l’occasion de la mobilisation de l’opposition. Ce jour-là, entre 3,6 et 6,9 millions de manifestants avaient marché dans quelques 337 villes brésiliennes.
Dans le même temps, un sondage de l’institut Datafhola* a montré la profonde fissure entre partisans et opposants à Dilma Rousseff.

A l’heure des grandes manœuvres parlementaires, 68% des sondés estiment que les députés doivent voter la destitution de la Présidente, tandis que 27% y sont opposés. En février dernier, une précédente enquête faisait état d’un rapport de force de 60%-33%.
Parmi les autres enseignements de l’enquête, 65% des sondés souhaitent que Dilma Rousseff présente sa démission (32% contre) et 69% estiment que le bilan gouvernemental est mauvais voire très mauvais, 10% seulement estimant à l’inverse que l’action des autorités est bonne voire excellente.
Concernant Lula, 57% des sondés se déclarent opposés à l’ancien Président contre 47% en novembre 2015. Dans le même temps, 68% estiment que la principale motivation de Lula à entrer dans le Gouvernement réside dans le fait d’échapper à la justice. Seuls 19% pensent que cette initiative vise à aider l’action de Dilma Rousseff.
Mais la perception des Brésiliens à l’égard de Lula est toutefois paradoxale.
Interrogés sur le meilleur Président de l’histoire du pays, 35% se tournent en direction de Lula, soit le plus haut chiffre parmi une liste de 10 dirigeants. Fernando Henrique Cardoso, prédécesseur de Lula, recueille quant à lui 16% et Dilma Rousseff n’obtient l’appui que de 1% des sondés.
Quel spectacle désolant. Le CIO doit commencer à se demander qui sera en mesure d’ouvrir les Jeux le 5 août prochain. Rousseff risque d’être copieusement sifflée dans le stade! Je me souviens que cela fut le cas d’Edith Cression lors de la cérémonie de clôture des JO d’Albertville en 1992. Mais là, cela risque d’être multiplié par 10!
Pour Rousseff, l’expérience des sifflets est déjà bien présente. Rappelons-nous la Coupe du Monde de football avec les sifflets du Maracana…
La situation est aujourd’hui à un point de non-retour.