Ce soir, “La Chaîne Parlementaire” proposait un débat autour de la candidature olympique de Paris 2024, dans le cadre de son émission “Ça vous regarde”. Parmi les invités, Armand de Rendinger, consultant international et observateur du Mouvement olympique et Marie-George Buffet, ancienne Ministre de la Jeunesse et des Sports (1997-2002).
L’un et l’autre ont été des acteurs des précédentes candidatures tricolores, le premier ayant occupé les fonctions de responsable des relations internationales pour la candidature de Paris 2012, la seconde ayant été Ministre lors de la candidature de Paris 2008.
Pour Armand de Rendinger, les leçons de 2012 devront être retenues par les porteurs de la nouvelle candidature et ce, afin de ne pas répéter les erreurs du passé. Comme il a déjà eu l’occasion de le mentionner, Paris 2012 a échoué dans sa quête olympique en raison de trois éléments principaux.
“On a échoué pour une raison bien simple : nous n’avons pas travaillé jusqu’au bout, contrairement aux Britanniques et à Tony Blair. Le membre du Comité International Olympique (CIO) est un être que l’on doit fidéliser, à qui on doit expliquer que voter pour Paris serait intéressant pour lui, et beaucoup plus intéressant pour lui que pour nous, pour Paris.
Il y a eu un sans faute qui a été fait pendant 20-21 mois, jusqu’à la visite de la Commission d’évaluation. Il y a eu deux erreurs jusqu’à cette période-là, c’est le fait que Bertrand Delanoë n’était pas à plein temps et le fait que le Mouvement sportif n’était pas devant. Mais est-ce que le Mouvement sportif a voulu, a su, a pu, est-ce que cela lui a été empêché. Donc il y a eu ces tiraillements et trois mois avant le vote, tout le monde était persuadé que la France avait gagné, que la France avait 25 voix d’avance – c’est une arrogance, c’est une condescendance – et nous n’avons pratiquement plus rien fait.
Et puis il y a eu une querelle des égos absolument invraisemblable entre les politiques de Droite et de Gauche, pour savoir qui prendrait en charge ensuite l’organisation des Jeux Olympiques.
Troisième erreur : le film de Luc Besson. Nous avons découvert le film – pour les gens qui étaient en charge de la candidature – huit jours avant de partir à Singapour. A partir de là, avec un film de 52 minutes alors que d’habitude ce sont des films de 12-13 minutes, – d’autant plus que l’on passait en premier à Singapour à 09h00 du matin -, il fallait réveiller les membres du CIO et là, 52 minutes c’était cuit, il ne restait plus que 10 à 15 minutes de questions-réponses, et le film en lui-même était passéiste. Mais à la limite que le film soit passéiste ou pas, mais ce film ne correspondait même pas à l’image que l’on voulait donner de la candidature'”.
Selon Marie-George Buffet, les différents éléments exposés rejoignent les écueils constatés dans la candidature de Paris 2008, avec une présence politique forte et un Mouvement sportif hésitant concernant son engagement et sa place.
“Un matin, j’entends à la radio que nous sommes candidat. Je suis Ministre des Sports, j’appelle le Président du CNOSF en hurlant pour lui dire ‘vous auriez pu me prévenir quand même’, et c’était le Président de la République qui avait dîné avec le Président du CIO et qui avait annoncé la candidature.
On recommence à chaque fois. C’est-à-dire que les JO deviennent une affaire politique, au sens, ‘c’est nous qui allons avoir les JO’. Le Mouvement sportif arrive derrière et ensuite on vend Paris. Mais Paris n’a pas besoin d’être vendu. Chacun sait que c’est une belle ville. Le film de 2008, c’est comme le film de 2012, oui c’est beau Paris !
Qu’est-ce qu’a fait Londres ? Londres a dit, ‘regardez, nous avons des quartiers déshérités et grâce aux Jeux Olympiques, nous allons sortir ces quartiers de la difficulté’. Moi je rêve que l’on présente une candidature – tout le monde ne sera peut-être pas d’accord – où il n’y aurait plus d’autoroute A1, on fait une coulée verte, on réinvente quelque chose, il n’y a plus le périphérique, frontière entre la Seine-Saint-Denis et Paris. Ce sont des idées qui pourraient donner un sens. Il faut aussi que le Mouvement sportif se tourne vers la population, il faut une candidature populaire”.
Députée de Seine-Saint-Denis, Marie-George Buffet souhaite donc l’intégration de ce département au dispositif olympique parisien. Mais, consciemment ou inconsciemment, elle rejoint de ce fait les différents élus qui se succèdent dans les médias depuis plusieurs semaines et qui réclament telle infrastructure ou tel équipement en vue d’accueillir les Jeux.
Or, et certains semblent aujourd’hui passer outre cet élément, le Mouvement sportif doit pouvoir être en capacité de contrôler le tempo de la candidature d’une part et l’élaboration du projet d’autre part.
L’élément politique est bien entendu essentiel – les responsables politiques et les Collectivités apportant les garanties nécessaires à la bonne organisation des Jeux – mais il doit demeurer à l’arrière, en soutien du Mouvement sportif et non pas être aux premières loges afin de contrôler que telle ou telle ville obtiendra un ou plusieurs équipements du dispositif.
Ce constat amène dès lors à se poser les bonnes questions, questions que les promoteurs de la candidature française peinent encore à apporter : Qu’est-ce que Paris peut apporter au Mouvement olympique et pourquoi veut-on obtenir les Jeux ?
Cette double interrogation a d’ailleurs été rappelée par Armand de Rendinger sur le plateau de l’émission, mais aussi dans son ouvrage “La tentation olympique française, les secrets d’une décision”.
Comme il l’a mentionné ce soir, “pour prendre les choses comme elles sont aujourd’hui, le CIO est une institution planétaire, c’est une cash-machine qui peut vivre sur deux boycott sans problème, tellement elle a d’argent qui rentre.
Le CIO n’a pratiquement pas changé. Il s’est professionnalisé, mais la composition du CIO est toujours la même. Vous avez une centaine de membres représentants une soixantaine de pays, dont la moitié n’a pas les mêmes principes démocratiques que les nôtres.
Pour Paris, le CIO n’attend pas qu’on lui vende Paris. Qu’est-ce qu’il attend ? La question qu’il faut vraiment se poser et que le CIO attend de nous, c’est ‘en quoi, si j’attribue les JO à Paris, la ville va apporter au CIO’. C’est cynique, c’est pragmatique.
L’autre question, c’est ‘pourquoi on veut les Jeux ?’ On veut les Jeux parce que l’on sait que pour l’image d’un pays c’est extraordinaire, que l’on va pouvoir accélérer l’aménagement des infrastructures, donc c’est un choix politique !”
Avant de déclarer officiellement la candidature de la France, les porteurs de celle-ci devront apporter quelques précisions et répondre à ces questions. Ils devront notamment le faire à l’approche de la rencontre programmée au CIO, le 03 juin prochain.
Une étape qui constituera véritablement une première approche avec le Mouvement olympique et qui permettra sans doute de sonder les premières impressions issues de l’ambition olympique et paralympique tricolore.
Les porteurs de la candidature devront également travailler sur la communication entourant le futur projet et la future gouvernance. Le voyage diplomatique du Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports en est d’ailleurs un exemple frappant.
En demandant un “lobbying forcené”, Patrick Kanner ignore peut-être qu’il a pourtant commis deux impairs au pays du Soleil Levant : ne pas avoir été accompagné de l’un des membres français du CIO et surtout, ne pas avoir au d’entretien avec Tsunekazu Takeda, véritable homme fort du Comité d’Organisation des Jeux de Tokyo 2020 et responsable du programme marketing de l’institution olympique.