Financement et lobbying, deux éléments majeurs pour faire le succès d’une candidature olympique

La victoire de Tokyo 2020, hier soir, illustre quelque peu l’importance de la persévérance au sein du Mouvement Olympique.

Certes, ce n’est que la deuxième fois que la capitale japonaise présentait un dossier, mais ce projet a été bâti de manière exemplaire, comme le rappelait d’ailleurs l’un des membres de la délégation nippone : “Nous avons pris le meilleur du projet de 2016 et nous avons amélioré le reste”.

Cette rigueur ainsi que la qualité technique et financière du dossier de Tokyo 2020 ont donc convaincu les membres-électeurs de l’institution de Lausanne, de confier l’organisation des Jeux de 2020 au Japon.

Annonce de la Ville Hôte - JO 2020

Mais comme pour toute candidature, le point de départ demeure la levée de fonds, denrée indispensable afin d’élaborer un puissant dossier, capable de rivaliser avec les meilleurs concurrents à l’échelle internationale.

On l’a vu pour 2012, avec la participation de cinq mégalopoles mondiales (New York, Moscou, Madrid, Paris et Londres), on l’a constaté une fois de plus pour l’Olympiade de 2016 (Chicago, Tokyo, Madrid et Rio) et on l’a encore mesuré tout au long du processus de sélection pour 2020 (Istanbul, Madrid et Tokyo).

Pour mener à bien un projet olympique, il faut donc être capable de mobiliser toutes les forces vives d’un pays, à savoir les forces institutionnelles et politiques, mais aussi et surtout, économiques et industrielles.

De ce point de vue là, Tokyo 2020 a parfaitement réussi l’exercice : soutien politique au plus haut niveau de l’État, soutien populaire record et sans commune mesure avec la candidature de 2016, appui économique conséquent avec notamment l’engagement de multinationales telles que Towota ou Japan Airlines

De fait, depuis 2009 et la candidature malheureuse pour les JO 2016, Tokyo a souhaité consolider son projet olympique de deux manière : sécuriser l’investissement nécessaire à l’aménagement des sites – 10 nouvelles infrastructures pérennes pour 4,5 milliards d’euros -, tout en levant quelques 63,2 millions d’euros pour la candidature aux JO 2020.

Dans son dossier de candidature, Tokyo 2020 avait notamment indiqué que ladite candidature serait “financée par des fonds issus du secteur privé (51%) et par le Gouvernement Métropolitain de Tokyo (49%).

En tirant pleinement parti de l’expérience, des connaissances et de l’expertise acquises lors de sa candidature de 2016, Tokyo limitera les coûts de la candidature.

Les dépenses estimées pour la candidature s’élèvent à près de 83,3 millions de dollars.

Le Comité de Candidature de Tokyo 2020 projette de récolter environ 42,2 millions de dollars (32,02 millions d’euros) en provenance du secteur privé. Environ 41,1 millions de dollars (31,2 millions d’euros) seront par ailleurs versés par le Gouvernement Métropolitain pour la candidature de Tokyo dans la mesure où celle-ci apportera un héritage pour l’Aire Métropolitaine de Tokyo”.

La candidature avait en outre présenté un détail du budget de candidature ;

– Phase 1 (Demande de Candidature) : 5,5 millions de dollars (4,17 millions d’euros),

– Phase 2 (Candidature) : 77,8 millions de dollars (59,03 millions d’euros).

Tokyo 2020 - Shinzo Abe - Buenos Aires

Ce budget est, selon les estimations, supérieures à ceux de Madrid 2020 et Istanbul 2020.

En effet, ces dernières prévoyaient un budget de candidature de l’ordre de 30 à 35 millions de dollars (22,76 à 26,55 millions d’euros) et 55 millions de dollars (41,73 millions d’euros).

De là à dire qu’il faut pouvoir présenter le budget le plus conséquent pour obtenir les Jeux…

Comme l’affirme un expert du marketing olympique cité par “Le Figaro”, “aujourd’hui, pour être considéré comme un candidat sérieux, une ville doit investir au moins 100 millions de dollars”, soit “quatre fois plus que les 22 millions dépensés par Athènes en 1997 pour obtenir les JO de 2004”.

Il faut dire que cette inflation des coûts de candidature – qui va de pair avec ceux de l’organisation stricto-censu -, s’explique en partie par la technicité demandée par le CIO.

En feuilletant les questionnaires de candidature puis les dossiers de candidature, on peut aisément se rendre compte des exigences posées par l’institution olympique, tant du point de vue des transports, que de l’hébergement sans oublier bien entendu, les sites sportifs ou encore la capacité de l’économie nationale à répondre au défi des Jeux.

Les centaines de pages réalisées par les Comité de Candidature – en français et en anglais – doivent permettre aux membres-électeurs de se forger une opinion, d’abord technique avant d’être une opinion de cœur.

Mais là encore, l’institution olympique étant ce qu’elle est, on a pu constater par le passé que la bonne technicité d’un dossier n’était pas un gage de victoire. Paris s’en souvient encore alors que la capitale française avait pourtant présenté un dossier de grande qualité…

Tokyo 2020 - Commission d'évaluation

Et c’est précisément pour cela que le lobbying est un élément majeur à ne surtout pas négliger dans le cadre d’une candidature olympique. Cet élément – flou et opaque pour le citoyen lambda – nécessite une part importante du budget de candidature, car chaque ville fait appel à des experts de la communication, des personnalités qui connaissent parfaitement les rouages du CIO, son fonctionnement, ses pratiques et évidemment, ses membres.

Ce sont ces experts qui vont guider les Comités de Candidature sur les gestes à accomplir, les paroles à prononcer à tel ou tel moment. Ce sont également ces experts qui vont permettre aux Villes Candidates de s’assurer le soutien d’un certain nombre d’Olympiens.

Conscients qu’une victoire dès le premier tour de scrutin est quasi-impossible, les communicants vont alors lister les uns après les autres, les membres du CIO : ceux qui soutiennent la candidature, ceux qui soutiennent une concurrente, ceux qui sont pour l’heure indécis. C’est précisément cette catégorie de membres qui sera le plus sollicitée par les Comités de Candidature et ce, afin d’obtenir une marge de sécurité en vue de l’élection.

Là encore, les chiffres semblent démontrer la parfaite maitrise de Tokyo 2020.

La candidature nippone a ainsi obtenu 42 voix dès le premier tour, alors que ses poursuivantes n’obtenaient que 26 suffrages chacune. En sachant que la majorité avait été fixée à 48 suffrages par le CIO, il fallait alors s’assurer un bon report de voix au tour suivant.

Dans le cas de Tokyo 2020 ce report n’a pas été bon, mais il a été excellent, puisqu’au troisième et dernier tour de scrutin, se retrouvant en “finale” face à Istanbul, la candidature japonaise est parvenue à s’imposer largement par 60 voix contre 36.

Illustrations :
– Annonce officielle de la Ville Hôte des JO 2020 par le Président du CIO, Jacques Rogge (Crédits – CIO / Flickr)
– Le Premier Ministre japonais, Shinzo Abe, devant la scène de présentation des Villes Candidates (Crédits – CIO / Flickr)
– Réunion de travail entre le Comité de Candidature de Tokyo 2020 et la Commission d’évaluation du CIO, le 06 mars 2013 (Crédits – Tokyo 2020)

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