Tokyo 2020 : L’attribution des Jeux a-t-elle été entachée de corruption ?

En mars 2016, « Sport & Société » évoquait l’enquête de la justice française concernant les conditions d’attribution des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2016 et de 2020.

Cette semaine, une nouvelle information du quotidien britannique « The Guardian » est venue semer davantage le doute quant à la sincérité du scrutin ayant conduit Tokyo (Japon) à remporter l’organisation des JO 2020.

Malgré un statut de favorite acquis au fil des mois, et en dépit d’un écart relativement important face à sa rivale Istanbul (Turquie) – 60 voix contre 36 le jour du vote – l’attribution de l’Olympiade aurait en effet été entachée par le versement de pots-de-vin.

(Crédits - Agus Sutanto / Flickr)
(Crédits – Agus Sutanto / Flickr)

Selon « The Guardian », le pôle financier du Parquet de Paris aurait trouvé trace de paiements suspects pour un montant global de 1,3 million d’euros pour le compte de la société « Black Tidings ». Le versement de cette somme aurait été réalisé sur un compte bancaire domicilié à Singapour, ville-État qui a d’ores et déjà proposé son aide à la justice française.

Comme cela fut déjà mentionné en mars dernier, l’un des fils de Lamine Diack, ancien membre du Comité International Olympique (CIO) et surtout ex-Président de la Fédération Internationale d’Athlétisme (IAAF), serait au cœur du scandale.

En effet, la société « Black Tidings » aurait été contrôlée par Ian Tan Tong Han, consultant auprès de « Athletic Managment Services » (AMS), filiale de l’entreprise nippone de marketing « Dentsu » qui est l’un des partenaires de l’IAAF. Surtout, Ian Tan Tong Han aurait des liens avec Papa Massata Diack, fils de Lamine Diack, actuellement recherché par Interpol.

L'ancien Président du CIO, Jacques Rogge ; et l'ex-Président du Comité de Candidature, Tsunekazu Takeda (Crédits - IOC / R.Juilliart)
L’ancien Président du CIO, Jacques Rogge ; et l’ex-Président du Comité de Candidature, Tsunekazu Takeda, en septembre 2013 (Crédits – IOC / Richard Juilliart)

Signe que ces nouvelles révélations sont de nature explosive pour Tokyo 2020, mais aussi pour le CIO, Tsunekazu Takeda s’est exprimé sur les conditions d’attribution des Jeux et sur le paiement des sommes évoquées par le quotidien britannique.

« Nous tenons à réaffirmer que les Jeux Olympiques de 2020 ont été attribués à Tokyo à la suite d’une compétition loyale et à la suite de l’examen de notre projet.

Les paiements mentionnés dans la presse correspondent à des honoraires versés de manière légitime suite aux services reçus de la part de la société de M. Tan. Le contrat et les fonds ont en outre été vérifiés par Ernst & Young Shinnihon LLC.

Le Comité de Candidature de Tokyo 2020 peut réaffirmer que le paiement pour des services professionnels a aussi concerné la planification de notre projet, les conseils pour la présentation de la candidature et le lobbying international. L’ensemble de ces services a correctement été contracté et ce, en suivant les procédures commerciales en vigueur » a notamment expliqué Tsunekazu Takeda.

Ce dernier joue gros. Très gros même.

Au-delà de son statut de Président du Comité Olympique du Japon, et d’ancien patron du Comité de Candidature de Tokyo 2020, Tsunekazu Takeda est avant tout l’un des hommes forts de l’institution olympique de Lausanne (Suisse) avec son porte-feuille de Président de la Commission Marketing.

Si de nouvelles révélations venaient à apparaître dans la presse internationale au cours des semaines à venir, nul doute que le Japonais pourrait être poussé vers la sortie et ce, compte-tenu de l’image que souhaite se donner le CIO après l’adoption d’une série de réformes ambitieuses.

Compilées dans l’Agenda 2020, ces réformes entendent d’une part revoir en profondeur le processus de candidature et le coût d’organisation des Jeux, mais elles ont aussi pour objectif de rendre plus transparente l’attribution des Jeux.

C’est ainsi que le CIO a lancé, au printemps 2015, un registre des consultants afin de rassembler toutes les informations concernant les sociétés qui travaillent auprès des candidatures.

De gauche à droite, le Premier Ministre du Japon, Shinzo Abe ; l'ancien Président du CIO, Jacques Rogge ; et l'ex-Président du Comité de Candidature de Tokyo 2020, Tsunekazu Takeda (Crédits - IOC / Richard Juilliart)
De gauche à droite, le Premier Ministre du Japon, Shinzo Abe ; l’ancien Président du CIO, Jacques Rogge ; et l’ex-Président du Comité de Candidature de Tokyo 2020, Tsunekazu Takeda (Crédits – IOC / Richard Juilliart)

Outre Tsunekazu Takeda, les autorités japonaises ont elles aussi tenu à monter au créneau, affirmant notamment qu’elles prendraient les mesures appropriées pour enquêter sur les agissements de l’ex-Comité de Candidature.

L’opposition gouvernementale a également exprimé son entonnement suite aux révélations de « The Guardian », tout en se montrant menaçante.

« Si les investigations des autorités françaises sont exactes, ce qui s’est produit est presque de nature criminelle. Nous sommes déterminés à porter cette affaire devant la Diète [le Parlement], peu importe qui est impliqué et dans quel pays » a ainsi affirmé Jun Azumi, Responsable des relations du Parti Démocrate du Japon avec le Parlement.

Après le scandale des emblèmes de Tokyo 2020 et les aléas concernant le projet de Stade Olympique, le Comité d’Organisation des JO 2020 se trouve donc à nouveau mêlé à la rubrique faits divers.

Une position dont il se serait bien passé.

5 pensées

  1. Toute la question est de savoir combien de voix Tokyo 2020 a ou non acheter. Pour l’instant il semblerait, à ce que j’ai compris, qu’il n’y ait qu’une voix d’acheter : Lamine Diack. Néanmoins ce dernier était un membre influent du CIO donc il peut avoir incité d’autres membres à voter pour Tokyo.
    Cependant, le grand écart entre Tokyo et Istanbul me laisse penser que même sans ces voix Tokyo aurait remporté les jeux. Néanmoins, si l’achat de voix même une seule remettrait en cause la crédibilité de Tokyo et du CIO. Si les faits sont avérés, Madrid et Istanbul pourrait demander des compensations.

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