JO 2024 : Les problématiques d’une candidature parisienne

En lançant une étude d’opportunité et de faisabilité, le mouvement sportif français veut évaluer les chances de succès d’une future candidature à l’organisation des Jeux Olympiques.

Malgré l’intérêt démontré par Lyon ou encore Marseille, seule la ville de Paris peut aujourd’hui porter un projet olympique.

Mais les défis sont immenses et les problématiques, loin d’être réglées d’ici la fin de l’année 2014. C’est à ce moment-là, que l’on saura si la France se porte candidate. L’officialisation définitive interviendra l’année suivante, courant 2015.

Superdome - Paris 2012

Le projet territorial

Considéré comme le meilleur dossier sur le plan technique, le projet de Paris 2012 ne peut plus désormais répondre aux exigences olympiques.

En effet, la capitale française a évolué et s’est engagée dans des aménagements urbains sur des sites potentiels. C’est notamment le cas du quartier des Batignolles dans le XVIIe arrondissement.

Prévu pour accueillir le Village des Athlètes dans le cadre de la candidature pour les Jeux de 2012, ce quartier est aujourd’hui occupé par une ZAC à vocation sociale (logements, bureaux) et environnementale (parc Martin Luther King).

Quelques parcelles demeurent encore inoccupées mais est-ce qu’il en existe une pour héberger un site tel que le Village Olympique ? Rien n’est moins sûr. De ce constat, il est alors possible d’imaginer l’implantation du futur Village des Jeux à la périphérie de Paris. La ville de Colombes, hôte des JO 1924, pourrait alors être un recours intéressant avec le site du Stade Yves-du-Manoir.

Néanmoins, la constitution d’un Parc Olympique est un enjeu majeur pour convaincre les membres du Comité International Olympique (CIO) mais aussi pour séduire les athlètes soucieux de ne pas perdre trop de temps dans les transports entre le Village et le Stade Olympique ainsi qu’avec les principaux sites des compétitions.

Sur ce point, la problématique reste entière concernant l’aménagement du Centre Aquatique Olympique. Initialement envisagée sur le territoire de la commune d’Aubervilliers – non loin du Stade de France – l’infrastructure n’est qu’une image de synthèse, plus de dix ans après le lancement du projet de Paris 2012.

Aujourd’hui, le silence est de mise sur la question de l’implantation d’un tel site (17 500 places) pourtant indispensable au sport tricolore au regard des performances des nageurs français.

D’autres questions se posent pour l’édification éventuelle d’une nouvelle grande salle multifonctionnelle, le Super Dôme de 20 000 places de Paris 2012 étant là-aussi à l’état d’abandon. Le devenir du stade de tennis de Roland Garros pose aussi question compte-tenu des retards déjà rencontrés par le projet de la Fédération Française et de la Ville de Paris.

Avec les nombreuses évolutions des dernières années, un projet olympique porté par Paris ne pourrait vraisemblablement pas être centré sur la ville intra-muros. Il faudrait alors faire appel à des collectivités voisines et de fait, mobiliser les forces vives de la nouvelle métropole du Grand Paris.

Sur ce point, l’argument principal des partisans de la candidature peut être celui de l’accélération du développement métropolitain, routier et ferroviaire. Serpent de mer des politiques publiques locales et nationales, le Grand Paris a, avec une candidature olympique, l’occasion d’émerger pleinement et de s’imposer comme un modèle de développement urbain au XXIe siècle.

Paris 2012 - Champs Elysées

Les soutiens

Outre la question de l’aménagement du territoire, une candidature de Paris 2024 devra convaincre la population locale, régionale et nationale mais aussi la classe politique et les milieux économiques.

Sur le premier élément, le faible engouement actuel n’est pas alarmant puisque les grandes lignes d’un projet n’ont pas encore été définies et que l’idée même d’une candidature n’a pas été arrêtée de manière définitive.

Toutefois, sans soutien populaire, une candidature olympique a peu de chance d’aboutir à une victoire. L’un des exemples les plus remarquables de ces dernières années n’est autre que Tokyo (Japon).

La capitale nippone était candidate pour les JO 2016 mais avait pour principal handicap, le faible soutien de sa population. Ayant travaillé sur sa communication et ayant affiné son concept basé sur deux pôles – “Héritage” et “Baie de Tokyo” – la ville est revenue plus forte dans le cadre du processus de sélection pour 2020.

Avec un dossier technique de très grande qualité, un soutien sportif, politique et économique fort, Tokyo a réussi à convaincre le Mouvement Olympique grâce à l’exceptionnelle remontée du soutien populaire. A la fin du processus, la candidature japonaise frôlait avec un taux d’adhésion de 92%. Du jamais vu pour un tel projet au Japon.

Dans le cas de Paris, le défi sera de séduire les Français de la pertinence d’un projet au coût incertain alors même que l’Hexagone demeure enlisé dans une situation critique avec un fort taux de chômage et une reprise économique qui se fait toujours attendre.

Si l’on ajoute à cela la proximité des Jeux de “l’excès” de Sotchi et le sentiment de défiance à l’égard des dépenses spectaculaires, le dossier français pourrait être affaibli avant même le lancement officiel des candidatures par le CIO.

Mais le soutien populaire n’est pas le seul à compter puisqu’il faut aussi séduire la classe politique et les milieux économiques.

Jusqu’à présent, les candidatures françaises ont bénéficié d’un large consensus politique mais le contexte actuel peut-il jouer un rôle et venir perturber la bonne mise en œuvre d’un projet pour 2024 ?

Pour l’heure, à l’échelle locale, Anne Hidalgo (PS) et Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) ont affiché une opinion quelque peu différente. Ainsi, l’actuelle Première adjointe veut se donner le temps de la réflexion et se veut prudente avant de s’engager tandis que son adversaire de Droite préférerait miser sur une candidature à l’Exposition Universelle de 2025.

Au-delà du monde politique, Paris devra également veiller à obtenir l’appui des syndicats. Dans un pays réputé pour ses mouvements sociaux, la question du soutien syndical peut prêter à débat. Les grandes centrales ouvrières et salariales devront en effet faire front au côté des organisations patronales comme le MEDEF pour montrer une réelle unité autour du projet olympique.

Cette unité serait d’ailleurs un gage de confiance pour le CIO, soucieux d’éviter la moindre contestation ou grève sur les chantiers lancés après l’élection de la Ville Organisatrice.

Village Olympique - Quartier des Batignolles

Le financement

Problématique non négligeable de toute candidature olympique, le financement devra être réglé dans les mois suivants l’officialisation d’un projet.

En effet, face au “mille feuilles” administratif français, il apparaît urgent de définir les engagements de chacun et la répartition des dépenses et des investissements de part et d’autre.

Première adjointe de Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo a directement vécu l’échec de Paris 2012 et connaît donc bien la question financière d’un tel projet et notamment le risque d’une inflation budgétaire entre le dépôt de la candidature et l’ouverture des Jeux.

Dans son projet olympique, Londres prévoyait par exemple un budget global de plus de 5 milliards d’euros mais la note finale à frôler les 15 milliards. Le cas de Sotchi est encore plus flagrant avec une facture quintuplée en l’espace de sept ans !

Comme elle l’a récemment indiqué, il est inenvisageable que la capitale supporte seule les coûts des Jeux.

Ces derniers devront donc être équitablement financés entre la Ville Candidate, la Région Ile-de-France ainsi que l’État sans oublier les villes associées au concept olympique dans le cadre d’une candidature du Grand Paris.

La lisibilité et la clarté de cette répartition risquent toutefois de poser problème. Car malgré la qualité d’un projet technique, le CIO est aussi attentif à une certaine fluidité entre les partenaires.

N’oublions pas en effet que l’institution olympique veillera à la bonne réalisation des travaux dans le cadre d’une Commission de Coordination, et ne verrait pas d’un bon œil d’avoir à dialoguer avec différentes strates administratives.

Bertrand Delanoe - Jacques Chirac - Jean-Claude Killy - Singapour 2005

La personnalité porteuse de la candidature olympique

Faiblesse du dossier de Paris 2012, la question de la gouvernance devra elle aussi être tranchée rapidement et ce, avant même l’officialisation d’une candidature.

Après les échecs successifs des candidatures françaises au cours des dernières années, il apparaît primordial de changer le mode de gouvernance et de passer d’une gestion “politique” à une gestion “sportive”.

De fait, une personnalité politique ne devra pas conduire le projet français au risque de refaire les mêmes erreurs stratégiques que Paris 2012.

Malgré son statut de Maire de Paris, Bertrand Delanoë n’avait pas la légitimité nécessaire aux yeux du Mouvement Olympique, en particulier face à un ancien champion olympique comme Sebastian Coe, redoutable arme de séduction de Londres 2012.

Dès lors, qui pourrait porter le dossier parisien ?

Hier, Bernard Lapasset, Président du Comité Français du Sport International (CFSI) et dirigeant de l’International Rugby Board (IRB) a clairement indiqué qu’il ne souhaitait pas poursuivre l’aventure au-delà de 2015, autrement dit, après le lancement de la candidature.

Face à ce retrait, certains pourraient être tentés de convaincre Denis Masseglia, Président du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Mais en dépit de ses fonctions, il n’a sans doute pas le charisme nécessaire pour promouvoir un tel projet de société au-delà des sphères françaises.

Par conséquent, seul l’un des membres du CIO pourrait et même devrait conduire la candidature de Paris 2024.

Influent stratège de l’instance de Lausanne, Président de la Commission de Coordination des JO de Sotchi 2014, Jean-Claude Killy a pour lui l’expérience d’une organisation olympique. En 1992, il avait en effet co-présidé le Comité d’Organisation des Jeux d’hiver d’Albertville avec Michel Barnier.

Mais son âge peut apparaître comme un handicap. Sur ce point, Guy Drut est lui aussi dans une posture délicate malgré un passé sportif appréciable.

Dernier venu au sein du CIO pour la France, le triple champion olympique, Tony Estanguet, fait donc figure de personnalité idéale pour défendre les chances tricolores sur la scène olympique.

Son expérience des Jeux, son palmarès et la sympathie qu’il dégage parmi les membres du CIO pourraient séduire, un peu à l’image d’un certain Sebastian Coe…

Illustrations :
– Projet de Super Dôme de 20 000 places pour les épreuves de gymnastique près de la Porte de La Chapelle (Crédits – Paris 2012)
– Manifestation de soutien à la candidature de Paris 2012 le 05 juin 2005 en présence de près de 500 000 Parisiens et touristes (Crédits – Mairie de Paris)
– Projet de Village Olympique dans le quartier des Batignolles (Crédits – Paris 2012)
– Le Maire de Paris, Bertrand Delanoe, en compagnie du Président de la République de l’époque, Jacques Chirac (au centre) et de Jean-Claude Killy (à droite) lors de la présentation officielle du projet, le 06 juillet 2005 à Singapour (Crédits – Reuters)

8 pensées

  1. Comme je l’ai déjà annoncé, sur un ancien sujet, beaucoup de sites sont possible, mais le village olympique, le stade de hockey, le centre de tir, et probablement de base-ball et de softball (car un gros lobbying pour leur retours est en place) est à voir; et donc un “Parc Olympique” pourrait être d’un grand secours, mais voilà le problème… où. Tu as mentionné, tout comme moi (le stade de Colombes, pour le village) mais ou mettre les autres équipements sportif de grande taille, car il ne faut pas qu’ils soient trop loin des autres sites de compétition, dont ceux situés à l’Ouest (Parc des Princes, Roland Garros, Jean Bouin, etc…). Mr Huchon parle de Aulnay, du triangle de Gonesse, d’Orly ou de Rungis…(Voir l’équipe d’Aujourd’hui) ne sont-ils pas trop éloignés ? Et surtout quelle “FRICHE” exploiter et transformer ?

  2. Du point de vue des infrastructures et de leur localisation, le problème reste assez énorme. Certes, c’est pertinent et intelligent d’utiliser les sites déjà présent en Ile de France… Mais comme le souligne Francis, difficile de trop éparpiller les sites, sinon il sera impossible pour les athlètes d’y accéder simplement et rapidement. Et dans certains cas, cela demandera d’énormes travaux : à Colombes par exemple, en dépit de l’aspect héritage évident avec les JO en 1924, il faut tout construire car rien n’est plus adapté… Et il faudra aussi espérer que les autres sites sportifs soient homologués par les CIO, autre problème…

    Pour la question du soutien, ça va être pour ainsi dire la croix la bannière… On sait bien ce que l’on peut dire sur l’Olympisme quand il s’agit de faire des critiques. Si certaines sont fondées, bien des choses ont changé, et ça les populations ne le voient pas et continuent à critiquer le bien fondé de l’Olympisme… Il faudra donc moultes efforts pour parvenir à changer tout ça !

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