Extension de Roland Garros : L’étude EGIS : « Un habile tour de passe-passe pour démonter le projet alternatif » selon les opposants

Ce lundi, une semaine avant l’ouverture des Internationaux de France de tennis, une nouvelle étude a été remise aux différentes parties prenantes au projet d’extension du stade de Roland Garros situé dans le 16e arrondissement de la capitale.

Le stade actuel étant implanté dans un espace relativement limité et afin de répondre aux exigences d’un tournoi du Grand Chelem (confort des joueurs et des spectateurs, contraintes de radio-télédiffusion…), deux options demeurent possibles compte-tenu de l’existence d’immeubles résidentiels au sud du site.

Ainsi, outre la rénovation des équipements historiques, comme la couverture amovible du Court Central Philippe Chatrier, la Fédération Française de Tennis (FFT) souhaite partir vers l’est en aménageant le nouveau Court des Serres d’Auteuil, court de tennis de 4 950 places qui serait semi-enterré, bordé de nouvelles serres et qui viendrait remplacé l’existant Court n°1 situé à quelques encablures. C’est précisément ce projet qui cristallise les critiques de la part des associations de riverains et écologistes qui proposent plutôt de partir vers le nord, en prenant emprise sur une partie de l’autoroute A13 et en rénovant l’actuel Court n°1 pour porter sa capacité de 3 500 à 5 000 places.

La FFT a toujours vilipendé ce contre-projet, irréaliste selon elle sur le plan technique et financier et non pertinente pour l’avenir du tournoi international, la Fédération tenant à maintenir l’attractivité de ce dernier dans un cadre majestueux – d’où l’idée d’une proximité avec les Serres d’Auteuil – et désirant atteindre une capacité optimale de 40 000 spectateurs par session pour 18 courts de tennis.

Roland Garros - contre-projet

Or, l’étude menée par le Cabinet EGIS démontre la faisabilité administrative et technique du projet alternatif.

Toutefois, comme cela est souvent le cas en ce qui concerne un tel aménagement complexe, le Cabinet relativise son propos et relève même plusieurs inconvénients au contre-projet des associations, dont les principaux ne sont autres que le calendrier de livraison du stade, le coût des travaux à envisager et une pertinence fonctionnelle insuffisante.

Ainsi, les conclusions du rapport pointent le calendrier relativement serré concernant la mise en œuvre éventuel du contre-projet. De nouvelles études et demandes d’autorisation administratives et juridiques devant être déposées, le nouveau Roland Garros « made in Associations » ne pourrait être pleinement opérationnel qu’en 2025, soit un an après les Jeux Olympiques d’été de 2024, événement pour lequel la France et Paris souhaitent se positionner d’ici le mois de septembre 2015.

Mais cet argument ne tient pas et démontre une certaine méconnaissance des exigences du Comité International Olympique (CIO) en la matière. La Ville Hôte des JO doit en effet s’engager à construire – ou disposer – d’une arène de 10 000 places et d’autres courts d’une capacité intermédiaire, à savoir 5 000 et 3 000 places, sans oublier des courts annexes dédiés aux entraînements.

Dans le cadre du stade actuel de Roland Garros, ces équipements sont d’ores et déjà existants et suffisent par ailleurs à accueillir le tournoi olympique de tennis. Le Court Central Philippe Chatrier dispose ainsi d’environ 15 000 places, le Suzanne Lenglen de plus de 10 000 places et le Court n°1 de 3 500 places. Les courts annexes sont quant à eux en mesure d’absorber les besoins nécessaires pour l’accueil des entraînements.

L’aménagement – avant 2024 – du nouveau Roland Garros est donc avant toute chose une question d’image et ce, à plusieurs égards.

D’une part, la rénovation du site permettrait de démontrer la capacité d’écoute de la FFT et de la Ville de Paris à proposer un site modernisé répondant aux standards internationaux. D’autre part, elle enverrait au CIO un message clair, à savoir celui de la capacité de la France à aménager un site dans les temps impartis et ce, en dépassant les traditionnels clivages partisans et les règlementations administratives et environnementales en vigueur.

En somme, une démonstration de la capacité de mouvement de la ville et du pays avant 2017, année d’élection de la Ville Organisatrice des Jeux de 2024.

Au-delà de la question du calendrier, l’étude du Cabinet EGIS estime par ailleurs que le coût des travaux envisagés par les associations représenteraient un surcoût d’au moins 54 millions d’euros (hors-taxes) par rapport au projet porté par la FFT et qui représente un montant compris entre 350 et 400 millions d’euros selon les dernières estimations.

Les conclusions de l’étude achèvent de contre-carrer le projet des associations opposées à la FFT.

En effet, le Cabinet EGIS estime que « même si le projet porté par les associations permet globalement de conserver les équipements du programme de la FFT, il ne répond pas à des objectifs fonctionnels majeurs de la FFT, en raison notamment d’un site relativement déséquilibré et de moindre dimension, et de la conservation d’un existant (le Court n°1) contraignant les perspectives d’évolution et de résolution des dysfonctionnements actuels ».

En clair, le contre-projet ne répondrait pas aux impératifs de modernisation du site et aux exigences d’un tournoi de la dimension du « French Open ».

Pour les opposants au projet officiel de la Fédération Française de Tennis (FFT) et de la Ville de Paris, le contenu de cette étude est donc à considérer comme « un habile tour de passe-passe pour démonter le projet alternatif ».

Dans un communiqué*, les opposants pointent ainsi le fait qu’aucune concertation n’a été engagée, « le Cabinet EGIS n’ayant pas jugé nécessaire d’auditionner les trois associations ! De ce fait, le bureau d’études a inventé des aménagements à leur projet qu’elles n’ont jamais validés. En revanche, EGIS a été attentive aux affirmations de la FFT, le pilote de l’étude. Heureux hasard, le Cabinet d’étude n’a pas tenu compte des réserves émises sur le projet de la FFT par le Ministère de l’Écologie en mars 2012. Or, celles-ci amputent sérieusement l’emprise de la concession dans le Jardin botanique des Serres d’Auteuil (retrait des bâtiments en meulière et diminution de la zone de déambulation au nord du stade-serres projeté). Ainsi, EGIS compare en termes de coûts et de fonctionnalité un projet des associations arbitrairement déformé à un projet de la FFT dépassé !

Enfin, la fragilité juridique du projet de la FFT n’est absolument pas prise en compte (futur avis de la Commission supérieure des sites et des paysages, avis exprès du Ministère de l’Écologie liant la Mairie de Paris, records pendants et à venir devant les juridictions administratives).

Oubliant la réparation écologique et l’apaisement des contentieux qu’offre pourtant la couverture partielle de l’autoroute A13, l’étude d’EGIS préfère s’abriter derrière l’hypothétique attribution des JO 2024 à Paris, calant opportunément les délais de livraison du projet alternatif pour… 2025 ! Les infrastructures offertes par le stade actuel étant suffisantes pour l’accueil des JO, cet argument est sans fondement.

Renforcées dans leur détermination, les associations renouvellent donc auprès de la Ville de Paris et de la FFT leur offre de co-construction du projet d’extension du stade de Roland Garros ».

La bataille administrative et juridique est donc loin d’être terminée entre la FFT et la Ville de Paris d’une part et les associations d’opposants d’autre part.

Deux rendez-vous sont toutefois attendus avec impatience et craintes par les deux parties : l’avis de la Commission supérieure des sites et des paysages mais surtout l’avis de la Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Ségolène Royal.

Cette dernière n’a pas hésité à sortir du bois au cours des derniers mois avant d’être recadrée par le Premier Ministre Manuel Valls, celui-ci apportant le « plein soutien du Gouvernement » à la Fédération Française de Tennis.

Affaire à suivre, en gardant à l’esprit que la bataille de Roland Garros pourrait rapidement devenir une bataille olympique, la candidature de Paris étant imminente…

* Communiqué conjoint de France Nature Environnement Ile-de-France ; Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France et Veilles Maisons Françaises.