JO d’hiver : La Suisse précise sa réflexion sur un projet de « Pays Hôte »

Engagée dans une étude de faisabilité visant à définir les conditions d’une éventuelle candidature à l’organisation des Jeux d’hiver, la Suisse poursuit sa réflexion en misant à la fois sur les forces de son territoire et sur la portée des réformes conduites au cours des dernières années par le Comité International Olympique (CIO).

Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de la Jeunesse d’hiver de Lausanne 2020 à la Vaudoise aréna, le 09 janvier 2020 (Crédits – IOC / Christophe Moratal)

De manière pragmatique, et en tenant compte des échecs passés qui ont jalonné son histoire, Swiss Olympic a débuté en mars 2023 une réflexion concernant la mise en œuvre possible d’une candidature à une prochaine édition des Jeux d’hiver.

Sans cibler une quelconque échéance prédéterminée et sans sectoriser non plus le périmètre territorial, le Comité Olympique helvète a ainsi souhaité redéfinir les conditions d’installation d’une telle entreprise.

Aujourd’hui, à mi-parcours de l’étude de faisabilité, l’instance a tout de même levé le voile sur certains critères qui ont été analysés jusqu’alors et qui amènent à un premier constat, à savoir le fait qu’une candidature ne relèverait pas d’une ville au sens traditionnel de « Ville Hôte », mais davantage du territoire dans sa globalité autour d’un concept innovant de « Pays Hôte ».

Ces dernières semaines, l’idée d’une alliance des Cantons avait d’ailleurs déjà été avancée. Cette fois, Swiss Olympic va plus loin et confirme la perspective d’une candidature pensée à l’échelle de toute la Suisse.

Ainsi que l’instance l’a précisé dans un communiqué publié en début de matinée, ce dimanche 13 août 2023 :

Swiss Olympic et les Fédérations de sports d’hiver ont d’ores et déjà identifié plusieurs conditions importantes pour que cette vision de Jeux Olympiques et Paralympiques devienne réalité : en Suisse, aucune ville (« Ville Hôte ») ou région n’entre en ligne de compte à elle seule.

Au lieu de cela, la Suisse donnerait son nom en tant que pays organisateur aux Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 203X – et les sites de compétition seraient répartis sur tout le territoire.

La Suisse deviendrait ainsi le premier « Pays Hôte » de l’histoire olympique.

Ruth Wipfli Steinegger, Présidente du Comité de pilotage de l’étude de faisabilité pour une éventuelle candidature olympique et paralympique de la Suisse (Crédits – Swiss Olympic)

Pour parfaire ce concept, l’instance helvète entend en particulier s’appuyer sur l’expertise acquise par le pays dans l’organisation régulière de Championnats du Monde dans les divers sports et disciplines inscrits au programme des Jeux d’hiver.

En ce sens, Swiss Olympic évoque comme exemples les Mondiaux de boblseigh / skeleton en 2023, de curling masculin en 2024, de biathlon en 2025, de snowboard / ski freestyle en 2025 toujours, mais encore de hockey-sur-glace masculin en 2026, et de ski alpin en 2027, sans compter les candidatures pour les Championnats du Monde de ski alpinisme en 2025 – sport additionnel aux Jeux de Milan-Cortina 2026 – et ceux de patinage artistique en 2027.

Autant d’événements qui contribuent et contribueront à faire de la Suisse ce que le Comité National Olympique dénomme un « World Winter Sports Hub ».

Grâce à ces échéances annoncées, et à l’aune des précédents rendez-vous planétaires organisés en Suisse ces dernières années, dont les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) de Lausanne 2020, le pays dans son ensemble pourrait prétendre à l’accueil des Jeux de 2030, 2034 ou 2038.

Ces trois années olympiques sont d’ailleurs avancées comme lignes d’horizon possibles par Swiss Olympic qui estime désormais qu’une candidature peut être développée sans pour autant devoir engager de grands travaux pour l’aménagement de sites sportifs ou d’infrastructures pour l’hébergement des athlètes notamment.

Sur ce point précis, l’instance évoque ainsi l’absence de construction d’un grand Village des Athlètes pour se concentrer à l’inverse sur des « hubs olympiques » qui mobiliseraient des installations d’hébergement déjà existantes sur le territoire en fonction de la localisation prévue des différents sports et des contingents de participants.

Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de la Jeunesse d’hiver de Lausanne 2020 à la Vaudoise aréna, le 09 janvier 2020 (Crédits – IOC / Christophe Moratal)

En analysant de cette façon les conditions d’une nouvelle candidature, Swiss Olympic semble en tout cas avoir intégré les leçons des précédentes tentatives qui, tant sur la scène internationale que face à l’opinion publique, n’ont pas réussi à convaincre en dépit de schémas parfois intéressants.

Aussi, sur les fondements de ces échecs et au travers d’une vision renouvelée des Jeux, l’instance estime que pour 13 des 14 sports d’hiver olympiques actuels, la Suisse sera en capacité de disposer d’infrastructures adéquates d’ici la fin de la décennie, exception faite du patinage de vitesse.

Pour ce sport néanmoins, l’utilisation d’un site existant sur le continent européen n’est pas exclue. Elle est même au cœur de discussions en cours, sur le modèle de ce que la Suisse avait réalisé avec la France avec les JOJ de Lausanne 2020.

Cela laisse dès lors présager d’une éventuelle alliance avec l’Italie qui – bien que prévoyant la mise en place d’une infrastructure temporaire au Parc des Expositions de la Fiera Milano à Milan pour les JO 2026 – dispose aussi d’un site hérité de l’édition des Jeux d’hiver de 2006 à Turin. Ces derniers mois, la cité du Piémont avait ainsi tenté de se raccrocher au train des Jeux, sans que les parties prenantes au projet de Milan-Cortina 2026 n’apportent une réponse favorable. Une candidature de la Suisse pourrait toutefois permettre à Turin de se rêver à nouveau en destination pour les Jeux d’hiver.

L’association possible avec un autre pays répondrait en outre à l’exigence économique et durable du CIO de privilégier les sites existants ou temporaires en lieu et place d’installations pérennes à construire qui, par le passé, se sont parfois transformées en « éléphants blancs » pour les Villes Hôtes.

(Crédits – Crans Montana)

Quoiqu’il en soit, l’étude de faisabilité helvète va encore se poursuivre jusqu’à l’automne 2023, suivant finalement la stratégie adoptée par toutes les candidatures officielles ou officieuses évoquées jusqu’à présent au regard du calendrier prévisionnel avancé par le CIO, qui fonde aujourd’hui son approche sur le principe de deux phases complémentaires, avec d’abord un dialogue « continu » avec les prétendantes, et ensuite un dialogue « ciblé » avec un ou plusieurs Hôtes potentiels.

Plusieurs points restent en effet à éclaircir, et non des moindres.

De fait, Swiss Olympic doit continuer ses discussions avec les acteurs institutionnels, dans le domaine sportif bien sûr, et dans la sphère politique également, notamment afin de mesurer le degré d’approbation d’une éventuelle candidature au niveau des Cantons et des communes qui pourraient, in fine, être appelées à recevoir les compétitions olympiques et paralympiques.

Le soutien populaire va aussi être un sujet déterminant pour établir ou non une prochaine candidature, les votations citoyennes engagées jusqu’alors dans le pays ayant mené à l’abandon des projets pour les Jeux, les derniers exemples en date étant ceux des Grisons et de Sion pour 2026.

En outre, Swiss Olympic devra également définir le cadre financier d’une organisation des Jeux en Suisse, avec l’idée en particulier de solliciter des fonds privés pour limiter au maximum le recours aux deniers publics, là-encore dans un double souci d’approbation des autorités et de satisfaction de l’opinion publique.

A l’aune de ces discussions et de ces travaux, les conclusions de l’étude de faisabilité seront soumises au Conseil Exécutif de Swiss Olympic, avant d’être présentées devant le Parlement du Sport, les deux autorités du sport suisse devant ensuite décider de poursuivre ou non le projet en octobre 2023.

Les anneaux olympiques devant la Maison Olympique à Lausanne, Suisse (Crédits – IOC / Christophe Moratal)

Concernant le CIO, l’institution aux cinq anneaux devrait suivre un calendrier précis avant de sélectionner le Futur Hôte pour 2030, avec potentiellement l’annonce simultanée de l’Hôte des JO 2034.

Car conformément aux réformes engagées, le CIO ne se limite plus à un délai de sept ans entre la désignation de l’organisateur et la tenue effective des Jeux. Surtout, il s’intéresse désormais à choisir un Hôte qui soit en phase avec la nouvelle philosophie olympique et qui puisse dès lors répondre à l’organisation de Jeux plus vertueux, avec un alignement des planètes susceptible de satisfaire aussi bien le CIO que le territoire organisateur de l’événement planétaire. En d’autres termes, le choix du bon organisateur et du bon moment.

De ce fait, la Commission Exécutive du CIO se réunira les 12 et 13 octobre prochains pour plancher sur l’état des forces en présence et pour possiblement statuer sur le principe de double attribution des Jeux de 2030 et 2034, comme cela fut entrepris par le CIO en juillet 2017 avec Paris 2024 et LA 2028.

Peu après, la 140e Session du CIO rassemblera l’ensemble des membres de l’institution à Bombay (Inde) entre le 15 et le 17 octobre 2023. La question des Jeux d’hiver sera alors à nouveau au cœur des discussions, sachant que cette Session aurait dû initialement être celle de l’attribution de l’édition 2030 avant que le CIO ne renverse la table de son propre processus.

Par la suite, entre fin novembre et début décembre 2023, la Commission Exécutive du CIO serait susceptible – sur la base des recommandations de la Commission de Futur Hôte – de se diriger vers un dialogue ciblé, autrement dit une phase directe de discussions avec une ou plusieurs prétendantes.

Sauf nouveau bouleversement, il faudra à ce moment-là patienter jusqu’en 2024 pour que l’institution olympique ne désigne officiellement l’Hôte des JO 2030 et, éventuellement, celui de 2034.

Un temps prévue à Paris, en marge de la prochaine édition des Jeux d’été, la Session élective devrait finalement se tenir dans une autre ville ou à distance, la France ayant elle-aussi récemment fait part de son intérêt pour l’accueil des Jeux d’hiver.

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