Jeux d’hiver : La Suisse étudie les conditions d’une nouvelle candidature

Quelques semaines après l’entrée en piste de la Suède, qui planche actuellement sur une étude de faisabilité, la Suisse s’engage à son tour dans une réflexion autour d’une éventuelle prochaine candidature à l’organisation des Jeux d’hiver et ce, après plusieurs projets avortés, notamment pour les éditions 2022 et 2026.

La Suisse n’a plus accueilli les Jeux depuis 1948 (Crédits – Swiss Olympic)

Au travers d’un communiqué publié en milieu d’après-midi, ce jeudi 30 mars 2023, Swiss Olympic a fait un pas – peut-être déjà capital – en direction d’une possible candidature aux Jeux d’hiver.

Sans préciser une quelconque échéance visée, bien que 2030 soit la première disponible sur le calendrier, l’instance olympique helvète a ainsi dévoilé ses intentions, alors que le Comité International Olympique (CIO) a récemment annoncé être en discussion avec six prétendants à travers le monde. Parmi les six, quatre sont connus depuis plusieurs mois, voire même plusieurs années pour certains, à savoir Salt Lake City (Utah, États-Unis), Vancouver (Colombie-Britannique, Canada), Sapporo (Japon), et dernièrement, la Suède, les deux autres n’ayant pas été présentés publiquement par l’institution de Lausanne (Suisse).

Avec cette part de mystère, il est fort probable de penser que Swiss Olympic figurait depuis au moins quelques semaines parmi les interlocuteurs du CIO, d’autant plus à l’aune du communiqué publié ce jour.

Ainsi, et comme l’énonce le document :

Lors de sa séance d’aujourd’hui, le Conseil exécutif de Swiss Olympic a décidé de prier le CIO de passer d’un ‘dialogue informel’ à un ‘dialogue continu’ dans le cadre du processus ‘Élection des futurs hôtes’.

Swiss Olympic devient ainsi le seul et unique interlocuteur du CIO en ce qui concerne une candidature suisse et peut ainsi regrouper les divers projets et forces en présence.

Le ‘dialogue continu’ n’est lié à aucune année d’organisation en particulier.

En d’autres termes, Swiss Olympic s’installe officiellement à la table des Jeux, en demandant expressément de rejoindre le dialogue continu qui constitue l’étape intermédiaire avant que le CIO ne s’engage dans un dialogue ciblé avec une ou plusieurs candidature(s) en vue d’attribuer une ou plusieurs édition(s) et ce, conformément à la nouvelle procédure en vigueur souhaitée par l’institution pour redynamiser une course parfois désertée par les concurrents.

Néanmoins, la Suisse mise sur la prudence et reste de facto à un stade d’examen d’une candidature qui devra nécessairement passer par l’étape – chaotique pour les dernières tentatives – de la votation citoyenne, sans compter bien sûr la recherche de l’indispensable appui des autorités locales, cantonales et confédérales.

En ce sens, l’instance olympique a précisé que :

Dans le cadre de ce dialogue, Swiss Olympic va vérifier si les conditions sont réunies pour une éventuelle candidature olympique suisse. Ceci car les exigences du CIO en matière d’attribution et d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques ont changé.

Au cours des prochains mois, il s’agira ainsi de montrer à quoi pourraient ressembler des Jeux d’hiver en Suisse en tenant compte de ces nouvelles conditions.

Les connaissances et les besoins des fédérations sportives d’hiver seront prises en compte dans ce processus.

Les anneaux olympiques devant la Maison Olympique à Lausanne (Crédits – IOC / Christophe Moratal)

Fort de l’expérience helvète dans la tenue régulière de compétitions internationales dans le massif alpin, et de la réussite organisationnelle des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Lausanne 2020, Swiss Olympic va dès lors réfléchir à la meilleure option à soumettre le cas échéant au CIO pour envisager un retour des Jeux d’hiver dans l’un des berceaux historiques des sports d’hiver.

Car malgré plusieurs candidatures au cours des décennies passées, la Suisse n’a en effet pas réussi à décrocher la timbale olympique depuis 1946, année de l’élection de St-Moritz comme hôte des Jeux de 1948.

Depuis le milieu de la décennie 1990, les échecs ont été importants et les raisons diverses.

Pour l’édition 2002, Sion (Canton du Valais) avait été mis en déroute par Salt Lake City, qui avait alors remporté la partie dès le premier tour de scrutin, avec 54 voix, contre 14 pour Östersund (Suède), 14 pour la candidature helvète, et 7 pour Québec (Canada).

Pour les JO 2006, la Suisse retenta sa chance avec une candidature encore incarnée par Sion. Cette dernière avait cependant été battue par Turin (Italie), obtenant 36 voix contre 53 suffrages pour la rivale transalpine.

Si ces deux candidatures auraient légitimement pu prétendre à accueillir les Jeux, en parvenant à se maintenir jusqu’au vote des membres électeurs du CIO, les tentatives suivantes se sont en revanche soldées par des retraits précipités de la course à cause de résultats défavorables enregistrés lors des fameuses votations citoyennes incontournables en Suisse pour des projets d’une telle envergure.

De fait, Berne avait été contrainte de s’éclipser après le rejet de sa candidature pour les JO 2010, avant que le Canton des Grisons ne votent majoritairement contre une candidature qui aurait pu être pilotée par Davos et St-Moritz pour les Jeux de 2022. Paradoxe d’ailleurs, alors que les citoyens dudit Canton avaient été 52,66% à s’exprimer contre une telle entreprise, les deux villes précitées avaient en revanche approuvé l’installation d’une candidature, Davos votant à 56,2% pour le projet, St-Moritz à 61%.

Plus récemment, en juin 2016, pas moins de cinq projets avaient été avancés par des groupes de travail pour espérer partir en quête des Jeux d’hiver de 2026.

Concrètement, Swiss Olympic avait à l’époque réceptionné les propositions intitulées « The Swiss Made Winter Games » en provenance de plusieurs régions de Suisse Occidentale, « Olympische Winterspiele 2026 Graubünden und Partner » issue du Canton des Grisons et de territoires partenaires, « Zentralschweiz 2026 », portée par la Suisse Centrale, « Switzerland 2026 » et « 2026 Games for our future », initiatives de projets supra-régionaux.

Mais après l’émergence de ces propositions, la Suisse Centrale se retira des discussions préliminaires avec Swiss Olympic dès septembre 2016, avant que les projets supra-régionaux ne fusionnent en décembre de la même année pour tenter de contrer les favoris d’alors, à savoir le Canton des Grisons et ses alliés d’une part, et la candidature de la Suisse Occidentale autour de Sion et d’une pluralité de territoires d’autre part.

Avec un concept pensé selon un axe olympique reliant entre autres les villes de Lausanne – la capitale olympique -, Montreux, Martigny, Sion, Viège, Kandersteg, Thoune et Berne, cette dernière candidature proposa d’installer « Les Jeux au cœur de la Suisse », et fut dès lors la candidate officielle du pays, profitant notamment du retrait des Grisons en février 2017, encore une fois en raison d’une votation citoyenne défavorable.

Mais en dépit d’un appui des autorités sportives et politiques, la candidature de Sion fut elle-même confrontée à la désaffection populaire, éloignant plus ou moins durablement les anneaux olympiques d’un retour en Suisse.

Carte de Sion 2026 avec la localisation des sites et des épreuves olympiques et paralympiques proposées (Crédits – Sion 2026)

Récemment, l’hypothèse d’un triptyque européen autour d’une alliance entre la Suisse, la France et l’Italie, a bien été évoquée, mais tout aussi rapidement écartée jusqu’au sein même de Swiss Olympic.

Le propos alors tenu par le porte-parole de l’instance helvète peut d’ailleurs mettre en perspective la réflexion engagée aujourd’hui.

Comme l’affirma en janvier dernier Alexandre Wäfler :

La seule entité apte à décider si le moment est venu pour le dépôt d’une candidature est Swiss Olympic. Et nous estimons qu’il n’est pas réaliste de le faire pour des Jeux Olympiques qui auront lieu dans un peu plus de sept ans.

Aussi, le porte-parole de Swiss Olympic énonça en filigrane deux points essentiels à la compréhension d’une potentielle candidature.

Premièrement, seule l’instance précitée est habilitée à présenter et à soumettre un projet olympique et paralympique au nom de la Suisse.

Deuxièmement, l’édition 2030 – bien que disponible – peut cependant apparaître comme offrant une fenêtre de tir limitée au regard du temps nécessaire aux préparatifs, renvoyant possiblement à l’installation d’une candidature à horizon 2034 voire même 2038.

Il n’empêche, la concurrence internationale relativement affaiblie ces derniers mois, avec en particulier la suspension du projet nippon de Sapporo et la mise en retrait de Vancouver, peut aujourd’hui rebattre les cartes, d’autant plus en considérant le positionnement de Salt Lake City.

La Ville Hôte des JO 2002 a ainsi récemment rappelé sa préférence pour l’organisation des Jeux de 2034, souhaitant à cet égard que le CIO puisse trouver une alternative crédible et viable pour 2030.

Au regard de son expérience et de son attachement historique à l’Olympisme, force est de constater que la Suisse pourrait tout à fait endosser ce rôle de recours pour l’institution aux cinq anneaux, même si des défis majeurs sont et seront à surmonter, particulièrement dans l’optique d’une votation citoyenne à l’issue toujours incertaine.

Sur ce point, les discussions d’ores et déjà menées entre le CIO et Swiss Olympic témoignent d’une volonté commune de travailler à l’établissement d’un possible projet pour les années à venir.

Comme pour prédéfinir une feuille de route et poser les fondations d’une réflexion qui englobera à l’évidence les leçons tirées des échecs passés, le communiqué publié ce jeudi expose en tout cas que :

Pour Swiss Olympic, il est clair qu’une nouvelle candidature suisse n’entrera en ligne de compte qu’après un examen minutieux.

Un concept de candidature n’aura de chance que s’il est durable et que l’organisation de Jeux Olympiques et Paralympiques laisse un héritage au-delà du sport – pour la société, l’économie et la Suisse en tant que lieu d’innovation.

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