Tokyo 2020 : Une ouverture marquée par le souvenir et les symboles

Première édition olympique de l’histoire à avoir été reportée, en raison de l’épidémie mondiale de Covid-19, les Jeux de Tokyo 2020 se sont ouverts ce vendredi dans une ambiance singulière, en l’absence de public et dans une scénographie résolument sobre et épurée.

Vue de la vasque olympique de Tokyo 2020 installée sur l’Ariake Yume-no-Ohashi Bridge (Crédits – Tokyo 2020)

Dans un Stade Olympique de 68 000 places, conçu par l’architecte nippon Kengo Kuma après des mois de polémiques, les organisateurs des Jeux de Tokyo 2020 auraient évidemment souhaité une toute autre Cérémonie d’ouverture.

Toutefois, dans un contexte encore fortement marqué par l’épidémie de Covid-19 – et les vagues successives relevées à travers le monde – l’ouverture de ces Jeux s’est déroulée devant une assistance réduite au strict minimum, à savoir les autorités locales et nationales, dont l’Empereur du Japon, Naruhito, le Premier Ministre, Yoshihide Suga, et la Gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, les membres du Comité International Olympique (CIO), des représentants de délégations étrangères, comme le Président de la République Française, Emmanuel Macron, ou la « First Lady » américaine, Jill Biden, et des journalistes internationaux appelés à couvrir la quinzaine olympique.

Les couleurs variées des sièges de l’imposant Stade Olympique ont certes pu donner une impression de vitalité, mais la célébration attendue depuis huit ans et la désignation de Tokyo 2020 comme Hôte des Jeux, est demeurée des plus feutrées.

Il faut dire que les organisateurs se sont positionnés dans le choix d’une scénographie sobre, où le souvenir et les symboles ont été mis en exergue pendant les trois heures de la Cérémonie.

Loin de la démesure qui a pu être relevée sur de précédentes éditions estivales, l’ouverture de Tokyo 2020 a ainsi tourné autour de l’hommage aux victimes de la pandémie mondiale et à l’engagement des personnels soignants à travers la planète, avec également l’empreinte, encore bien présente au Japon, de la catastrophe du printemps 2011 à Fukushima et dans ses environs.

Pour preuve, la présentation du drapeau olympique a été orchestrée par six athlètes qui se sont distingués au cours de l’année écoulée par leur participation active dans la lutte contre le Covid-19. Par la suite, au moment où ce drapeau a été hissé sur son mât, juste à côté du drapeau du Japon, l’hymne olympique a été entonné par des enfants et adolescents issus de Tokyo et de la Préfecture de Fukushima.

Une manière de faire un trait d’union, en montrant la façon dont le sport et les grands événements peuvent être un tremplin pour relever les défis.

Pour Tokyo 2020, ces défis ont d’ailleurs jalonnés tout le processus de candidature et de préparation de l’événement, avec dès la phase de candidature, le séisme et le tsunami de 2011 présentés comme source de la résilience du Japon et comme le point d’ancrage de Jeux pensés comme les Jeux de la reconstruction.

Vue extérieure du Stade Olympique de Tokyo (Crédits – Japan Sport Council)

L’émotion fut le véritable fil conducteur de la Cérémonie d’ouverture, dont le concept-phare était d’ailleurs une reprise de la devise de ces Jeux, « United by Emotion » (« Unis par l’émotion »). Les discours de Yuriko Koike, Gouverneure de Tokyo, et de Thomas Bach, Président du CIO, ont ainsi résonné de cette émotion et de la gravité de l’instant.

Les deux leaders ont chacun, à tour de rôle, évoqué le souvenir de 2011 et l’impact de la crise sanitaire du Covid-19 sur les préparatifs des Jeux, et sur la construction d’un monde meilleur, incarné par le leitmotiv de la solidarité.

Comme l’a notamment affirmé sur ce point le Président de l’institution olympique :

La leçon que nous aurons tirée est celle-ci : nous avons besoin de plus de solidarité ; plus de solidarité entre les sociétés et plus de solidarité au sein des sociétés. La solidarité signifie beaucoup plus que le simple respect ou la non-discrimination. La solidarité, c’est s’aider, partager et prendre soin les uns des autres. […]

Nous ne pouvons aller plus vite, nous ne pouvons viser plus haut, nous ne pouvons devenir plus forts que si nous sommes ensembles – solidaires. C’est pourquoi, le CIO a adapté la devise olympique à notre époque : Plus vite, Plus haut, Plus fort – Ensemble. Ce sentiment d’unité, c’est la lumière au bout du tunnel obscur.

La pandémie nous a obligés à nous séparer, à garder nos distances les uns avec les autres, à rester même loin des êtres qui nous sont chers. Cette séparation a rendu ce tunnel si sombre. Mais aujourd’hui, où que vous soyez dans le monde, nous sommes unis pour partager ce moment ensemble.

La flamme olympique fait briller cette lumière plus fort pour nous tous.

Le Président du Comité International Olympique, Thomas Bach, et la Gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, lors de la Cérémonie d’ouverture des Jeux de Tokyo 2020, vendredi 23 juillet 2021 (Crédits – IOC / Greg Martin)

Entrecoupée de séquences plus légères – avec par exemple la présentation, avec des figurants déguisés, des 50 pictogrammes des Jeux Olympiques – la Cérémonie a aussi conduit à la mise en valeur de la culture nippone, avec les costumes traditionnels bien sûr, mais également l’utilisation de plus de 1 800 drones pour, d’abord symboliser le « Damier de l’harmonie », emblème des JO 2020, et ensuite la planète Terre tourbillonnante au-dessus du Stade Olympique.

Sans nul doute la séquence la plus spectaculaire et innovante de cette Cérémonie dans un pays réputé pour son savoir-faire et sa maîtrise des nouvelles technologies.

Des clins d’œil de l’Histoire ont également ponctués l’ouverture des Jeux, les quatrièmes à se tenir sur le sol nippon après les échéances de Tokyo 1964, puis les éditions hivernales de Sapporo 1972 et Nagano 1998.

Construit à l’emplacement du Stade National qui fut l’écrin majeur des Jeux de 1964 et des Championnats du Monde d’athlétisme en 1991, le Stade Olympique en est une parfaite illustration.

Lors du dévoilement des anneaux olympiques, la référence – plus subtile – était aussi de mise, avec l’utilisation de bois issu d’arbres plantés en marge des Jeux de 1964. Le bois, un élément-clé de la culture japonaise au niveau de la construction traditionnelle, et un symbole – encore – que l’on peut relever dans l’architecture-même du Stade Olympique et en outre, dans l’aménagement de sites olympiques, comme le Centre de gymnastique d’Ariake et de la Village Plaza à partir de poutres en provenance des différentes Préfectures du pays.

(Crédits – IOC / Greg Martin)

L’ouverture des Jeux de Tokyo 2020 a également donné lieu à des nouveautés dans le protocole et dans le déroulé de l’événement.

Si l’ouverture a officiellement été proclamé par l’Empereur du Japon, l’entrée des athlètes dans le Stade s’est effectué dans un ordonnancement quelque peu remanié, avec juste avant le Pays-Hôte en clôture, les États-Unis et la France, à savoir les hôtes de l’édition 2028 et 2024 avec Los Angeles et Paris.

Le serment olympique a lui-aussi été revu et corrigé afin d’adapter cette séquence-forte de la Cérémonie à l’évolution de la société et à la prise en considération de la parité entre les femmes et les hommes. Une mixité encore valorisée au niveau des porte-drapeaux, avec désormais la possibilité offerte par le CIO aux Comités Nationaux Olympiques (CNO) de sélectionner un duo femme-homme.

Entre modernité et tradition, la suite de la Cérémonie a été marquée l’union des générations, dans un pays où le respect des anciens est une valeur cardinale.

Trois générations d’athlètes nippons ont ainsi pu prendre possession le temps d’un instant de la torche, pour la conduire progressivement jusqu’à une estrade surmontée d’une imposante structure symbolisant le mythique Mont Fuji.

Même dans l’ascension de cette structure par la tenniswoman, numéro 2 mondiale, Naomi Osaka, la référence au passé semblait de rigueur.

L’image des escaliers à gravir a ainsi pu rappeler tout à la fois, la dernière montée de « L’enfant d’Hiroshima », Yoshinori Sakai, pour l’embrasement de la vasque des JO 1964, et les derniers instants avant l’allumage de Nagano 1998 dans une célébration qui fut fortement imprégnée de la culture nippone.