JO 2030 : Sapporo face au risque d’une désaffection populaire

Si son statut de favorite dans la course aux Jeux d’hiver de 2030 n’est pas remis en cause, Sapporo (Japon) va néanmoins devoir redoubler d’efforts pour convaincre plus largement l’opinion publique qui, aujourd’hui, soutient timidement la candidature.

Manifestation d’opposants à la candidature de Sapporo 2030, dimanche 12 juin 2022 (Crédits – Twitter / ogasawarajun)

Ce dimanche, des manifestants ont protesté contre la perspective d’accueillir en 2030 une nouvelle édition des Jeux au Japon et ce, alors que l’organisation périlleuse de Tokyo 2020 reste dans les esprits en dépit du succès final constaté.

Dans la capitale nippone, tout comme à Sapporo – prétendante déclarée aux JO 2030 – ce sont ainsi, à chaque fois, une cinquantaine de personnes qui se sont mobilisées.

A ce stade, cette faible opposition n’est pas en mesure de venir contrecarrer les plans de la Ville Hôte des JO d’hiver 1972, qui envisage une réutilisation massive des sites existants (92,3%), avec aussi l’apport complémentaire de Nagano – autre Ville Olympique (1998) – pour un budget prévisionnel récemment revu à la baisse afin de répondre aux nouvelles exigences olympiques en matière d’organisation.

Il n’empêche, les porteurs de la candidature de Sapporo doivent rester sur leurs gardes pour ne pas laisser s’implanter une opposition susceptible de devenir davantage problématique dans les mois à venir, à mesure que la deadline se rapprochera pour celle qui fait figure de favorite.

Pour rappel en effet, la Commission Exécutive du CIO pourrait s’engager dans un dialogue ciblé avec une ou plusieurs candidature(s) au mois de décembre 2022, avant de conduire l’élection de l’Hôte des JO 2030, au cours de la 140ème Session du CIO planifiée à Bombay (Inde) en mai 2023.

D’ici-là, Sapporo devra veiller à accentuer l’appui populaire qui, pour l’heure, tarde à décoller au-dessus des 52%, à en croire un sondage réalisé plus tôt cette année.

Vue nocturne de Sapporo depuis l’Okurayama Ski Jump Stadium (Crédits – Sapporo Okurayama Ski Jump Stadium Official Website)

Or, par le passé, des candidatures ont été contraintes de se retirer, faute d’avoir obtenu et engrangé un soutien significatif de la part de la population.

Dans le cadre des JO d’été 2024, Boston (Massachusetts, États-Unis) en a d’ailleurs fait les frais, n’ayant pas réussi à gérer son statut de favorite, peut-être trop confiante en ses atouts et pas assez méfiante sur l’exploitation de ses faiblesses par les opposants au modèle olympique.

En quelques semaines au cours du premier semestre 2015, la candidature américaine avait ainsi peu à peu sombré au gré des nouveaux sondages et malgré la tenue de nombreuses réunions publiques. Les opposants étaient alors parvenus à créer une réelle dynamique, tant sur le terrain qu’au travers des réseaux sociaux.

In fine, le Maire de la ville avait fait le choix de débrancher le projet, en refusant de signer les garanties financières pourtant nécessaires. Le Comité Olympique et Paralympique des États-Unis (USOPC) avait par la suite réenclenché l’étude d’une candidature avant de sélectionner – sans surprise – le projet de Los Angeles (Californie), dont l’engagement pour le Mouvement Olympique n’est plus à démontrer après l’organisation des JO 1932 et surtout ceux de 1984.

Pour Sapporo, le danger pourrait également venir de l’absence d’un référendum et ce, comme cela a été acté par l’Assemblée municipale la semaine dernière, lundi 06 juin.

En se focalisant seulement sur des sondages, la candidature nippone espère certainement générer une dynamique en sa faveur sans un passage par les urnes. L’effet inverse n’est toutefois pas à négliger.

Si l’exemple de Boston vaut encore pour ce cas d’espèce, il est aussi à se remémorer la sortie finale du projet d’Oslo (Norvège) pour les Jeux d’hiver de 2022, comme un enseignement utile pour les partisans de Sapporo 2030.

A l’époque, la capitale norvégienne avait franchi l’étape cruciale de la consultation populaire, mais avec un résultat particulièrement serré entre les partisans et les opposants à la candidature. Dès lors, la fragile adhésion populaire n’a jamais su se transformer en réelle enthousiasme, bien au contraire, conduisant au bout du compte les autorités à faire le constat d’une candidature condamnée avant d’avoir pu pleinement s’exprimer aux yeux du monde.

Le retrait d’Oslo – pourtant issue d’un pays plus qu’expérimenté dans la tenue d’événements sportifs hivernaux avec en outre un palmarès de ses athlètes parmi les plus conséquents – et les défections d’autres candidatures européennes avaient finalement précipité la mise en orbite du projet de Pékin (Chine) et, d’une certaine manière aussi, l’installation des réformes successives de l’institution olympique.

Sur cette question sensible du soutien populaire, Sapporo devrait par ailleurs analyser la stratégie développée par les deux dernières candidatures de Tokyo pour les Jeux d’été.

Bien que le projet pour l’édition 2016 reposait sur un concept technique relativement solide, la candidature avait en effet souffert de la faiblesse de l’engagement populaire et ce, à l’inverse de la candidature déployée pour l’édition 2020 qui, elle, était parvenue à se hisser au sommet des sondages officieux et officiels.

Pour preuve, au premier jour de la visite de la Commission d’Évaluation en mars 2013, le CIO avait révélé un taux de soutien de 70% parmi les habitants de Tokyo et de 67% parmi les Japonais. Quatre ans auparavant, un précédent sondage olympique indiquait un taux de soutien bien moindre, avec 56% d’opinions favorables sur la capitale nippone et 55% à l’échelle du pays.

Cartographie du dispositif des Jeux d’hiver de Sapporo 2030 présenté en mars 2022 (Crédits – City of Sapporo)

Pour Sapporo, le temps est donc désormais compté, surtout lorsque l’on considère la réactivation de la concurrence internationale, avec le projet de Salt Lake City (Utah, États-Unis) et, dans une moindre mesure, celui de Vancouver (Canada).

La candidature américaine – bien que n’étant pas encore officiellement focalisée sur l’échéance de 2030 – bénéficie de fait d’un soutien populaire au zénith, avec un taux d’adhésion dépassant les 85%. Bien loin des 52% de Sapporo.

En plus du soutien de la population locale, la bataille des prochains mois se jouera également à l’aune des budgets proposés et des sites avancés par l’une et l’autre, sans oublier aussi l’impact potentiel de l’engagement de sportifs à l’envergure mondiale. Sur ce terrain, Salt Lake City a récemment dégainé deux cartes maîtresses, avec la venue dans ses rangs de Lindsey Vonn et l’appui annoncé de la révélation des Jeux de Pékin 2022, Eileen Gu.