Tokyo 2020 : Une défiance populaire à l’égard des Jeux et du Gouvernement

A moins de 200 jours de l’ouverture prévue des Jeux d’été de Tokyo 2020, la défiance de la population nippone à l’égard de l’événement n’a jamais été aussi élevée à en croire un récent sondage et ce, même si les autorités se veulent rassurantes concernant la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19.

Les anneaux olympiques installés au sein de l’Odaiba Marine Park de Tokyo en décembre 2020 (Crédits – Tokyo 2020)

Tokyo 2020 est peut-être la Ville Olympique la mieux préparée de l’histoire comme le rappelle régulièrement Thomas Bach, Président du Comité International Olympique (CIO), il n’empêche, la crise survenue avec le Covid-19 a balayé les certitudes d’hier et conduit aujourd’hui les autorités nippones à redoubler d’efforts pour rassurer la population et tenir les engagements pris en 2013, année d’attribution des Jeux.

Tout au long de l’année écoulée, le Comité d’Organisation (TOCOG) et les pouvoirs publics ont multiplié les réunions et les initiatives pour réduire la voilure et contenir autant que possible l’inflation des coûts consécutifs à l’annonce du report des Jeux à l’été 2021.

De fait, la mise en place de Groupes de travail et le suivi constant des préparatifs du côté de Lausanne (Suisse), siège du CIO, ont permis de sécuriser l’ensemble des sites sportifs nécessaires au bon déroulement de l’événement planétaire, tout comme également l’ensemble immobilier composant le Village des Athlètes dans la Baie de Tokyo.

Les efforts fournis en 2020 ont par ailleurs permis d’assurer l’adaptation du relais de la flamme – avec toute la logistique qui accompagne cette manifestation – sans compter aussi l’instauration de modalités de remboursement pour la billetterie et la signature d’un accord avec les 68 Partenaires nationaux de Tokyo 2020.

Récemment, une étape supplémentaire a en outre été franchie dans le cadre des préparatifs du report inédit des Jeux, avec un accord entre les parties concernant les frais supplémentaires et surtout, la répartition de ces derniers entre le TOCOG, le Gouvernement Métropolitain de Tokyo (TMG) et le Gouvernement du Japon.

Cette annonce intervenait quelques semaines après la visite dans la capitale nippone du Président du CIO, Thomas Bach, qui avait alors rappelé l’engagement de l’institution à épauler les organisateurs via une contribution exceptionnelle de 650 millions de dollars – en plus de celle déjà fournie selon les modalités du Contrat Ville Hôte – et la prise en charge des coûts de la vaccination des athlètes.

Le Président du Comité International Olympique, Thomas Bach, et le Premier Ministre, Yoshihide Suga, lors de leur entrevue, le 16 novembre 2020 à Tokyo (Crédits – CIO / Greg Martin)

Malgré ces efforts, la population nippone demeure réticente à l’accueil d’un événement à la fois perçu comme un afflux de visiteurs – et donc de potentiels nouveaux cas de Covid-19 – et comme un gouffre financier, au regard des révisions budgétaires successives et de la participation des autorités locales et nationales qui se sont engagées à hauteur de 8,7 milliards de dollars, dont 6,6 milliards à la seule charge du TMG.

Cet accroissement des investissements réalisés par les autorités se justifie à la fois par les mesures de lutte contre l’épidémie, mais également par un apport financier supplémentaire pour soutenir les coûts opérationnels liés aux Jeux.

Aussi, un sondage commandé par « Kyodo News » et publié ce dimanche, a révélé que plus de 80% des Japonais étaient désormais opposés à la tenue des Jeux de Tokyo 2020 dans les mois prochains. Dans le détail, cette enquête réalisée par voie téléphonique indique que 35,3% des sondés sont favorables à l’annulation pure et simple de l’événement, tandis que 44,8% des personnes interrogées se déclarent en faveur d’un nouveau report des Jeux.

Au-delà de la problématique relative aux Jeux, le sondage révèle surtout une critique grandissante au sein de la population concernant la gestion de la crise sanitaire, avec une défiance croissante vis-à-vis du Premier Ministre, Yoshihide Suga, qui a pris le relais de Shinzo Abe en septembre dernier.

La promulgation de l’état d’urgence sanitaire intervenue la semaine passée pour Tokyo et les Préfectures voisines de Chiba, Kanagawa et Saitama est ainsi jugée comme ayant été trop tardive pour 79,2% des sondés. Le Premier Ministre enregistre quant à lui un niveau de confiance en chute libre, avec une baisse de neuf points en l’espace d’un mois (41,3%).

Vue sur la Baie de Tokyo depuis une terrasse du Village des Athlètes (Crédits – CIO / Greg Martin)

Les semaines qui viennent seront à n’en pas douter déterminantes dans l’optique de décisions plus restrictives sur le plan national concernant le contexte sanitaire et le maintien des Jeux.

Le Gouvernement de Yoshihide Suga estime d’ailleurs que l’état d’urgence vise pour partie à préserver l’événement qui doit s’ouvrir le 23 juillet prochain au sein du Stade Olympique de Tokyo.

Le défi reste entier.

En l’espace d’un mois, le nombre de cas détectés de Covid-19 au Japon a d’ailleurs plus que doublé. Si 2 904 cas avaient été enregistrés à la date du 11 décembre 2020, ce chiffre est passé à 6 081 ce dimanche 10 janvier 2021, portant le total de cas relevés depuis le début de l’épidémie à 288 218 et le nombre de décès à 3 850 personnes.

A Tokyo, les chiffres connaissent aussi une certaine flambée depuis quelques semaines, le nombre de cas étant à présent mentionné à 75 012, soit une hausse de 1 494 en 24 heures, avec en outre 640 décès cumulés dont 3 sur la dernière journée.

Pour le CIO, les Jeux demeurent une perspective réalisable, l’instance n’ayant de cesse d’évoquer la manifestation comme l’incarnation d’une « lumière au bout du tunnel ». L’évolution épidémique sera en tout cas suivi de très près, avec toujours les conseils et recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) que le CIO consulte régulièrement depuis l’hiver dernier et les premières informations portant sur l’épidémie.

Plus globalement, la perception de l’événement est aussi un sujet de préoccupation pour l’instance fondée par le Baron Pierre de Coubertin.

Alors que le CIO cherche depuis plusieurs années à redorer son blason – avec notamment une procédure de candidature remaniée en profondeur et un dialogue plus poussé à l’attention des futurs organisateurs pour réduire la facture des Jeux – le cas tokyoïte est un challenge majeur qui a d’ores et déjà un impact sur les échéances à venir, parmi lesquelles Pékin 2022 et Paris 2024.