JO 2026 : L’incertitude italienne fragilise le CIO

Avec le retrait de ses candidatures pour l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été de 2020 et de 2024, l’Italie avait pleinement illustré l’incertitude planant sur de tels projets face aux subtilités et aléas du système politique.

Pour 2020, l’instabilité gouvernementale avait fini par avoir raison de la candidature de Rome 2020, les autorités nationales refusant alors d’assurer les garanties financières du projet. Pour 2024, ce ne fut pas l’échelle nationale qui fut la cause de l’abandon de Rome, mais davantage l’échelon local, avec les critiques virulentes de la Maire de la capitale, Virginia Raggi, à l’attention des porteurs du projet.

En 2018, le Comité Olympique Italien (CONI) espérait dès lors pouvoir rebondir des deux échecs passés et revenir ainsi sur le devant de la scène olympique, en soumettant un projet pour la tenue des Jeux d’hiver de 2026. In fine, le CONI se retrouve aujourd’hui dans une position d’extrême fragilité, entre un concept pour le moins atypique et une volonté politique pour le moins bancale.

Giovanni Malago, Président du CONI (Crédits – CONI / ANSA / Luigi Mistrulli)

De fait, alors que l’institution du Foro Italico avait présenté cet été un projet basé sur une répartition des sites – et donc des coûts de candidature et d’organisation – entre trois Villes Hôtes (Milan, Turin et Cortina d’Ampezzo), les dernières semaines ont quelque peu ajouté à la confusion entourant la réelle motivation italienne pour l’accueil des Jeux de 2026.

En effet, après les réticences exprimées par le Maire de Milan sur la viabilité d’un tel concept, ce sont finalement les autorités de Turin qui ont décidé de jeter l’éponge et de se retirer d’un projet qui prévoyait l’implantation du patinage de vitesse et du hockey-sur-glace masculin sur le territoire turinois.

Avec ce retrait soudain, l’hypothèse d’une candidature italienne apparaissait déjà fragilisé. Mais plus encore que le retrait de l’une des villes associées, c’est surtout la position du Gouvernement italien qui a achevé de semer le doute, tant auprès des élus locaux que des autorités olympiques, durant les derniers jours.

Cette semaine, le Secrétaire d’État à la Présidence du Conseil des Ministres, Giancarlo Giorgetti, a ainsi exprimé un avis tranché sur la perspective de poursuite de la candidature, affirmant notamment :

Je crois que quelque chose d’aussi important qu’une candidature aux Jeux doit démontrer un esprit de partage que je ne perçois pas entre les trois villes.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne croit pas qu’une demande telle que formulée jusqu’à présent puisse être développée.

Ce genre de proposition n’a pas le soutien du Gouvernement.

Trouvant la parade pour espérer recueillir le nécessaire soutien des autorités nationales, le CONI a revu ses plans pour exclure – du moins dans l’immédiat et dans l’attente d’un éventuel retour – Turin et concentrer de facto les efforts autour d’un projet bicéphale avec Milan en tête et Cortina d’Ampezzo en soutien.

Ce changement opéré avant la venue d’une délégation italienne au siège du Comité International Olympique (CIO), ce mercredi, n’a pas pour autant semblé convaincre Giancarlo Giorgetti, qui exige désormais des autorités locales la recherche de partenaires et de fonds privés pour assurer le financement de la candidature et du projet.

La position de ce leader de la Ligue du Nord, l’une des deux composantes de l’actuel Gouvernement italien, diffère quelque peu de celle exprimée par le Ministre de l’Intérieur – également Secrétaire Fédéral de la Ligue – Matteo Salvini. Comme l’a ainsi affirmé le numéro deux du Gouvernement :

Les Jeux apportent de l’argent et des investissements et nous allons travailler pour que tout le monde soit d’accord et fasse son possible pour que les Jeux soient organisés en Italie.

Entre déclarations contradictoires au plus haut niveau de l’État et plans révisés soudainement pour tenter de s’adapter aux humeurs politiques du moment, le CONI s’engage donc dans une voie plus que périlleuse qui fragilise aussi, et de manière indirecte, le CIO.

(Crédits – CIO)

L’institution de Lausanne (Suisse) a évidemment intérêt à ce que le projet de l’Italie perdure le plus longtemps possible et ce, pour une question de crédibilité après les efforts consentis pour revoir la procédure des candidatures.

Il n’empêche, après les retraits de l’Autriche, de la Suisse, et plus récemment du Japon, le CIO se retrouve d’ores et déjà confronté à un cas de figure qu’il commence à bien connaître après les nombreuses défections constatées dans les dernières courses aux Jeux.

Aujourd’hui, face à la perspective d’un projet italien prisonnier des considérations politiques et partisanes, l’institution attend avec une certaine fébrilité le positionnement définitif des autres villes intéressées par l’échéance hivernale de 2026.

Calgary (Canada) organisera une consultation populaire à la mi-novembre, après la présentation ce moisi-ci de son projet et des investissements nécessaires.

Stockholm (Suède) pour sa part, demeure dans l’expectative après les dernières élections législatives qui pourraient avoir une incidence sur l’issue de la candidature.

En ce qui concerne Erzurum (Turquie), le projet ne pourra être formalisé sans l’approbation préalable du Président Erdogan qui pourrait y voir un moyen de replacer la Turquie dans le jeu olympique, après les échecs de la ville d’Istanbul. La situation géopolitique pourrait néanmoins venir contre-carrer une ambition exposée depuis maintenant plusieurs années.

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