JO 2032-2036 : Une candidature bicéphale Montréal-Toronto à l’étude

Plusieurs fois candidates par le passé, les villes de Montréal – hôte en 1976 – et de Toronto pourraient s’allier dans la perspective d’une candidature aux Jeux d’été de 2032 ou de 2036. Un début de réflexion est en tout cas engagé du côté du Comité Olympique Canadien.

Vue du Stade Olympique de Montréal (Crédits – Flickr / slgckgc)

A l’été 2015, l’inauguration de la Maison Olympique Canadienne à Montréal et l’organisation des Jeux Panaméricains la même année à Toronto, avaient réveillé les ambitions d’un pays hôte des Jeux à trois reprises jusqu’alors, avec l’édition estivale de Montréal 1976 et les éditions hivernales de Calgary 1988 et, plus récemment, de Vancouver 2010.

Aussi, une réflexion avait à l’époque été engagée pour déterminer les modalités de présentation d’une nouvelle candidature olympique en provenance du Canada. Rapidement, le Comité National Olympique (COC) avait fait le choix d’entériner le principe d’un projet porté par Toronto, sans que les autorités de la ville ne soient pour autant sur la même longueur d’onde.

En septembre 2015, Carl Vallee, Directeur Exécutif du COC, avait d’ailleurs habilement tenté de forcer le destin en affirmant avec détermination :

Le Comité Olympique Canadien a été très clair dans son intention de mener, de défendre et de préparer une éventuelle candidature de Toronto 2024. Cela est tout simplement la dernière étape de ce processus.

Nous sommes heureux que la session, composée des Fédérations Nationales de sports du Canada, ait apporté son soutien unanime à la candidature de Toronto. Le vote d’aujourd’hui reconnaît la formidable opportunité que représenterait une candidature de Toronto, pour une ville de classe mondiale et pour l’avenir du sport au Canada.

Cela étant, le Maire a également été clair dans le fait qu’aucune décision n’a été prise pour le moment.

Peu de temps après, le Maire de la « Ville Reine », John Tory, avait finalement joué la carte de la raison et de la prudence, préférant ne pas engager Toronto dans une course à l’issue plus qu’incertaine, avec le souvenir des deux derniers échecs (1996 et 2008) et surtout la présence sur la ligne de départ de redoutables concurrentes internationales, au premier rang desquelles la ville de Los Angeles (États-Unis).

Par la suite, le COC s’était détourné d’une ambition longtemps focalisée sur les Jeux d’été pour revenir à l’idée d’une candidature aux Jeux d’hiver, via le projet développé par Calgary pour l’échéance 2026.

Toutefois, au-delà des contraintes liées à l’obtention de l’appui institutionnel, au niveau local, mais également au niveau provincial et fédéral, les porteurs du projet avaient été confrontés à l’incertitude d’un référendum qui s’était in fine soldé par un refus populaire de soutenir ledit projet.

Vue de l’emblématique Tour CN de Toronto (Crédits – Flickr / City of Toronto)

Aujourd’hui, le Canada semble désireux de revenir sur le devant de la scène olympique, avec à nouveau l’idée de soumettre, dans un avenir plus ou moins proche, un projet pour les Jeux Olympiques et Paralympiques d’été. Une réflexion est en tout cas en cours concernant une possible candidature commune de Montréal et de Toronto pour l’organisation des Jeux de 2032 ou de 2036 et ce, comme s’en est fait l’écho en début de semaine écoulée, le quotidien canadien « La Presse ».

S’appuyant sur six sources lui ayant confirmé l’existence d’un tel projet, le quotidien a aussi reçu une déclaration écrite paraphée par David Shoemaker, Secrétaire Général du COC, qui avait avancé l’idée d’une candidature dès la fin 2019 au détour du Conseil des Relations Internationales de Montréal (CORIM).

Comme il l’a cette fois-ci déclaré :

Le Comité Olympique Canadien croit à la valeur de l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympique et nous avons été ouverts à propos de notre désir de ramener les Jeux au Canada dès les années 2030. Cependant, aucune date particulière n’a été ciblée.

De par son héritage olympique, la Ville de Montréal est un interlocuteur naturel de toute future conversation d’accueil, et l’idée d’une candidature conjointe Montréal-Toronto offre de véritables attraits en surface.

En envisageant une potentielle alliance entre deux villes-phares du pays, le COC est sans aucun doute soucieux de répondre aux exigences de durabilité fixées par l’Agenda 2020 du Comité International Olympique (CIO) et par La Nouvelle Norme, autre texte majeur récemment adopté par l’institution de Lausanne (Suisse).

Il faut dire que Montréal dispose déjà d’un Stade Olympique – paradoxalement symbole des dérives budgétaires de l’événement – ainsi que de plusieurs équipements sportifs susceptibles de recevoir les compétitions inscrites au programme des Jeux.

La ville québécoise peut notamment se targuer de l’existence d’un Centre sportif construit en 1976 pour abriter les épreuves de natation, plongeon et water-polo.

Montréal dispose en outre du vaste Stade IGA, comprenant pas moins d’une trentaine de courts de tennis sur surface dure et sur terre battue, dont un court central de 11 500 places et un court secondaire de 4 500 sièges, qui accueillent chaque année la Coupe Rogers.

Haut-lieu de spectacles et de manifestations sportives indoor, le Centre Bell est aussi un équipement majeur qui pourrait aisément être inclus dans un futur projet olympique et paralympique du fait de sa multifonctionnalité et de sa jauge conséquente pouvant atteindre plus de 22 000 places.

Si l’on ajoute à ce dispositif les sites existants de Toronto, en particulier ceux qui furent au cœur de la tenue des épreuves des Jeux Panaméricains en 2015, une candidature canadienne incarnée par les deux villes pourrait être en adéquation avec la nouvelle approche voulue par le CIO, en apportant de surcroît des garanties non-négligeables en ce qui concerne la limitation des coûts.

Vue des anneaux olympiques installés dans la station Pie IX du métro de Montréal (Crédits – Flickr / Guilhem Vellut)

Il n’empêche, même si un tel projet peut s’avérer séduisant sur le papier, la mise en application d’une candidature canadienne pourrait ressembler à un saut d’obstacles.

Le contexte actuel, lié à l’épidémie de Covid-19 et à la gestion de celle-ci par les pouvoirs publics, pourrait en effet freiner les ardeurs des partisans les plus convaincus et ce, à l’image du ralentissement constaté l’an passé autour des projets d’ores et déjà déclarés (Queensland 2032) ou de la prudence affichée par certaines candidatures en réflexion, comme du côté de Vancouver pour les Jeux d’hiver de 2030.

D’ailleurs, la perspective d’un projet hivernal développé par la Ville Hôte des JO 2010 serait susceptible de constituer une autre difficulté pour l’émergence d’une candidature commune de Montréal et Toronto pour les Jeux d’été. De fait, le COC pourrait se retrouver dans une situation inconfortable où il devrait sélectionner l’option qu’il jugerait alors la plus pertinente, autrement dit, la candidature ayant le plus de chances d’aboutir auprès du CIO.

En dépit des sites existants – déjà opérationnels ou appelés à connaître une cure de jouvence – l’éloignement des deux villes pourrait également être problématique, compte-tenu de l’importance des compétitions à répartir entre les deux pôles séparés par près de 550 kilomètres et un trajet en voiture de plus de 5 heures. Certes, des territoires-hôtes des Jeux peuvent présenter une configuration similaire, comme prochainement Paris 2024 avec un concept associant Marseille et la Polynésie Française. Mais dans ce cas précis, la majorité des épreuves est programmée à Paris ou dans sa périphérie proche, seuls deux sports – hors football – étant aujourd’hui planifiés au-delà de la région francilienne, Marseille pour la voile et Tahiti pour le surf. Aussi, il apparaît complexe et hasardeux d’envisager une répartition homogène des sites, des compétitions et finalement des coûts d’organisation, entre Montréal et Toronto, à moins de laisser l’avantage à l’une des deux.

Quoiqu’il en soit, la question pourrait être réglée bien rapidement, avec le positionnement désormais attendu des premiers concernés, à savoir les Maires des deux villes.

Si l’envie d’une candidature aux Jeux est partagée à l’échelon local, il faudra encore veiller à atteindre le palier des Provinces du Québec et de l’Ontario, et à franchir le cap de l’État Fédéral.

Vue de la baie de Toronto avec au premier plan le projet de Stade Olympique pour les Jeux de 2008 (Crédits – Stadium Consultants International / Architect Design by BBB Architects)

Dans le passé, les deux villes – fortes de plus de 4 millions d’habitants pour la première et de plus de 7 millions d’habitants pour la seconde, en prenant considération de l’aire urbaine – ont été tentées par l’aventure des Jeux.

En s’en tenant aux seuls Jeux d’été, le Canada a ainsi exprimé son intérêt à cinq reprises jusqu’à aujourd’hui, sans compter la réflexion menée en amont de l’attribution des JO 2024.

Pour les Jeux de 1940 – attribués à Tokyo (Japon) mais finalement annulés en raison des répercussions du conflit mondial – Montréal et Toronto avaient un temps envisagé une candidature avant d’y renoncer.

Après cette tentative avortée, la ville québécoise se présenta officiellement aux votes du CIO pour l’obtention des Jeux d’été de 1972. Si à l’issue du premier tour de scrutin, Montréal parvint à éviter l’élimination d’entrée (16 voix, contre 21 pour Munich, 16 pour Madrid et 6 pour Détroit), elle s’inclinera dès le second tour, la candidature allemande remportant la mise avec 31 voix, contre 15 pour le projet canadien et 13 pour la candidature espagnole.

A la suite de cette déconvenue, Montréal retenta sa chance – avec succès cette fois – pour les Jeux de 1976.

Le 13 mai 1970 à Amsterdam (Pays-Bas), les membres du CIO désignèrent en effet la ville au détriment des candidatures de Los Angeles et de Moscou (URSS). Au premier tour, la cité moscovite avait pourtant devancé Montréal par 28 suffrages contre 25, Los Angeles étant quant à elle distancée (17 voix) et donc éliminée du scrutin. Au tour suivant, Montréal bénéficia du report de voix, supplantant Moscou par 41 voix, alors que la candidature soviétique resta figée à 28 votes en sa faveur.

Organisateur des Jeux d’été en 1976 et des Jeux d’hiver en 1988, le Canada revient sur le devant de la scène au début des années 1990, avec la présentation de la candidature de Toronto pour l’accueil des Jeux d’été du Centenaire, soit l’édition 1996.

Face aux favorites de l’époque, Athènes (Grèce) et Atlanta (États-Unis), la candidature canadienne ne parvient toutefois pas à faire la différence, restant systématiquement en retrait lors du vote du CIO organisé le 18 septembre 1990 à Tokyo. Ainsi, après un premier tour en troisième position (14 voix contre 23 pour Athènes et 19 pour Atlanta), un second tour à la quatrième place (17 voix ; 23 pour Athènes, 21 pour Melbourne, 20 pour Atlanta), et un troisième tour à nouveau en troisième position (18 voix contre 26 pour Atlanta et Athènes), Toronto est éjectée du vote au tour suivant, avec seulement 22 voix contre 34 pour la ville américaine et 30 pour la capitale grecque.

Pour les Jeux de 2008, Toronto est de nouveau sur la ligne de départ, face à des concurrentes venues d’Asie et d’Europe, avec les candidatures de Pékin (Chine), Osaka (Japon), Istanbul (Turquie) et Paris.

Là-encore, le projet canadien ne pu rivaliser avec le dossier ultra-favori d’alors, Pékin.

Dès le premier tour, la capitale chinoise avait d’ailleurs largement distancé ses poursuivantes, avec 44 voix, contre 20 pour Toronto, 17 pour Istanbul, 15 pour Paris et 6 pour Osaka. Le second tour fut dès lors une formalité pour Pékin, qui s’imposa le 13 juillet 2001 à Moscou, avec 56 suffrages, contre 22 pour Toronto, 18 pour Paris et 9 pour Istanbul.