Paris 2024 : L’ombre du Grand Paris Express sur le devenir du cluster de Dugny – Le Bourget

Mentionnées comme un atout pour le projet de Paris 2024 dans sa partie liée aux transports, les futures lignes du Grand Paris Express ne seront finalement pas achevées dans les délais nécessaires, ce qui pourrait avoir des répercussions plus ou moins importantes sur le concept olympique et paralympique.

Visuel du dispositif pour le cluster de Dugny – Le Bourget, avec le stade de volleyball et le centre de tir, au-dessus du Centre et du Village des Médias (Crédits – Paris 2024 / Luxigon)

Si la crise du Covid-19 a immanquablement accru la pression sur les chantiers d’aménagement et ceux en lien avec les transports en région Île-de-France, le calendrier du Grand Paris Express apparaissait depuis plusieurs mois déjà comme étant difficilement tenable au regard des délais et compte-tenu des aléas techniques.

Aussi, au cours de la réunion du Conseil de Surveillance de la Société du Grand Paris (SGP) qui s’est tenue ce mardi 07 juillet, le Président du Directoire, Thierry Dallard, a reconnu que des retards supplémentaires allant de 3 à 8 mois étaient désormais à prévoir sur les lignes d’ores et déjà mises en travaux, autrement dit, les futures lignes 15 Sud, 16, 17 et 18. Comme cela a ainsi été précisé :

Les études sont encore en cours pour évaluer l’ensemble des conséquences car plusieurs composantes entrent en ligne de compte : l’arrêt des travaux pendant le confinement, la diminution de la production sur les chantiers liés à la mise en œuvre des mesures sanitaires, la coordination à retrouver entre les chantiers du Grand Paris Express et ceux des partenaires avec le recalage des plannings que cela nécessite.

Dans la perspective de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques à l’été 2024, ces retards aboutiront de fait à la non-livraison des lignes 16 et 17 qui devaient pourtant pour partie permettre de rejoindre la Seine-Saint-Denis depuis les liaisons existantes et attendues à Paris (Ligne 14 Nord), et en particulier d’atteindre le cluster des médias regroupant, dans le secteur de Dugny – Le Bourget, le futur Village des Médias, sans oublier le Centre de Presse, ainsi que les sites destinés à accueillir le tir et le volleyball.

Cartographie des tronçons des futures 16 et 17 du Grand Paris Express utiles pour les Jeux de Paris 2024 (Crédits – Société du Grand Paris)

Pour palier à ce report, le Conseil de Surveillance a pris acte de la mise en place d’une expertise extérieure indépendante qui aura pour objectif d’identifier des mesures alternatives, les tronçons manquants étant compris entre Saint-Denis Pleyel et Le Bourget RER d’une part (Ligne 16) et entre Saint-Denis Pleyel et Le Bourget Aéroport d’autre part (Ligne 17).

La recherche de solutions bis – répondant tout à la fois à la question logistique mais également à la problématique environnementale – sera aussi à l’ordre du jour des prochaines discussions entre les acteurs institutionnels et territoriaux engagés dans les préparatifs d’organisation des Jeux. Cela pourrait ainsi passer par l’instauration temporaire ou pérenne de liaisons renforcées par bus, en complément des liaisons existantes qui desservent le secteur (Bus, Tram 11 Express, etc.) ce qui représenterait un coût à répartir entre les parties prenantes.

Néanmoins, compte-tenu du flux potentiellement important de spectateurs et au prétexte des retards dans la livraison des lignes 16 et 17 du Grand Paris Express, une délocalisation des épreuves sportives initialement envisagées à Dugny – Le Bourget n’est pas à exclure, ce qui laisserait sur place les seuls journalistes et représentants des médias.

Cette option – économique à l’heure où le Comité d’Organisation des Jeux (COJO) cherche à limiter les dépenses face à des rentrées d’argent incertaines – est cependant problématique pour au moins deux aspects.

D’une part, il serait impératif de trouver des sites – de préférence existants – en mesure d’abriter les épreuves délocalisées soit à Paris, soit dans les départements franciliens. Même si des pistes existent, un réexamen du dispositif aurait pour conséquence de dénaturer la promesse de Jeux compacts.

D’autre part, l’application d’une telle option serait de nature à soulever la protestation légitime des élus locaux, des élus qui pourraient y voir un affaiblissement de l’implication du territoire dans le dispositif des Jeux. Car même si le département limitrophe de Paris dispose à ce jour de la garantie d’abriter le Village des Athlètes et le Centre Aquatique Olympique, les derniers bouleversements observés autour du concept des Jeux ont déjà pu impacter une partie de la Seine-Saint-Denis et ce, alors que les élus – parmi lesquels Stéphane Troussel, Président du Conseil Départemental – souhaitent une intégration large du territoire et un désenclavement via les transports à l’horizon des Jeux. Des éléments intégrés jusqu’à présent pour assurer l’héritage de l’événement pour la Seine-Saint-Denis.

Visuel du pôle de commerces et services de proximité de la future cité-jardin héritée du Village des Médias des Jeux de 2024 (Crédits – TVK-SOLIDEO / Image : My Lucky Pixel)

Les prochains arbitrages – dont les contours pourraient être évoqués dès aujourd’hui avec le Président du Comité International Olympique (CIO) en visite à Paris – devront être discutés par les équipes du COJO, avec le concours des Collectivités Territoriales soucieuses de préserver les promesses de campagne, et avec l’implication du Délégué Interministériel en charge des Jeux, qui reste à désigner après la nomination de Jean Castex au rang de Premier Ministre.

D’ici-là, la Société du Grand Paris s’est montrée rassurante – au moins pour un temps et pour un projet – en ce qui concerne la livraison prévue du prolongement de la ligne 14 entre Mairie de Saint-Ouen et Saint-Denis, un axe capital pour conforter la desserte du Village et des sites périphériques de celui-ci, à savoir le Stade de France et le futur Centre Aquatique Olympique.

A ce sujet, le Conseil de Surveillance a en effet estimé que :

La mise en service reste raisonnablement atteignable pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Des marges de planning existent qui pourraient être consolidées avec la possibilité d’une accélération des travaux sous le régime du 24 heures sur 24.

Extrait du film technique de la candidature française (Crédits – Paris 2024)

Les semaines et mois qui viennent seront en tout cas déterminants pour sanctuariser les liaisons en direction des sites destinés aux Jeux.

Il conviendra par ailleurs de surveiller les rapports entre la Région Île-de-France et l’État en ce qui concerne les missions de l’autorité de gestion des transports Île-de-France Mobilités (IDFM). Ex-STIFF, cette dernière se trouve en effet dans une situation financière critique compte-tenu du peu de trésorerie constatée ces derniers mois – issue de la taxe versée par les entreprises franciliennes de plus de onze salariés et des recettes générées par le Pass Navigo – en raison des mesures de confinement qui ont lourdement impacté les transports en commun.

Faute d’une aide de l’État à l’égard d’Île-de-France Mobilités, l’autorité de gestion – pilotée par Valérie Pécresse, Présidente de la Région – pourrait être contrainte de se déclarer en cessation de paiements, ce qui aurait pour effet de retarder des chantiers-clés pour la modernisation des infrastructures et pour le renouvellement de la flotte des rames de métro et de RER.

Les transports présentés comme une force de Paris 2024 par les porteurs de la candidature aux Jeux seraient-ils in fine en train de devenir une faiblesse du projet ? L’héritage promis pour la Seine-Saint-Denis sera-t-il pour partie sacrifié dans un souci d’économies ? Deux sujets à suivre avec attention.