Tokyo 2020 : Le succès de Thomas Bach

Alors que les dernières compétitions se déroulent au Japon, la Cérémonie de clôture des Jeux de Tokyo 2020 se profile déjà. Dans un contexte sanitaire inédit, la tenue de ces Jeux représentait un défi que le Président du Comité International Olympique (CIO) a su habilement coordonner.

Thomas Bach, Président du Comité International Olympique, lors de la Cérémonie d’ouverture des Jeux d’été de Tokyo 2020, vendredi 23 juillet 2021 (Crédits – IOC / Greg Martin)

Dimanche 08 août, dans la nuit tokyoïte, Thomas Bach remettra le drapeau olympique à la Maire de Paris, Anne Hidalgo, après avoir reçu ce symbole des Jeux des mains de la Gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike.

Pour le Président du CIO, cet instant illustrera la clôture d’une Olympiade et l’ouverture d’une autre, alors que les organisateurs nippons et l’institution olympique n’ont pas été épargnés par les polémiques, les critiques et les incertitudes depuis plus d’un an.

Car si les déboires liés au chantier du Stade Olympique ou encore au choix des emblèmes ont pu perturber les premières années des préparatifs de l’événement attribué en septembre 2013, la survenance d’une épidémie de portée mondiale, dès la fin de l’année 2019, a rebattu les cartes comme jamais auparavant, obligeant les parties au projet de Tokyo 2020 à reporter l’événement.

En prenant une décision inédite dans l’histoire olympique, le CIO et ses partenaires ont immanquablement pris conscience que le défi à relever serait immense. Et il le fut.

Vue des anneaux olympiques installés dans la baie de Tokyo (Crédits – 2021 – IOC / Yuichi Yamazaki)

Au cours des mois écoulés, il a ainsi fallu sécuriser la quarantaine de sites destinés aux compétitions, alors que certains équipements devaient être vendus ou loués à la fin des Jeux selon les dates initiales de programmation de l’événement. Il a aussi fallu sécuriser l’utilisation à une année d’écart du Village des Athlètes et ses milliers de logements qui, eux-aussi, devaient être cédés après les Jeux.

Au-delà de l’hébergement des futurs participants aux Jeux – et sans se limiter aux seuls athlètes – le CIO a par ailleurs veiller à contrôler la problématique du surcoût lié au report et ce, avec l’ensemble des autres parties au projet, à commencer par les autorités nippones, le Gouvernement Métropolitain de Tokyo (TMG) et le Gouvernement du Japon.

Un plan de simplification a ainsi été instauré afin de dénicher des économies pour plusieurs dizaines de millions d’euros, et la Commission de Coordination des JO 2020 pilotée par John Coates, fidèle allié de Thomas Bach, a supervisé avec rigueur l’adaptation des préparatifs dans la dernière ligne droite.

En parallèle, le CIO a convenu de débloquer 800 millions de dollars, soit 650 millions pour les organisateurs nippons et 150 millions pour les Fédérations Internationales elles-aussi impactées par le report. Cette somme est dès lors venue s’ajouter à l’enveloppe initialement dévolue à la Ville Hôte qui, dans le cas de Tokyo 2020, s’élevait à plus de 1,3 milliard de dollars.

Ce coup de pouce – que certains ont considéré comme bien inférieur aux besoins – a représenté un effort sans précédent pour l’institution olympique à l’égard d’une Ville Hôte.

Par cette action, le CIO et son Président ont en fait su mettre en œuvre ce que l’on peut considérer comme une habile opération de communication pour montrer que l’institution était résolument aux côtés des autorités nippones sur qui, en revanche, la pression s’est avérée maximale, entre rallonges budgétaires conséquentes et défiance croissante de l’opinion publique à l’égard des Jeux mais encore davantage vis-à-vis des gestionnaires de la crise sanitaire.

Toujours sur le plan financier, la question des sponsors nationaux de Tokyo 2020 a constitué un autre challenge d’importance pour les organisateurs.

Ces derniers ont en effet été soucieux de conforter une stratégie qui a fait entrer l’Olympiade nippone dans l’histoire, compte-tenu de l’afflux de partenaires – 68 sponsors nationaux – et de la manne financière conséquente générée par ces derniers, à savoir plus de 3,3 milliards de dollars. Du jamais vu.

La Gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, et le Président du Comité International Olympique, Thomas Bach, lors de la passation du drapeau olympique entre Rio de Janeiro et Tokyo, le 21 août 2016 (Crédits – IOC / Ian Jones)

Mais peut-être plus encore que les questions financières, le CIO a réussi à mener de front le chantier sanitaire, alors que beaucoup avaient exprimé leurs craintes concernant la tenue des Jeux Olympiques dans un contexte aussi tendu que celui de la pandémie mondiale.

D’ailleurs, peu avant l’ouverture des Jeux, au cours de sa rencontre avec le Premier Ministre, Yoshihide Suga, Thomas Bach s’était fait l’écho de l’argument vaccinal et du taux élevé de vaccinés parmi les sportifs appelés à concourir, mais aussi parmi les membres du CIO et les représentants des médias.

Bien sûr, cela n’a pas empêché la détection de cas positifs au sein de délégations étrangères arrivées sur le sol nippon, mais les mesures de contrôle instaurées au Village, sur les sites et dans le cadre des déplacements, ont certainement permis d’éviter une flambée épidémique en provenance directe de la sphère des Jeux, flambée qui aurait inévitablement terni l’image de l’événement et de ses porteurs. Sur ce point, le CIO et ses alliés ont certainement retenu la leçon de l’EURO 2020 de football – également reporté à 2021 – qui s’est déroulé dans plusieurs pays d’Europe, avec des jauges de spectateurs plus ou moins régulés et des déplacements ayant engendré l’apparition de clusters épidémiques dans les pays hôtes.

Pour Tokyo 2020, les décisions prises par le CIO et les autorités ont à l’inverse été graduées et maîtrisées.

Pour preuve, les autorités nippones – confrontées à la recrudescence des contaminations ces derniers mois et à la pression populaire – avait d’abord fait le choix de décréter l’état d’urgence dans les Préfectures les plus impactées par le Covid-19, sachant que l’enclenchement tardif de la campagne de vaccination, ne permettrait pas d’atteindre la fameuse immunité collective avant l’ouverture des Jeux. Par la suite, ces mêmes autorités ont travaillé de concert avec l’institution olympique pour autoriser l’accès aux Jeux aux seuls spectateurs nippons, avant finalement de faire le choix du huis clos.

Cette décision, qui était attendue depuis des mois, est apparue comme une solution de repli acceptable pour toutes les parties, même avec le risque de se priver de 800 millions de dollars de recettes de billetterie.

Car si le CIO aurait évidemment pu supporter le cas ultime d’une annulation des Jeux, grâce notamment à de puissants contrats d’assurances, l’investissement réalisé depuis 2013 par le Japon et la Métropole de Tokyo aurait été perçu comme une inévitable perte et ce, sans garantie aucune que l’événement puisse s’y tenir à une autre échéance raisonnable.

Malgré les propositions discutées dans les médias – certains ayant évoqué la piste d’un report des Jeux de Tokyo pour 2024 par exemple – les engagements d’ores et déjà actés par le CIO, les Fédérations Internationales, les partenaires et les diffuseurs, n’auraient pas permis de réaliser un report en cascade impactant, au-delà de Tokyo, les éditions de Paris 2024 et de Los Angeles 2028 et perturbant de surcroît le processus déjà en place pour l’attribution des Jeux de 2032.

Vue de la vasque olympique de Tokyo 2020 installée sur l’Ariake Yume-no-Ohashi Bridge (Crédits – Tokyo 2020)

Dans la tempête, le CIO aura réussi à tenir bon et à préserver au mieux son image. Du côté des autorités nippones, la pilule des Jeux devrait encore être difficile à faire avaler pour la population, bien que cette dernière se soit prise d’engouement comme en témoigne le succès des audiences télévisées. Comme en témoigne aussi le succès de la vente des produits dérivés dans les boutiques officiels.

Pour Thomas Bach, les décisions prises sur l’année écoulée ont été sans commune mesure avec les décisions actées par ses prédécesseurs au cours de leur mandat respectif, et la détermination qu’il a très tôt affiché lui a permis de réaliser la promesse formulée dès le printemps 2020 : faire des Jeux de Tokyo 2020, « une lumière au bout du tunnel ».

Avant même la Cérémonie d’ouverture, pleines de symboles, le leader olympique avait tenu à rendre hommage au peuple japonais et aux dirigeants nationaux ayant contribué à maintenir les Jeux.

Ce vendredi, Thomas Bach est allé encore plus loin. Comme il l’a ainsi affirmé dans le cadre de son ultime conférence de presse dans la cité tokyoïte :

Ces Jeux ont dépassé mes attentes. On disait que Tokyo était la ville la mieux préparée pour les Jeux et cela s’est confirmé.

Après que nous ayons accepté la décision de ne pas avoir de spectateurs, je dois admettre que j’étais inquiet. Je craignais que ces Jeux n’aient pas d’âme, mais ce que nous avons vu était totalement différent. Nous avons eu des Jeux plus jeunes, plus urbains, avec une plus grande égalité hommes-femmes.

Au Village, j’ai trouvé que l’atmosphère était plus intense que jamais, avec comme sentiment dominant, le plaisir d’être ensemble et la gratitude que ces Jeux aient pu avoir lieu.

Certes, la crise sanitaire persiste et les prochains mois continueront d’être critiques, mais une lueur d’espoir a pu être perceptible avec la parenthèse enchantée des Jeux Olympiques.

Événement planétaire plus que centenaire, les Jeux sont le lieu d’une concurrence sportive entre nations, mais sont surtout davantage le lieu d’expression d’une certaine forme de fraternité et de solidarité. Le cas de Tokyo 2020 n’a pas dérogé à cette règle qui met en exergue les valeurs de l’Olympisme qui, en cette année singulière, s’inscrivent dans l’actualité.

Thomas Bach ne s’y est pas trompé, faisant même de la solidarité l’un des maîtres-mots du CIO avec, aussi symbolique soit-il, l’adoption récente d’un changement de l’historique devise olympique qui, ajoutant au triptyque connu de tous, est devenue :

Plus vite, Plus haut, Plus fort – Ensemble.

Thomas Bach, Président du Comité International Olympique (Crédits – IOC / Greg Martin)

Tokyo 2020 s’achève dimanche 08 août, mais l’institution olympique a déjà les yeux rivés sur les prochaines échéances, à commencer bien sûr par Pékin 2022.

L’édition chinoise – pour laquelle le CIO doit affronter de vives critiques en provenance notamment des États-Unis – aura aussi à tenir compte de la pandémie mondiale et devrait elle-aussi connaître des mesures de restrictions sanitaires à un degré restant à convenir pour les compétiteurs et pour les spectateurs.

Au-delà de cette échéance à venir, le CIO entend surtout pérenniser le modèle olympique tout en l’adaptant à la société d’aujourd’hui et au monde de l’après-coronavirus. Paris 2024 et Los Angeles 2028 en seront des exemples, tout comme Milan-Cortina 2026 ou Brisbane 2032, dont la récente désignation assure à l’institution de Lausanne (Suisse) une confortable marge de manœuvre.

Les prochains mois verront par ailleurs l’émergence ou la confirmation de candidatures pour les Jeux d’hiver de 2030 et les Jeux d’été de 2036, certaines prétendantes étant d’ores et déjà sur les rangs, preuve que l’image olympique demeure attractive.

Une aubaine pour le CIO.