Brisbane 2032 : La consécration de l’ambition australienne

Brisbane avait rêvé des Jeux pour 1992. Après plusieurs décennies marquées par la tentation de présenter une candidature et à l’issue de près de trois ans d’un travail minutieux pour élaborer un projet puissant, la cité du Queensland s’est finalement vue attribuer l’organisation de l’événement planétaire pour 2032, succédant ainsi à Paris 2024 et à Los Angeles 2028.

Le Président du Comité International Olympique, Thomas Bach, à l’annonce de l’Hôte des Jeux d’été de 2032, le 21 juillet 2021 (Crédits – IOC / Greg Martin)

Au milieu des années 1980, l’Australie tente sa chance pour organiser à nouveau les Jeux Olympiques d’été, après avoir abrité l’édition de 1956 à Melbourne. Avant le projet de Sydney pour les Jeux de l’an 2000, Brisbane porte donc les couleurs du vaste État de l’Océanie dans la course aux JO 1992.

Néanmoins, face à la redoutable concurrence de Barcelone (Espagne), dont la candidature est appuyée par le Président du Comité International Olympique (CIO) de l’époque, Juan Antonio Samaranch, Brisbane résiste durant les deux premiers tours de scrutin avant de s’incliner.

Le 17 octobre 1986, la ville du Queensland parvient à se maintenir au premier tour, recueillant alors 11 suffrages, contre 8 pour Birmingham (Royaume-Uni) et seulement 5 pour Amsterdam (Pays-Bas). Déjà pourtant, l’avantage tourne clairement en faveur de la cité catalane qui rafle à cette occasion 29 voix, contre 19 pour Paris (France) et 13 pour Belgrade (à l’époque en Yougoslavie, aujourd’hui Serbie).

Au tour suivant, Brisbane évite l’élimination à une voix près, avec 9 suffrages contre 8 pour Birmingham. Là-encore, l’avantage demeure net pour Barcelone face à toutes ses rivales engagées dans la course : 37 voix raflées, 20 voix pour Paris et 11 voix pour Belgrade.

Le troisième et dernier tour consacre finalement Barcelone qui remporte la mise par 47 suffrages, contre 23 pour la capitale française, 10 pour la représentante australienne et 5 pour Belgrade.

En dépit de cet échec, Brisbane et l’Australie conserveront des années durant un intérêt pour la scène olympique.

Quand Sydney emporte le flambeau pour les Jeux de 2000, Brisbane espère encore devenir Ville Olympique dans les années futures.

Si les échéances suivantes ont un temps pu être évoquées, le contexte de projets puissants – avec notamment Paris et Los Angeles pour 2024 – et surtout le vote par la Session extraordinaire du principe de double attribution des Jeux à l’été 2017 ont rapidement refermé les portes sur une organisation des Jeux avant la fin de la décennie 2020.

Masterplan du projet de Brisbane 2032 (Crédits – CIO)

Aujourd’hui, les choses ont changé, avec en particulier la profonde réforme du processus de candidature et de désignation de l’Hôte des Jeux.

Par ailleurs, la construction du projet australien a pu se forger avec rigueur et détermination dans un espace-temps millimétré – un peu plus de deux ans – mais avec l’assurance d’un engagement total des échelons institutionnels du pays, du secteur privé et bien sûr aussi de la population.

Un triptyque gagnant qui a été largement soutenu par John Coates, emblématique Président du Comité Olympique de l’Australie (AOC), bras droit du Président du CIO, Thomas Bach, patron de la Commission de Coordination des Jeux de Tokyo 2020 et peut-être davantage, acteur-clé des dernières mutations olympiques.

Avec un projet fondé sur plus de 80% de sites existants ou temporaires et sur une région – le Queensland – forte de la tenue des Jeux du Commonwealth en 2018, Brisbane s’est donc rapidement positionnée comme grande favorite face à des projets ambitieux mais sans doute moins préparés portés par la Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne), l’Indonésie, l’Inde, Doha (Qatar), Budapest (Hongrie) ou encore l’alliance étonnante entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.

Rien de surprenant dès lors à ce que le CIO soit séduit par une proposition garantissant une certaine sécurité dans les investissements à envisager et un engouement populaire évident pour un événement régulièrement ciblé par des oppositions physiques ou numériques.

Les derniers mois ont d’ailleurs dissipé les quelques incertitudes qui pouvaient encore subsister et ce, même si le projet a un temps été mis en suspens en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, avant de revenir puissamment sur le devant de la scène et d’être in fine retenu dans la phase dite de, dialogue ciblé, qui caractérise la nouvelle mouture du processus des candidatures.

Annastacia Palaszczuk, Première Ministre du Queensland, face à la 138ème Session du Comité International Olympique, mercredi 21 juillet 2021 (Crédits – IOC / Greg Martin)

Ce mercredi, en amont de l’élection de l’Hôte des Jeux par la 138ème Session du CIO réunie à Tokyo, les représentants de Brisbane ont pu s’exprimer à la tribune olympique pour présenter le concept élaboré autour d’une ville-centre et de pôles sportifs concentrés sur Gold Coast et Sunshine Coast.

Les membres électeurs du CIO ont ainsi pu assister à une intervention vidéo du Premier Ministre australien, Scott Morrison, que Thomas Bach avait rencontré en novembre dernier en marge d’une visite d’inspection dans la capitale nippone, ainsi qu’à la présentation du Rapport final par la Présidente de la Commission de Futur Hôte pour les Jeux d’été – quelque peu héritière de la Commission d’évaluation qui prévalait jusqu’à présent – Kristin Kloster.

En l’absence de suspens, la candidature du Queensland a au bout du compte été consacrée dans une sorte de plébiscite, avec l’obtention de 72 « Oui » pour seulement 5 « Non » parmi les 77 votes valables.

Pour la Première Ministre du Queensland, présente à Tokyo cette semaine, le succès de la candidature doit dès maintenant se concrétiser sur le terrain, pour une mise en œuvre la plus harmonieuse possible, en tenant compte des intérêts de chacune des parties au projet.

Comme l’a ainsi affirmé Annastacia Palaszczuk – qui s’était rendue au siège du CIO à la fin de l’été 2019 – dans un mélange de pragmatisme et d’ambition :

L’approche de base retenue par le Queensland consiste à aligner l’héritage des Jeux sur ses plans à long terme. Nous travaillerons avec les trois niveaux de gouvernement pour intégrer les perspectives d’héritage olympique dans les programmes existants et nous créerons un fonds spécial pour l’héritage des Jeux. Il s’agit ici de garantir la mise en œuvre efficace des projets en matière d’héritage au cours des dix prochaines années – et des dix années suivantes. En d’autres termes, nous souhaitons non seulement donner naissance à une nouvelle génération d’athlètes olympiques, mais aussi offrir la possibilité à nos petites entreprises de s’engager pleinement, de développer leur activité et d’exporter dans le monde entier.

Conscient des atouts du dossier australien, le Président du CIO n’a pas manque de saluer ledit dossier à l’issue du scrutin.

Le vote d’aujourd’hui est un vote de confiance dans la capacité de Brisbane et du Queensland à organiser de magnifiques Jeux Olympiques et Paralympiques en 2032.

Nous avons reçu énormément de commentaires positifs de la part des membres du CIO et des Fédérations Internationales de sport au cours des derniers mois.

Thomas Bach s’est en outre félicité de la nouvelle philosophie de l’institution adoptée à l’égard des villes et territoires candidats aux Jeux.

Comme l’a ainsi souligné celui qui a été confortablement réélu au printemps dernier :

Cette nouvelle approche est plus simple, plus collaborative, plus compacte, et a un impact positif.

Nous disposons désormais d’un nombre important de parties intéressées pour les Jeux de 2036, et même de 2040, c’est-à-dire dans presque 20 ans. Je ne me souviens pas que nous ayons jamais été dans une position aussi favorable 20 ans avant des Jeux Olympiques.

Nous abordons Tokyo 2020 avec une confiance totale dans l’avenir du Mouvement Olympique.

De gauche à droite, John Coates, Président du Comité Olympique de l’Australie ; Annastacia Palaszczuk, Première Ministre du Queensland ; et Adrian Schrinner, Maire de Brisbane, à l’annonce du vote pour l’Hôte des JO 2032, mercredi 21 juillet 2021 (Crédits – IOC / Dave Thompson)

De fait, si les prochaines années seront déterminantes, le processus en cours apporte d’ores et déjà un satisfecit au CIO et ce, après les années de doutes entre le désintérêt manifeste de Villes, les référendums et les oppositions sur le plan local, sans oublier bien sûr la survenance l’an passé de l’épidémie de Covid-19.

A l’aube de l’ouverture des Jeux de Tokyo 2020, force est de constater que l’institution fondée par le Baron Pierre de Coubertin garde toute sa vitalité, arrivant – dans un contexte encore incertain – à se projeter dans un horizon que d’autres n’oseraient même pas envisager.

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