Le Président du CIO évoque des pistes pour un changement de la procédure de candidature

Jeudi 02 mars, le Président du Comité International Olympique (CIO) est sorti du silence afin d’exprimer quelques pistes potentielles pour un changement de la procédure de candidature à l’organisation des Jeux.

L’ancien Président du Comité Olympique Allemand (DOSB) a ainsi répondu aux questions du quotidien d’Outre-Rhin, « Stuttgarter Nachrichten ».

Dans les colonnes de celui-ci, Thomas Bach aborde la course aux JO 2024 marquée par le récent retrait de Budapest (Hongrie) mais également le financement de l’événement olympique et le coût des candidatures pour les Villes Candidates et le cas échéant, de l’organisation pour les Villes Hôtes.

Thomas Bach, brandissant un exemplaire de l’Agenda 2020, lors de la 128e Session du CIO, le 02 août 2015 (Crédits – CIO / Ian Jones)
Thomas Bach, brandissant un exemplaire de l’Agenda 2020, lors de la 128e Session du CIO, le 02 août 2015 (Crédits – CIO / Ian Jones)

Il faut dire que l’année 2017 semble plus que jamais cruciale pour l’avenir du Mouvement Olympique ou tout du moins le modèle qui est actuellement tant décrié.

Après les retraits successifs de Boston (États-Unis), Hambourg (Allemagne), Rome (Italie) et donc Budapest (Hongrie), le CIO se retrouve dans une situation qu’il n’avait plus connu – dans le cadre des JO d’été – depuis les années 1980 lorsque Los Angeles (États-Unis) fut seule candidate pour les JO 1984 et lorsque Séoul (Corée du Sud) et Nagoya (Japon) se disputèrent l’organisation des Jeux de 1988.

Face à cette situation de crise ouverte, la Maison Olympique se doit donc de répondre aux critiques et d’adapter l’Agenda 2020 qui est à ce jour une réforme dont les fondements n’ont pas produit les effets escomptés.

Comme il l’avait déjà affirmé, Thomas Bach a indiqué dans son interview que « sans l’Agenda 2020, nous n’aurions pas eu un seul candidat pour les Jeux de 2024.

L’Agenda 2020 porte sur le coût de l’organisation des Jeux et sur la durabilité.

Ce que nous ne prévoyons pas en revanche, c’est le changement dans le processus de candidature en raison de recours formulés par des mouvements politiques anti-système. Ils développent des slogans relatifs au gigantisme et à l’argent.

Nous pouvons nous plaindre, mais cela ne change rien. Par conséquent, nous devons faire avec ».

Au cours des derniers mois, le Président de l’institution de Lausanne (Suisse) avait pointé du doigt la pression des mouvements politiques et des initiatives citoyennes contre les Jeux, notamment après le retrait de Boston et plus récemment, après celui de Rome.

Face à ce constat et à cette évidente menace – qui porte en elle l’argument référendaire – Thomas Bach estime que la procédure de candidature doit être modulée pour permettre à d’anciennes Villes Candidates de revenir dans le giron olympique sans se sentir lésées.

Bien sûr, ce propos du Président du CIO concerne particulièrement les villes du « Vieux Continent », berceau de l’Olympisme mais qui peine aujourd’hui à faire émerger des candidatures suffisamment solides pour arriver jusqu’à la ligne d’arrivée, autrement dit, jusqu’au scrutin olympique.

« L’Europe est le noyau du Mouvement Olympique. Il ne serait pas sage de l’ignorer.

Le processus, tel qu’il existe aujourd’hui, produit trop de perdants. Du fait de cette tendance, le nombre de candidats se réduit. Mais nous voulons trouver le meilleur hôte possible pour les Jeux Olympiques.

Dans le passé, des villes comme Paris ou Buenos Aires ont souvent candidaté. Cela n’est plus possible aujourd’hui, car la plupart de ceux qui ont renoncé ont dit au revoir au processus de candidature. Ce cercle doit être brisé.

Nous pouvons inciter les candidats à revenir une deuxième fois, et ne pas exiger d’eux qu’ils commencent le processus à zéro. Nous devons réduire le coût de candidature, et faire que chaque site qui a accueilli un événement mondial comme une Coupe du Monde ou un Championnat du Monde, soit réputé approuvé et répondre aux exigences des Fédérations Internationales » a notamment indiqué Thomas Bach.

En mars 2015, visite de la Commission d'évaluation du CIO à Zhangjiakou, site prévu par Pékin 2022 pour les épreuves de neige (Crédits - Pékin 2022)
En mars 2015, visite de la Commission d’évaluation du CIO à Zhangjiakou, site prévu par Pékin 2022 pour les épreuves de neige (Crédits – Pékin 2022)

Concrètement, une ville qui aurait candidaté à une Olympiade mais qui n’aurait pas obtenu le précieux sésame, pourrait retenter sa chance sans avoir à répondre aux mêmes exigences qu’une ville qui propose sa candidature pour la première fois.

L’aspect financier pourrait dès lors être un premier secteur impacté. Cela reviendrait par exemple à réduire une fois encore le montant des droits de candidature. Auparavant fixés à 650 000 dollars pour les Villes Candidates, ces derniers ont été abaissés à 250 000 dollars pour les prétendantes aux JO 2024.

L’apport de cette somme a en outre été échelonné en trois versements : 50 000 dollars en octobre 2015 ; 50 000 dollars en juillet 2016 ; et enfin 150 000 dollars en janvier 2017.

Avec ces pistes, l’idée d’une double attribution des Jeux de 2024 et 2028 – pourtant ouvertement évoquée par Thomas Bach – semble à présent mise de côté. Tout du moins pour l’instant ; un nouveau basculement n’étant pas à écarter d’ici le 13 septembre prochain, date d’élection de la Ville Hôte.

Sur ce point, il convient de rappeler – notamment à l’égard de celles et ceux qui espèrent une double attribution dans une course déjà bien engagée – les propos tenus par le Président du CIO en octobre 2014.

A cette époque, l’institution avait été ébranlée par les défections des Villes Candidates aux JO d’hiver de 2022. Une situation similaire à celle qui est en développement actuellement avec le maintien de Los Angeles et Paris.

« Le CIO s’en tient à ses engagements. Nous avons réalisé un appel à candidatures. Il existe une procédure claire et transparente. Nous allons suivre cette procédure avec deux candidats.

Aujourd’hui, nous sommes en plein milieu de la procédure et nous ne pouvons et ne voulons pas changer les règles, compte tenu du fait que nous avons encore deux candidatures très intéressantes avec une approche diversifiée » avait martelé Thomas Bach.

Ce dernier faisait alors référence aux candidatures de Pékin (Chine) et d’Almaty (Kazakhstan).

Anne Hidalgo, Maire de Paris ; Thomas Bach, Président du Comité International Olympique ; et Tony Estanguet, coprésident du Comité de Candidature de Paris 2024 à l'occasion de l'opération "Nuit Blanche" 2016 (Crédits - Anne Hidalgo / Page Facebook)
Anne Hidalgo, Maire de Paris ; Thomas Bach, Président du Comité International Olympique ; et Tony Estanguet, coprésident du Comité de Candidature de Paris 2024 à l’occasion de l’opération « Nuit Blanche » 2016 (Crédits – Anne Hidalgo / Page Facebook)

Au cours de l’interview accordée à la presse allemande, cette délicate problématique de l’attractivité du Mouvement Olympique et des Jeux actuels n’a pas été l’unique sujet abordé par Thomas Bach.

Le leader du CIO est ainsi revenu sur la polémique des Jeux de Rio 2016 autour de l’exclusion des athlètes russes suite aux révélations du Rapport McLaren. Au-delà d’une justification de la prise de position du CIO, Thomas Bach a par ailleurs mentionné les relations de travail qu’il a pu avoir ou qu’il a avec les dirigeants politiques de ce monde.

Une équation périlleuse alors que l’institution du Baron Pierre de Coubertin s’est toujours posée en gardienne d’une certaine neutralité diplomatico-politique.

Cela se ressent évidemment dans l’appréciation des projets des Villes Candidates avec un discours parfaitement calibré et millimétré ; mais cela s’entend aussi au regard du positionnement du CIO sur les sujets brulants d’une actualité qui mêle souvent sport et politique.

« Nous avions dans le cadre des Jeux d’hiver de Sotchi 2014 une coopération très constructive [avec le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine]. A notre demande, il a ainsi veillé à ce que la loi hostile à l’homosexualité ne soit pas appliquée dans les zones concernés par les compétitions.

La relation de travail est la même que celle qui se construit avec tous les dirigeants des pays dans lesquels se déroulent les Jeux Olympiques. Et pour être clair : non, je n’ai pas discuté avec Vladimir Poutine de la question d’une sanction de la Russie au regard de la problématique du dopage » a déclaré Thomas Bach.

Mais comme une référence implicite à la politique souhaitée par le nouveau Président des États-Unis, Donald Trump, le dirigeant olympique ne s’est pas privé de marcher quelque peu sur le terrain politique en rappelant les idéaux de l’institution qu’il préside depuis septembre 2013.

Pour Thomas Bach, « le rôle des Jeux Olympiques est de construire des ponts et non d’ériger des murs. Nous observons avec inquiétude un monde qui semble de plus en plus conflictuel et qui nous rappelle dans sa forme, l’époque de la Guerre Froide.

Les Jeux Olympiques sont cependant le seul événement qui est encore capable de réunir le monde entier. Ceci est un fait que je constate et qui est encore présent dans les négociations politiques.

Nous avons besoin de messages plus positifs ».

Thomas Bach lors de la Cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nanjing 2014 (Crédits – Xinhua / CIO)
Thomas Bach lors de la Cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de la Jeunesse de Nanjing 2014 (Crédits – Xinhua / CIO)

Au-delà des déclarations et des postures, reste à présent à connaître les actes que l’institution centenaire pourrait être amenée à prendre.

Sur ce point précis, c’est aussi le leadership de Thomas Bach qui pourrait être mis à rude épreuve dans les mois qui viennent, lui qui a porté sur ses fonts baptismaux, la réforme de l’Agenda 2020, plus important mouvement de l’institution depuis l’adoption des mesures de la Commission « CIO 2000 » après le scandale relatif aux Jeux d’hiver de Salt Lake City 2002.