Pour l’exemple, le CIO doit exclure la Russie des Jeux de Rio 2016

Ce mardi 19 juillet, la Commission exécutive du Comité International Olympique (CIO) devait statuer sur le sort de la Russie et de ses sportifs avant les Jeux d’été de Rio 2016.

Finalement, ladite Commission a préféré se laisser du temps… à un peu plus de 15 jours de l’ouverture des JO 2016.

Si elle a tout de même pris quelques mesures symboliques et procédé à la nomination d’une Commission disciplinaire chargée d’examiner les faits et d’avoir recours à des auditions, la Commission exécutive – qui se compose du Président du CIO, de quatre vice-Présidents et de dix membres – s’est montrée prudente, justifiant sa volonté d’attendre la décision du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) sur l’appel déposé par plusieurs dizaines d’athlètes russes suspendus par la Fédération Internationale d’Athlétisme (IAAF).

(Crédits - IOC / C.Moratal)
Réunion de la Commission exécutive du CIO, en juin 2016 (Crédits – CIO / C. Moratal)

Néanmoins, cette attente traduit avant toute chose un malaise – sans doute profond – et un dilemme au sein du CIO.

L’institution organisatrice des Jeux peut-elle se permettre, en 2016, d’écarter une nation aussi importante que la Russie de la grand messe olympique ?

La question mérite d’être posée au regard du poids de la Russie dans les dernières compétitions, et en particulier lors des Jeux Olympiques, ainsi que de l’influence des pouvoirs publics à commencer par le Président Vladimir Poutine.

Depuis l’éclatement du bloc soviétique, la Russie a en effet glané pas moins de 397 médailles aux Jeux d’été et 124 aux Jeux d’hiver. Sur les dernières éditions olympiques, les sportifs russes ont ramené 81 médailles des Jeux de Londres 2012 (quatrième nation avec 23 médailles d’or), et 33 breloques des Jeux de Sotchi 2014 disputés à domicile (première nation avec 13 titres olympiques).

Mais sur l’ensemble de ces médailles et titres remportés, combien ont été obtenus après falsification des échantillons et la mise en place du système organisé de dopage entre 2011 et 2015 ?

Le Rapport McLaren de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) est éloquent en ce sens, et démontre que la fraude a concerné tous les sports inscrits au programme des Jeux d’été et un total démentiel de 30 sports.

Cérémonie de clôture des Jeux d'hiver de Sotchi 2014 (Crédits - CIO / Matthew Stockman / Getty Images)
Cérémonie de clôture des Jeux d’hiver de Sotchi 2014 (Crédits – CIO / Matthew Stockman / Getty Images)

Compte tenu de ces éléments à charge, il apparaît nécessaire que le CIO prononce l’exclusion de toute la délégation russe des prochains Jeux et – même si cette décision pourrait intervenir bien plus tard – décide de la nullité d’une partie ou de la totalité des médailles obtenues lors des Jeux de Sotchi 2014 voire de Londres 2012.

Les conséquences d’une telle décision seraient multiples et pourraient engendrer la colère et la protestation des autorités politiques russes.

Mais dans sa quête de transparence et afin de garantir sa crédibilité aux yeux de l’opinion publique et des dirigeants internationaux, le CIO doit être en mesure de frapper un grand coup en prenant des mesures historiques.

Certains sportifs russes potentiellement non-impliqués dans les affaires révélés par le Rapport McLaren pourraient évidemment se retrouver pénalisés par pareil acte, mais il en va de l’intégrité des Jeux Olympiques, un événement regardé par plus de 4 milliards de téléspectateurs et qui contribue à la naissance de rêves et d’ambitions parmi les plus jeunes.

Quel exemple donnerait le CIO au monde et en particulier à la jeunesse en ne prononçant que des sanctions à minima ? Quelle crédibilité aurait le CIO en ne prenant pas de mesures coercitives et ce, alors même que son Président souhaite une tolérance zéro à l’égard des tricheurs ?

« Les dopés n’ont nul endroit où se cacher.

Nous conservons les échantillons pendant 10 ans afin que les tricheurs sachent bien qu’ils ne pourront jamais être tranquilles » avait ainsi affirmé Thomas Bach, en mai 2016.

Thomas Bach, brandissant un exemplaire de l'Agenda 2020 (Crédits - CIO / Ian Jones)
Thomas Bach, brandissant un exemplaire de l’Agenda 2020 (Crédits – CIO / Ian Jones)

Aujourd’hui, l’institution fondée par le Baron Pierre de Coubertin ne peut plus se cacher derrière ce vieux principe de neutralité. Avec l’Agenda 2020 et la Charte Olympique à sa disposition, elle doit agir pour la protection des sportifs propres et, disons-le clairement, pour la survie du modèle Olympique.

En exigeant de l’AMA d’engager au plus vite une refonte du modèle antidopage, le CIO ne fait que déplacer un problème qui le concerne grandement.

Certes, il est impératif de redéfinir les contours du système actuel – comme le demande d’ailleurs les autorités sportives américaines – mais il est tout aussi nécessaire de mettre en osmose ses paroles et ses actes.

Le CIO a la possibilité de marquer l’histoire du sport. Reste à savoir de quel côté penchera la balance olympique.

5 pensées

  1. Si le CIO se refuse à exclure totalement la Russie, alors qu’il cesse de nous raconter n’importe quoi sur la lutte anti-dopage. S’il ne prend pas cette decision, il n’y aura aucun changement en Russie et l’impunité sera totale pour ceux qui ont triché.

    Le mouvement olympique a besoin d’un électrochoc et exclure ce pays est le seul moyen de ramener un peu de crédibilité dans la maison.Et aussi faire peur à d’autres au passage.Car ne soyons pas naïf, la Russie n’est pas le seul pays problématique en matière de dopage.

    Malheureusement, les tergiversations du CIO montre que l’institution olympique compte en son sein des membres qui ne veulent pas que le ménage soit fait. N’oublions pas que la Russie y est puissante et compte sur de nombreux alliés. De plus, qui dit qu’en ouvrant la boîte de Pandore, d’autres pays ne seront pas affectés?

    Et effectivement, la Russie doit perdre toutes ses médailles acquises à Londres, Sotchi, Nanjing et Lillehammer. Qui peut prétendre qu’un athlète propre sur une competition l’a toujours été?

    Enfin, si le CIO se refuse à emprunter la seule voie qui tienne, alors il sera peut-être temps de penser à une refondation de l’olympisme en dehors de cette institution.

    C’est l’épreuve de vérité pour le CIO et pour Bach.

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