JO 2028 : Moncef Belkhayat : « Si j’engage Casablanca dans ce projet, je gagnerais l’organisation des Jeux »

Il y a quelques jours, « Sport & Société » évoquait la proposition de Moncef Belkhayat, ancien Ministre Marocain de la Jeunesse et des Sports, de présenter la candidature de Casablanca à l’organisation des Jeux d’été de 2028.

Ce mercredi, celui qui est candidat aux élections régionales à Casablanca, a accepté de répondre en exclusivité aux questions de « Sport & Société », en détaillant son projet et son ambition.

(Crédits - Moncef Belkhayat)
(Crédits – Moncef Belkhayat)

– Dans le cadre des prochaines élections régionales marocaines, vous avez émis la proposition de présenter la candidature de Casablanca à l’organisation des JO 2028. Cela s’apparente-t-il avant tout à un coup de communication ou à une véritable ambition pour la ville et sa région ?

Mon programme est un programme basé sur quatre objectifs majeurs, programme que j’ai présenté de manière chiffrée.

Le premier point consiste en une amélioration de la vie des citoyens de Casablanca, à travers un système de sécurité, un système de transports, mais aussi un système de santé et de proximité. Le deuxième objectif consiste à améliorer la gouvernance de Casablanca, à travers un projet que l’on appelle la « Smart City ». Le troisième objectif est de faire de Casablanca le premier pôle économique entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, et un pôle qui relie les continents, notamment l’Europe à l’Afrique Subsaharienne. Cet objectif vise à faire de Casablanca un hub économique. Le quatrième objectif est enfin de faire de Casablanca et de sa région, un pôle touristique – le deuxième du Maroc après Marrakech – en profitant de nos 220 kilomètres de côtes, mais aussi en profitant de la construction d’un Palais des Congrès qui ferait de Casablanca une ville de tourisme d’affaires et de shopping.

A partir de là, si ces quatre objectifs sont atteints, ce que je dis, c’est que présenter Casablanca pour organiser les Jeux Olympiques de 2028 devient une conséquence logique et la cerise sur le gâteau, pour faire en sorte que l’on puisse avoir un programme de rupture qui transforme Casablanca avec un cap, et ce cap, étant incarné par les JO 2028.

Alors est-ce un coup de communication ou un vrai projet ? Je vous réponds de manière très claire, c’est un vrai projet qui a même été discuté avec le Président du Comité International Olympique (CIO), lorsqu’il est venu visiter Rabat lors de l’organisation des premiers Jeux de la Jeunesse Africaine.

Nous avions alors évoquer la possibilité – à l’époque le Maroc avait gagné la Coupe du Monde des Clubs, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), la Coupe Mondiale des Confédérations d’Athlétisme – et il m’avait dit, « est-ce qu’éventuellement, après avoir organisé toutes ces compétitions, l’organisation des JO 2028 ou 2032 à Casablanca pourrait être envisageable ? ». J’avais répondu, « bien sûr Monsieur Le Président que ce projet est envisageable. Il faut juste savoir que si vous voulez organiser les premiers JO de l’Histoire de l’Afrique, le CIO devra faire un effort pour pouvoir, sur le plan financier, permettre à un pays africain de pouvoir le faire ».

Nous avions évoquer le sujet et clairement, il y a deux villes africaines qui sont ressorties du lot comme étant capables d’organiser les JO en 2028 ou en 2032 : Casablanca ou Durban en Afrique du Sud.

Clairement, c’est un vrai projet et à titre personnel, j’y crois vraiment, parce que j’ai engagé mon pays dans des dossiers de manifestations sportives et j’ai gagné l’ensemble des dossiers dans lesquels j’ai engagé mon pays. Si j’engage Casablanca dans le cadre de ce projet, je gagnerais l’organisation des JO. Mais moi-même, candidat à la présidence de la Région de Casablanca, je n’engagerai la ville que si les quatre premiers objectifs que j’ai cité sont réalisés et financés avec les prérogatives nouvelles qu’aura le Président de la Région du Grand Casablanca.

– Sachant que vous avez évoqué la possibilité d’une candidature avec le Président du CIO, vous avez sans doute pu aborder ce sujet avec Nawal El Moutawakel, ancienne Ministre de la Jeunesse et des Sports comme vous, et surtout membre influente du CIO ?

Non, je n’ai pas encore discuté avec Madame Nawal El Moutawakel. Il faudrait que ce soit précis. J’ai discuté avec Monsieur Thomas Bach en 2010. Nous sommes en 2015 et je n’ai pas encore discuté avec Madame Nawal El Moutawakel qui est aussi membre du Bureau Politique du même parti que moi, le Rassemblement National des Indépendants (RNI).

Je ne discuterai avec elle qu’au moment où mon projet aura été accepté par la société civile casablancaise, par les élus. Dès lors, il faudra ensuite prendre son bâton de pèlerin et convaincre le Gouvernement, parce que ce projet deviendra un projet national, un projet d’État. Une fois cette étape réalisée, je pourrai officiellement aller démarcher le CIO et à ce titre, Madame Nawal El Moutawakel sera bien sûr la première personne en tant que membre du CIO que je contacterai.

Visuel du projet de Stade Olympique de Casablanca
Visuel du projet de Stade Olympique de Casablanca

– Aujourd’hui, quels sont les principaux sites sportifs qu’il faudrait bâtir à Casablanca pour pouvoir accueillir les Jeux ?

Du temps où j’étais Ministre, j’avais prévu la construction d’un grand Stade Olympique dans la ville de Médiouna. Ce projet avait donné lieu à un concours international et un cabinet coréen avait remporté la conception de ce projet.

J’avais également veillé à ce que la société SONARGES – Société Nationale de Réalisation et de Gestion des Stades -, bras armé pour les infrastructures du Ministère, fasse l’acquisition d’un terrain de 60 hectares.

Aujourd’hui, tout est donc prêt, même les budgets au niveau du Ministère de la Jeunesse et des Sports, pour lancer ce projet.

Il faudra lancer un Stade Olympique, mais également une deuxième salle couverte et une nouvelle piscine olympique pour aménager la Cité Olympique de Médiouna, avec aussi un Village Olympique dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) avec des promoteurs immobiliers qui par la suite procéderont à la location ou à la vente des appartements en logements sociaux.

Il faudra en outre réaménager le Centre Nautique de Mohammedia pour les sports nautiques et la voile ; le Centre Nautique d’Azemmour pour le canoë-kayak ; l’Étrier de Casablanca pour les épreuves équestres ; l’Hippodrome pour le cyclisme. Je pense que nous n’aurons pas à débourser beaucoup d’argent pour les sites sportifs.

D’ailleurs, en délocalisant le Stade Olympique à l’extérieur de la ville, nous pourrions repenser le Stade Mohammed V en un jardin public connu à l’échelle mondiale, comme par exemple Central Park à New York ou Hyde Park à Londres.

Casablanca mérite de devenir une ville internationale avec des endroits qui peuvent devenir mythiques. Délocaliser un stade de l’intérieur vers l’extérieur, cela s’est déjà produit, il n’y a donc aucune raison pour que ce ne soit pas le cas à Casablanca.

– Vous avez évoqué le chiffre de 38 milliards de dirhams (3,89 milliards d’euros) pour le financement du projet. Cela comprend-t-il uniquement l’aménagement des sites sportifs ou également les installations d’accès aux enceintes des compétitions (routes…) ?

Je prévois dans mon programme, 3,4 milliards de dirhams (348,73 millions d’euros) pendant treize ans pour améliorer de manière générale les infrastructures de Casablanca, infrastructures pour les transports, pour la santé, pour la sécurité. A ces 3,4 milliards, j’ajoute 38 milliards – c’est-à-dire 3 milliards de dirhams (307,67 millions d’euros) par an pendant treize ans – pour le projet des Jeux. Ce projet comprend les infrastructures sportives, les frais d’organisation, la sécurité et la partie du volet des transports qui sera liée aux JO.

En revanche, concernant l’aéroport international de Casablanca, la ville a besoin de rénover ce site pour devenir un hub économique et touristique et je ne comptabiliserai donc pas l’aéroport dans le budget des Jeux.

Dès lors, le budget relatif aux JO est de 38 milliards de dirhams. Casablanca a besoin d’un budget similaire pour pouvoir transformer la ville où il est aujourd’hui difficile de marcher sur les trottoirs, en une ville sécurisée, propre et où l’on peut venir se faire soigner si on a le moindre souci de santé, autrement dit, les aménagements nécessaires pour une ville accueillante et au rayonnement international.

(Crédits - Moncef Belkhayat)
(Crédits – Moncef Belkhayat)

– Quels sont les grands axes de la politique sportive et des grands événements menée par les autorités marocaines ?

Le Maroc a organisé plusieurs événements d’envergure internationale.

Nous avons dernièrement accueilli le Mondial des Clubs. Nous avons organisé par ailleurs la Coupe des Confédérations d’Athlétisme, la Coupe du Monde féminine de beach-volley et nous accueillons régulièrement des événements majeurs.

Maintenant, il s’agit de se fixer un nouveau cap et de donner des garanties au CIO. Je pense que je peux mener ce projet à bien et apporter les garanties nécessaires, d’abord pour réaménager Casablanca et ensuite pour faire de Casablanca la première ville africaine à proposer un solide projet d’organisation des Jeux Olympiques.

Pour cela, j’ai même prévu un budget pour une action de sensibilisation aux valeurs olympiques à l’école, car les Jeux, ce ne sont pas uniquement du sport, mais également des valeurs et des principes. Ces valeurs et ces principes doivent aussi être enseignés aux jeunes étudiants pour être prêt à accueillir en 2028, plusieurs centaines de milliers, si ce n’est des millions de spectateurs et de personnes étrangères.

Casablanca est une ville d’affaires. Les étrangers qui y viennent, ce sont des businessmans, mais nous n’avons pas encore d’étrangers qui viennent et qui se posent une semaine dans un hôtel pour se reposer, faire du balnéaire, faire du shopping…  Aujourd’hui, il est très difficile d’avoir une terrasse à Casablanca où un touriste peut venir s’asseoir tranquillement. Ce n’est pas encore le cas mais cela le sera d’ici 2028. C’est ma vision pour développer le tourisme à Casablanca : une réhabilitation de la médina, un Palais des Congrès de 5 000 places, la construction de 25 hôtels classés, le réaménagement de la corniche, le lancement d’un Festival International de shopping en janvier et en juillet à Casablanca.

– Ne craignez-vous pas, si votre proposition obtient les appuis nécessaires, la concurrence d’un autre pays africain, en l’occurrence l’Afrique du Sud ?

J’ai déjà affronté l’Afrique du Sud dans le cadre du projet de candidature pour la CAN 2015 et Monsieur Danny Jordaan lui-même (Président de la South African Football Association) s’était déplacé et je l’avais battu.

Il n’y a donc pas de raison pour que ce ne soit pas le cas pour les JO !

– Du fait de votre expérience en qualité d’ancien Ministre de la Jeunesse et des Sports, quel regard portez-vous sur les candidatures déclarées à l’organisation des JO 2024 ?

En ce qui me concerne, je suis pour Paris, du fait de la proximité du Maroc et de la France et du fait que Paris a un beau projet.

Si en 2024, les JO se déroulent à Paris, ce serait sympa que Paris soutiennent le Maroc pour les JO de 2028 à Casablanca. Cela permettrait de rester dans un axe de coopération et de développer, pas seulement le sport, mais surtout les valeurs du sport dans le monde francophone.

3 pensées

  1. Moncef Belkhayat a une vision claire et réaliste pour transformer Casablanca pour que la ville obtienne les Jeux Olympiques. Cependant, son chiffrage des différent projets me parait sous évalué. 2032 serait peut être plus approprié pour une candidature marocaine. Je pense aussi que dans le cas de Casablanca, une candidature conjointe avec la ville de Rabat serait à explorer.

    Je pense que si Casablanca se lançait, elle obtiendrait le soutien des pays francophones (dont Paris sauf si elle échoue et retente sa chance) mais aussi des pays arabes. Dans le cas de Durban, ce seront les pays anglophones qui soutiendront la candidature sud-africaine. Au final, si Casablanca et Durban se lance dans la course pour les prochaines échéances, la course sera très ouverte et indécise. Un outsider pourrait leur voler l’organisation des jeux.

    Dans les deux cas, une candidature africaine semble difficile pour 2028 vu la concurrence (européenne ou états-unienne, australienne et peut être asiatique). 2032 ou 2036 semble des objectifs bien plus réalisable pour les Africains.

  2. L’Afrique n’ayant jamais organisé les Jeux Olympiques, n’importe quelle échéance peut lui être favorable…de 2024 à 2032 et même au-delà. Mais malgré cette très bonne interview de Kevin, tout cela me semble avant tout très politicien et communicatif pour cet élu marocain…le Maroc a encore d’énormes défis à relever, notamment en matière d’éducation, de pauvreté…malheureusemen pour le Maroc, si l’Afrique doit organiser les JO dans les vingt prochaines années, le CIO se tournera en toute logique vers l’Afrique du Sud, première puissance économique du continent

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